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Quelques outils pour faire face aux colères des 2-3 ans

Par Vicky

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Concernant les enfants des 2-3 ans, les colères semblent être le problème face auquel les parents nous nous sentons le plus démunis. Avant de parler des colères, il me semble important de faire une grande parenthèse sur la fameuse « phase d’opposition » car la frustration qu’elle engendre, de part et d’autre, est source d’une bonne partie des colères des enfants… et des parents !

Tout d’abord j’ai un scoop pour vous : la phase d’opposition n’en est pas une ! Oui, vous avez bien lu, la période du non n’est pas une phase d’opposition au parent, bien que l’enfant s’oppose. En réalité il s’agit de la période de l’émergence du désir propre de l’enfant. L’enfant s’oppose à son parent parce que le temps est venu pour lui de sentir le contour de lui-même, de ne plus être le prolongement de sa mère et de son désir à elle. Ainsi, l’enfant dit non au désir de la mère pour avoir l’occasion de sentir ce qu’il veut lui, peut-être qu’il veut la même chose mais, tant qu’il ne s’est pas opposé, il ne peut pas le savoir. Il a besoin de décider. On entend souvent que pendant cette période l’enfant cherche les limites, nos limites. L’enfant cherche effectivement les limites mais pas les nôtres : les siennes. Il cherche les limites de sa propre personne, telle qu’elle se définit par ses désirs, ses capacités et son pouvoir personnel.

Le parent vivant cela comme un affront et comme une remise en question de son autorité, pense que l’enfant veut prendre le pouvoir dans la maison et fait tout pour ne surtout pas lâcher ses acquis parentaux ! Bonne nouvelle : votre enfant ne prépare pas un coup d’état ! Plus on accompagnera cette phase avec bienveillance, moins longtemps on y sera confronté. Le mieux c’est de ne pas rentrer dans un jeu de pouvoir où l’on essaierait d’asseoir une autorité, car cela est absurde pour l’enfant. L’enfant n’est pas en train de chercher à prendre le pouvoir sur nous mais sur sa personne. Ainsi lorsqu’on s’oppose systématiquement à son désir, le message que nous lui faisons passer c’est : « tu n’as pas le droit de vouloir, de penser et de ressentir par toi-même ». « Casser » l’enfant pendant cette période cruciale donnera à coup sûr l’un des ces deux résultats : l’enfant soit il se fixera sur cette « phase d’opposition » pour toujours, développant ainsi une personnalité rebelle, soit il se soumettra, développant une tendance à la soumission.

Si vous observez attentivement, vous constaterez que cette période est suivie par celle du « moi tout seul ». En effet, lorsque l’enfant a acquis la capacité de savoir ce qu’il veut, il veut le faire par lui-même. C’est sur le chemin vers l’autonomie que nous l’accompagnons tout au long de ces turbulences ! C’est même une formidable occasion pour nous, parents, de sentir aussi les limites de notre volonté et la légitimité des tas de choses que nous imposons à nos enfants, contre leur volonté. Lâcher sur les choses pas importantes, permet à l’enfant de se connaitre et de se construire, et à nous de sortir des jeux de pouvoir dans lesquels nous rentrons presque instinctivement.

J’ai fait un détour par la période du non parce que je pense que comprendre que l’enfant n’agit pas contre nous, nous permet de prendre du recul, de manière à pouvoir gérer nos propres émotions (souvent de colère) pour faire face à la colère de l’enfant. Car à ce moment-là il s’agit d’aider l’enfant.

Un enfant en bas âge peut déclencher une colère pour des tas de raisons : fatigue, frustration exogène (on m’empêche de…) ou frustration endogène (je n’arrive pas à…), douleur… Et très souvent il peut aussi partir dans une colère monstre sans qu’on ait eu le moindre élément de compréhension rationnelle. L’expérience montre que quand la colère est là, peu importe ce qui l’a déclenchée, on ne peut pas faire marche arrière généralement. Car l’événement déclencheur n’est qu’un prétexte pour vider le trop plein d’émotions (et cela est souvent vrai pour nous adultes aussi). Mais le cerveau du jeune enfant n’est pas encore suffisamment équipé pour faire face à cela et c’est le déluge émotionnel. Alors il crie, il tape, il se roule par terre, il se cogne la tête… Tout est bon pour vider le trop plein d’émotions. Et pendant que lui ou elle vide son réservoir, on dirait que nous, nous commençons à remplir le nôtre ! « J’en peux plus ! » « Ça commence à bien faire ! » « Mais tu vas te taire ? » « Qu’est-ce que tu veux ? » « Tu me gonfles ! » J’ai déjà dit tout ça, et même plein de fois…

J’ai deux enfants. Il se trouve que le deuxième est né fâché, j’ai donc eu des centaines d’occasions pour m’exercer à la gestion des colères ! À vrai dire ça ne fait pas très longtemps que je suis vraiment opérationnelle ! Mais avec le temps j’ai acquis quelques vrais outils et je tiens à vous les partager.

Outil n°1 : l’empathie la vraie. Pas l’empathie en tant que posture. Et comment est-ce qu’on arrive à ça ? Ce qui a été le déclencheur pour moi c’était de comprendre profondément (intellectuellement) que lorsque mon enfant est en crise il est le premier à souffrir de ce qui le traverse. Quand je me mets en colère moi aussi parce que je n’en peux plus des cris et de ma propre impuissance, je rajoute à sa peine la culpabilité et le sentiment d’être incompris. Je triple sa peine, et du coup la mienne vu que je rallonge la crise. Lorsque j’ai compris à froid et à tête reposée cette simple réalité-là, je suis devenue capable de me placer à 100% du côté de mon enfant lors d’une crise émotionnelle. Je ne me suis plus jamais mise en colère face à ça, car j’ai considéré que mon rôle était de l’aider à s’en sortir. Je suis donc devenue alliée, pas persécutrice. J’estime que gérer sa propre colère dans des situations comme celle-ci (enfant en crise) n’est pas très aidant. Ce qui est aidant c’est de ne plus se sentir en colère. Selon notre propre histoire cela peut être plus ou moins atteignable, mais parfois la seule prise de conscience de la réalité de la situation peut suffire. Essayez !

Outil n°2: l’humour et l’imaginaire. Mon enfant a eu la bonne idée d’emprunter à la crèche le livre « La colère du dragon ». Un petit garçon raconte comment il se transforme en dragon lorsqu’il est en colère. Nous l’avons lu et relu, et relu même ! A partir de là, quand je vois un début de colère poindre je dis « Oh-oh on dirait que le dragon arrive ! Est-ce qu’il est là ? », après je fais des bruits de grognement, je lève les bras, enfin j’essaye d’imiter un dragon… La plupart du temps il rentre dans le jeu et ça finit en bataille sur le lit. Si cela n’est pas suffisant parce que la colère semble un peu plus importante je prends son rôle. Je commence à dire ce qu’il dit d’habitude : « arrête ! maman me parle pas ! », je fais comme si je voulais le taper, je me roule par terre… Au début il m’observe, il est entre le rire et les larmes et puis ça finit en franche rigolade. La crise est désamorcée et les émotions peuvent s’évacuer par le rire. Le rire est un puissant mécanisme de décharge du stress. Alors à choisir…

Outil n°3: raconter ce qui se passe. J’ai découvert un truc génial, un soir en vacances, alors que mon enfant était en pleine crise depuis une demi heure et que rien n’y faisait. J’ai dit au papa en présence de l’enfant :

 « T’as vu comme il est en colère A. ce soir ? »

« Ah oui, j’ai bien remarqué, il pleure depuis tout à l’heure, il est inconsolable ! A ton avis c’est dû à quoi ? »

L’enfant avait arrêté de pleurer et nous écoutait. Alors je réponds :

« A mon avis il pleure parce que telle chose est un peu compliquée pour lui, et puis il y a ci, et puis il y a ça… »

« Je comprends, moi aussi à sa place je serais triste et en colère, moi aussi je pleurerais »

« Tu as vu ? Il s’est calmé… »

« Moi à sa place je voudrais un câlin maintenant »

« Papa je veux un câlin »

Je me suis sentie tellement fière de cette astuce et à la fois je mesurais tout ce temps perdu sur les crises précédentes, alors que c’était tout simple. L’enfant a arrêté parce qu’il s’est senti parfaitement compris. Comme le papa n’est pas toujours là, je me sers du doudou, ou même de ma main ! Je discute avec doudou de ce qui est en train de se passer et de ma compréhension de la situation. C’est radical.

Je vous ai dit que mon enfant « est né fâché ». Il avait vraiment cette expression, sourcils constamment froncés dès son premier jour. Quand sa sœur l’a vu pour la première fois elle a demandé pourquoi il était fâché. Ça nous a bien fait rire mais par la suite j’ai été amenée à repenser à cette phrase des tas de fois. Il se mettait en colère très souvent, je ne le comprenais pas, je ne savais pas quoi faire. Je me suis posée des tas de questions, sur la grossesse, sur ma façon d’être, sur mes émotions à moi, la psychogénéalogie. On a  lui a raconté ce qui avait merdouillé pour moi comme pour lui, on a essayé l’homéopathie, le psy, le kiné, même une énérgéticienne, pourtant ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Parce que, comme beaucoup de mamans, je pensais que mon enfant avait un problème et que ça venait forcément de moi. Donc je devais trouver une solution! Je ne comprenais pas ce qui faisait qu’il était autant en colère. Aujourd’hui je pense que le plus important c’est d’accepter que cet enfant ait ce fonctionnement-là et de ne pas considérer cela comme forcément problématique. Je me suis longtemps débattue avec l’idée du tempérament car je pensais que rien ne vient du hasard. Je le pense toujours mais de manière plus nuancée: rien ne vient du hasard mais il y a des tas de choses dont je ne connaîtrai jamais l’origine et qui ne sont pas et ne seront jamais sous mon contrôle. Alors le fait que mon enfant soit enclin à la colère je l’accepte, je lui reconnais ce droit, et tant que son petit cerveau n’arrive pas à faire le travail de l’apaisement tout seul, je lui offre mon soutien entier et inconditionnel pendant ces moments difficiles.

Cerveau rose, cerveau bleu

Par Lise

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Lise Eliot est neuroscientifique à Chicago, et mère d’une fille et de deux fils. Son livre, Cerveau Rose Cerveau Bleu, paru en 2009 (traduit en 2011 aux éditions Robert Laffont),  annonce dès la quatrième de couverture vouloir tordre le cou aux idées reçus concernant les différences soi-disant innées entre garçons et filles.

Voilà une question qui commence à me tarauder… Inné, acquis, différences interindividuelles, important, pas important ?… En discuter autour de soi, en tout cas, c’est obtenir autant d’opinions que d’interlocuteurs, et des opinions souvent assez tranchées, quelles qu’elles soient.

Pourtant, il me faut dire que sa lecture m’a laissé un goût un peu ambivalent, allant de l’enthousiasme à la déception, en passant par l’ennui. Tout d’abord, l’auteur s’appuie sans cesse sur « de nombreuses études », mais elle ne les cite ni ne les détaille de manière systématique, et surtout ne livre pas de bibliographie de référence à la fin de l’ouvrage. Ensuite (euh… pour me faire politically incorrect, je vais dire : comme c’est fréquent dans les ouvrages américains), les mêmes idées sont répétées et re-répétées tout au long de l’ouvrage, ce qui a le don de prodigieusement m’agacer. En parlant d’ « écriture américaine » : elle ne dédaigne pas non plus nous livrer de petites « méthodes ». Et enfin, une grande part du livre est dédiée au sexisme à l’école, ce qui, d’une part touche à d’autres sujets sensibles pour moi (importance de la compétition et de la réussite, l’agressivité, etc.), et d’autre part, est un peu trop lié au contexte local pour livrer une analyse qui serait vraiment pertinente en France.

A ce point, je vais préciser qu’il s’agit du premier livre que je lis sur ce sujet, et par conséquent que je n’ai à peu-près aucune connaissance personnelle ni même d’esprit vraiment critique sur la question, qui, de par mon vécu personnel, m’apparaît encore un peu abstraite (je vois les clichés que délivre à ce sujet la société, mais, ne m’étant jamais, à titre personnel, sentie limitée par mon sexe féminin, je ne perçois pas encore à quel point cela risque ou non de toucher chaque enfant en tant qu’individu tant que les parents sont conscients du problème.)

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Lise Eliot, donc, dans son livre, s’emploie à déterminer si la différence entre les sexes a une part d’inné –et quelle serait celle-là. Dès le départ, sa position n’est pas figée dans un « tout noir tout blanc », mais ouverte à une réponse nuancée. Elle écrit dans l’introduction que lorsque nous avons nous-mêmes des enfants « les différences entre les sexes deviennent impossibles à ignorer » et que « garçons et filles ont des forces et des faiblesses différentes », malgré la volonté de les élever de façon identique. Cette assertion, nous l’avons tous entendue souvent émaner de mères d’enfants de sexes différents ayant pourtant cherché à faire preuve de neutralité face à leurs enfants. De même, statistiquement, les garçons sont davantage exposés que les filles aux troubles du comportement et du développement.

Pourtant, l’auteur ajoute que, lors de ses recherches exhaustives, elle a « découvert avec surprise que la science a peu de preuves sérieuses qu’il existe des différences entre les sexes dans les cerveaux des enfants ».

Ainsi, s’il existe quelques différences innées entre les sexes (au niveau des rythmes de développement, dans les processus sensoriels, les niveaux d’activités, etc.), Lise Eliot insiste surtout sur la plasticité cérébrale, celle qui fait que nos cerveaux sont en continuel changement, celle qui est à la base de tout apprentissage. Autrement dit, dit-elle, «  votre cerveau est ce que vous en faites. » Ainsi « plus les garçons et les filles auront d’activités similaires plus leurs cerveaux seront similaires. »

Inversement, « à la naissance, le cerveau des enfants est si malléable que d’infimes différences peuvent s’amplifier au cours de l’enfance, lorsque les parents, les professeurs et les pairs, ainsi que notre culture au sens large, sans même s’en apercevoir, renforcent les stéréotypes masculins/féminins. »

Quoi qu’il en soit, toutes ces recherches concernant les différences entre garçons et filles n’apportent que des résultats statistiques, dans lesquels se manifeste la « taille d’effet ». Il s’agit de la manière dont les courbes (celle correspondant aux performances des hommes et celle correspondant aux performances des femmes dans un domaine donné, par exemple la taille, ou le niveau en lecture) se chevauchent largement-ou pas. Ainsi, dans la plupart des performances, la différence entre hommes et femmes est très petite en comparaison avec l’éventail des performances à l’intérieur de chaque sexe. Il n’y a donc qu’aux extrêmes de la courbes qu’il y a peu de chevauchement entre les sexes, tandis qu’il y a globalement assez peu de différence entre l’homme moyen et la femme moyenne. Or, « se focaliser sur les extrêmes ne peut que renforcer les stéréotypes. » C’est pour cela que l’auteur se hérisse face aux allégations basées sur ces extrêmes et qui ont connues des succès médiatiques dépassant largement leur intérêt réel.

Voici à quoi la prise en compte de tous ces paramètres amène : « Garçons et filles ont bel et bien des capacités, des personnalités et des centres d’intérêt différents (…). Mais quel garçon ou quelle fille, quel homme ou quelle femme, ne réussirait pas mieux de la vie avec un éventail le plus complet possible des capacités cognitives et émotionnelles ? Les études menées sur les adolescents les plus talentueux confirment que l’intelligence et l’excellence à l’école sont davantage corrélées aux capacités communes aux garçons et aux filles qu’aux rôles stéréotypés de chaque sexe. (…) Plus tôt nous intervenons pour influencer la croissance des neurones et des synapses des enfants, meilleures sont nos chances d’élever des garçons et des filles dotés d’aptitudes diverses et bien équilibrées. »

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L’auteur se propose d’ « entamer une présentation rigoureuse des différences entre chaque sexe, de dépasser les stéréotypes pour comprendre plus finement en quoi et comment garçons et filles ne sont pas tout à fait les mêmes. Ensuite, seulement, [il sera possible] de déterminer ce qu’il convient de faire à leur sujet (…) afin de découvrir les moyens d’égaliser les chances de réussite entre les sexes, et en fin de compte, de tirer le meilleur de chaque garçon et de chaque fille. »

Le livre se décline en huit parties, quatre qui suivent l’ordre chronologique du développement de l’enfant, autour des mises en place chromosomiques et hormonales qui conduisent à la création et au développement du corps et du cerveau d’un garçon ou d’une fille, puis des différences physiques, et des subtiles différences ou analogies entre le développement sensoriel, moteur, langagier, émotif etc. des garçons et des filles. Quatre autre sont ciblés sur des versants particuliers du développement cognitif et affectif (langage, maths et sciences, émotionnel et relationnel…) qui « commencent sous la forme de minuscules graines plantées par l’évolution et nourries par les hormones –mais [qui] ne s’épanouissent que sous l’eau et le soleil de notre société sexuellement ultra-polarisée. »

Chaque chapitre se termine par des suggestions et conseils pour renforcer chez chaque sexe les compétences pour lesquelles il rencontre statistiquement plus de difficultés, et aller au contraire des stéréotypes, qui creusent et installent ces faiblesses au lieu de les contrer.  Par exemple, comment aider les fillettes à développer au mieux leurs compétences visuelles, spatiales, sportives, les garçonnets leurs compétences langagières et en lien avec l’écrit… En effet, Lise Eliot insiste sur le fait que chaque sexe mérite que l’on soit attentif : « chacune des techniques s’acquiert par la pratique et l’expérience », il est donc primordial de donner à tous les enfants l’opportunité d’accéder à toutes les techniques au lieu de les confiner dans les stéréotypes qui les conduisent à penser que les filles sont nulles en maths et n’ont pas besoin de faire d’effort, tout comme les garçons en expression verbale.

Cependant, je suis un peu dérangée par ces conseils destinés spécifiquement aux garçons ou aux filles, certes dans l’objectif louable de compenser les difficultés de chacun, mais qui laissent par là une barrière entre les deux sexes –même si celle-ci est à l’opposée de l’habitude- alors que tous ces conseils doivent s’appliquer à tous les enfants.

Bref, me voilà ambivalente face à ce livre, aux critiques pourtant fort positives sur internet. J’aime son point de vue ouvert et argumenté (quoi que déstabilisant car, la plupart des cas, les études citées sont contradictoires), et j’en conseille la lecture. Pourtant… Eh ! bien, j’attends vos avis en commentaire !

Le Front Commun

Par Vicky

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J’ai décidé d’écrire sur ce sujet « mineur » parce qu’il prête encore beaucoup à confusion, même lorsqu’on est dans l’éducation bienveillante (ou positive) ! On entend toujours, que ce soit par la bouche des professionnels ou par celle de qui veut bien donner son avis, que les parents doivent faire Front Commun face à l’enfant. Ce qui implique que le parent A doit taire ses particularités, ses points de vue, ses ressentis au profit de la présumée autorité du parent B.

Imaginez que votre compagne/on dit à votre enfant « tu ne te lèveras pas de table tant que tu n’as pas fini ton assiette« . Et vous, parce que vous savez qu’il y a une demi-heure il a mangé un paquet de chips, et parce que vous êtes venus voir Carlos González en conférence (1) et parce que tout simplement vous tenez à respecter les besoins de votre enfant, vous avez quand même envie d’intervenir en faveur de l’enfant. Halte ! Selon le sacro-saint principe du Front Commun il ne faut surtout pas prendre la défense de l’enfant ! Parce que si vous, vous n’êtes pas d’accord avec l’autre parent, l’enfant soit il trouve une faille et s’y engouffre (et fait donc ce qu’il veut) soit il se sent terriblement en insécurité car les deux piliers de la famille ne sont pas bien parallèles. Vraiment ?

Je ne crois pas. Je crois que chaque parent est un être humain à part entière en non pas la moitié de l’entité parentale. Je ne crois même pas à l’entité parentale, dans ce cas cela servirait à quoi d’avoir deux parents ? Chaque parent est une personne, avec ses avis, ses convictions, ses valeurs, ses sensibilités, son passé, ses ressentis, ses besoins propres et c’est même très important pour l’enfant de pouvoir apercevoir tout ça, pour qu’il puisse à son tour construire sa propre identité. Il saura ainsi qu’il a le droit d’être unique.

J’ai décidé d’écrire sur ce sujet mineur, parce que je me souviens toujours à quel point je trouvais ça injuste et même ridicule, de voir un de mes parents se rallier à l’autre, parce que le mot d’ordre était Front Commun ! Je lui en voulais terriblement quand je voyais qu’il était d’accord avec moi mais qu’il ne fallait surtout pas le dire… Mais en fait, si nous ne défendons pas nos enfants, qui va le faire ? Oui, les défendre quand ils ont besoin de cet appui, peu importe qui ils ont en face. Cela peut être l’autre parent, le professeur, la grand-mère, la sœur… Lorsqu’on s’oppose à l’autre parent pour prendre position pour l’enfant on lui permet plusieurs apprentissages: on lui montre que le désaccord n’est pas un problème, que l’on peut être souple et que rien n’est gravé dans le marbre. Que l’on peut se tromper en tant que parent ou alors que notre avis n’est qu’un avis, pas une vérité universelle. Que notre âge n’est pas un facteur de supériorité et qu’on peut reconnaître qu’il puisse avoir raison. Sans parler bien sûr du fait que ça réchauffe le cœur de l’enfant lorsqu’il se sent mal avec ce qui est en train de se passer et qu’il se sent un tant soit peu soutenu ! C’est même très sécurisant… Etre ouvert à l’opposition de l’autre parent prouve aussi à l’enfant qu’on n’abuse pas de notre pouvoir sur lui, que quand on fait fausse route on est prêt à l’entendre. Je ne sais pas vous, mais moi je prends ! Une éducation bienveillante va dans le sens de l’ouverture, de la tolérance des avis divergents et des différences, des rapports humains égalitaires sans distinction d’âge, de l’humilité aussi… ça me parait assez cohérent !

Je ne vous propose pas, bien entendu, d’entamer une franche engueulade, qui plus est devant les enfants ! Evidemment dans ce cas le bilan est plutôt négatif : on montre à l’enfant que désaccord égale dispute, il culpabilise parce que ses parents se disputent « à cause » de lui, angoisse… Nan, c’est pas ça ! Ce qu’on peut faire c’est exprimer notre avis ou ressenti sans juger le point de vue de l’autre parent, ou encore apporter de l’information : « ce n’est pas étonnant qu’il n’ait plus faim, son petit estomac est déjà plein, il vient de manger un paquet de chips« . Lorsqu’on voit que l’autre parent est dépassé et vire vers la VEO (2) on peut proposer de prendre le relais tout de suite. Cela passe beaucoup mieux que de longues tirades d’indignation sur la façon de l’autre de parler à votre enfant! Car, généralement, il n’en est pas fier mais, dépassé par ses émotions, il n’arrive pas à gérer mieux que ça. Alors là, tout le monde vous sera reconnaissant: l’enfant parce que le calme revient et il n’est plus accablé/stressé/apeuré, l’autre parent parce que vous lui avez offert une porte de sortie, avec empathie. Vous lui avez proposé de prendre le relais parce que vous avez senti que c’était difficile pour lui, pas parce que vous ne supportiez pas sa façon de faire. Ce petit détail peut faire une énorme différence, et si vous êtes sceptique vous n’avez qu’à essayer !

Je pense que le Front Commun est un concept qui mériterait maintenant d’être dépassé. Il a eu son heure de gloire lorsqu’on essayait de sortir de l’autoritarisme éducatif pour établir une autorité juste (ça me fait mal au cœur d’écrire une telle antinomie, mais passons) et cette autorité était tellement fragile -parce qu’elle ne voulait plus s’appuyer sur la force mais elle a vite compris qu’elle ne pouvait pas s’appuyer sur grand chose d’autre- qu’elle devait absolument être soutenue par un consensus parental, voire sociétal, éducatif, qui opposait les mineurs aux majeurs. Les majeurs (parents, enseignants, voisins) avaient raison. Les mineurs avaient tort. En cas de confrontation le majeur l’emportait. Evidemment si les majeurs commençaient à se remettre en question entre eux, la révolution des mineurs n’était pas loin… Alors le Front Commun avait naturellement du sens. Mais plus maintenant, pas dans l’éducation bienveillante. Parce que n’oubliez pas que qui parle de Front parle de Guerre. Ne tirez pas sur vos enfants 😉


1. Voir .

2. Violence Éducative Ordinaire (voir ici)

Quand j’étais petit… je n’étais pas grand

Par Lise

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Il y a quelques jours, un monsieur aux cheveux blancs m’a abordée dans la rue, alors que je marchais main dans la main avec ma petite Loutre. Peut-être avait-il pensé que je venais de la rabrouer (je venais, de fait, de lui intimer de me donner la main car nous étions au bord d’une route où passaient beaucoup de véhicules à vive allure), peut-être avait-il juste envie de me communiquer son idée. « Rappelons-nous lorsque nous étions nous-mêmes enfant », a-t-il déclaré sobrement.

En vérité, c’est une réflexion que je me fais souvent. J’ai un souvenir vif d’avoir, vers 5 ans, couru dans un bois avec une amie de mon âge. Celle-ci s’est faite sèchement réprimander pour une raison qui m’a semblé à l’époque injuste (et que j’ai aujourd’hui oubliée), et elle m’a alors dit :

« Quand je serai grande, je me rappellerai toujours de ça, et je ne le ferai jamais à mes enfants !

– Moi aussi, ai-je promis. »

La suite de l’histoire veut que, lorsque j’ai récemment raconté cette histoire à l’amie en question, elle aussi devenue maman, celle-ci m’ait avoué n’en avoir pas le moindre souvenir. Et, m’a-t-il semblé, pas le moindre regret d’avoir oublié. Or, c’est cela que je trouve le plus terrible, ce détachement, ce désintérêt. Je me souviens m’être souvent demandé, étant enfant, comment il se faisait que la majeure partie des adultes semblaient ne pas se rappeler de ce qu’ils avaient ressenti étant enfants et agissent comme s’ils ne l’avaient jamais été. En fait, cela était, en vérité, assez rare en ce qui concernait mes parents, qui, tout deux, nous racontaient des histoires de leur enfance et semblaient assez bien se rappeler de « ce que cela faisait ». J’étais donc rassurée quant au fait que c’était possible, et que plus tard, moi aussi, je me souviendrai et agirai en fonction. D’autre part, si le mystère restait entier concernant les autres adultes, je me disais que les enfants de mon âge, qui grandissaient en observant ce que j’observais, feraient forcément différemment lorsqu’ils seraient à leur tour adultes. Et pourtant… lorsque je regarde autour de moi au parc, dans la rue, force m’est de constater que les nouveaux parents de mon âge sont en tout semblables à leurs parents, frappés à leur tour par l’oubli. Et pourtant, nous, ce n’est pas pareil : nous étions enfant il y a peu de temps… non ?

Quand je parle d’oubli et de détachement, je ne veux pas parler des souvenirs consciemment imprimés en mémoire que, bon gré mal gré, on a pu oublier. En vérité, ce qui me semble important, ce n’est pas tant de se rappeler véritablement, mais de chercher, aussi souvent que possible, à imaginer, à se projeter, à s’immerger dans la peau de l’enfant qu’on a été, ou, plus encore, de celui qui se trouve actuellement devant nos yeux et qui, lorsque l’on reste bien ancré dans son regard d’adulte actuel, semble parfois si incompréhensible. Bref, l’idée n’est pas de se couper les jambes pour être à sa hauteur, mais simplement de se rappeler, aussi souvent que possible, de plier les genoux pour croiser son regard…

Ainsi, parfois, je joue au jeu du retour en arrière. Je me replonge dans quelque souvenirs, et hop ! Je regarde à travers les yeux de celle que j’étais. Ce n’est plus à la place du parent qui est en face de moi que je me mets, mais à celle de l’enfant. Eh ! bien, se sentir soudain tout petit alors qu’on en a perdu l’habitude, ça fait drôle, et ça aide bien à réfléchir. Evidemment, après ce genre d’exercice, j’ai du mal à dire à ma fille « on arrête de jouer, c’est l’heure de rentrer », tant je me souviens avoir pensé « quand je serai grande… je laisserai mes enfants jouer tant qu’ils voudront, parce que je me rappellerai comme c’est difficile d’arrêter un jeu en plein milieu, et triste de quitter des copains qu’on s’est à peine faits »… Mais, de façon presque magique, j’ai l’impression que la manière dont je prépare, formule et explique ma demande est bien différente, car elle obtient (la plupart du temps…) un résultat plus simple et plus paisible qu’un impératif « c’est fini, on y va ! » lancé un jour pressé.

La question que je me pose à ce point est : « est-il possible que tous ces adultes ne se rappellent VRAIMENT pas ? » Ont-ils vraiment oublié, n’ont-ils pas l’idée de se souvenir, pas l’envie… ? Cela m’intéresserait de le savoir. Je ne parle pas tant de souvenirs précis que l’on peut raconter, que de sensations diffuses perceptibles à nouveau, même de manière vague, en « pliant un peu les genoux »… De plus, je ne suis pas certaine que pour comprendre ce qu’un enfant ressent et la manière dont on pourrait lui rendre les choses plus faciles il soit absolument nécessaire de se souvenir de sa toute petite enfance : et la semaine dernière, quand vous vous amusiez comme un fou/folle avec vos amis et qu’il a fallu partir brusquement ? Ou il y a une heure, quand vous avez eu envie d’un croissant au beurre et que… personne ne vous a répondu qu’il s’agissait d’un caprice et que ce n’était pas l’heure un point c’est tout… ? Et oui, l’enfant-vrai-petite-personne, pour se mettre à sa place, il suffit… de s’y mettre en tant que personne pareil-un-peu-plus-haute. (1)


  1. Je ne suis pas en train de dire par cela qu’il faut accéder à toutes ses demandes, seulement que l’on peut comprendre celles-ci comme étant recevables de la même manière que celle de n’importe qui et qu’elles exigent une réponse (fût-elle un refus) formulé de la même manière qu’on la souhaiterait formulée pour nous. (2)
  2. Et c’est là que vous allez me répondre : « oui, mais si alors mon enfant se met à crier, à se rouler par terre, lui ne répondra pas comme je le ferais », et moi, j’oserai dire : « C’est au parent de se comporter avec son enfant comme s’il était lui-même (ou tout autre personne respectable), l’enfant, lui, est un enfant, et il n’a pas à se comporter en réponse comme un adulte ». Là, vous allez peut-être vous fâcher, et me dire : « mais c’est idiot, je ne vois pas pourquoi moi, je devrais répondre à de telles exigences, alors que lui, il fait n’importe quoi, il crie, et tout ça. C’est pas juste ! » Et… que répondriez-vous, justement, à votre enfant, s’il vous disait une telle chose alors que vous êtes en train de lui demander de faire des efforts ? Euh… la boucle est bouclée, n’est-ce pas ?

Justifier cris et punitions

Par Lise

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Tous les avis sont dans la nature !

« On lit aussi dans des revues, livres, magasines très sérieux, (écrits par des psychologues et neuropédiatres, avec études scientifiques à l’appui !…), des choses qui vont à l’encontre de ce qu’avancent les idées d’éducation non-violente » m’a-t-on dit récemment. Et c’est vrai, tellement vrai que je m’en suis allée lire ce que j’ai pu trouver, parce qu’après tout, pour se forger une opinion, il est important d’avoir écouté plusieurs points de vue. Ainsi me suis-je rendue à la bibliothèque, au rayon Psychologie de l’Enfant, et ai-je emprunté, à tout hasard Eduquer ses Enfants, l’urgence d’aujourd’hui d’Aldo Naouri, et Comment Embobiner ses Enfants de Borgenicht et Grace, que j’ai complétés par la lecture d’un article pris au hasard sur le net en tapant « punir enfant »

Vous allez me dire que je partais prévenue et pas tout à fait impartiale. C’est vrai, mais je vous promets quand même que j’ai fait de mon mieux pour entendre d’autres idées et d’autres arguments. La preuve tout de même : 333 pages de Naouri, 150 d’Embobiner et 4 de Psychologies magazine !

Les premières idées qui ressortent comme base à ces trois lectures sont :

  • L’enfant provoque ses parents, il n’est pas encore tout à fait une personne, il faut l’éduquer pour qu’il le devienne, mais peu importe ce qu’il pense et ressent, qui n’est pas fondé sur la raison, donc n’a pas de valeur.
  • Si vous n’êtes pas stricts avec vos enfants, ils vont devenir des « enfants-rois » conscients de leur « toute-puissance » et vous en faire baver.
  • Il n’y a que deux choix : l’éducation-séduction sans règle, ou l’éducation stricte avec au minimum des punitions.
  • La théorie, il n’y a que cela de vrai si vous voulez savoir comment éduquer vos enfants, celle-ci ne manifestant aucune empathie ni pour les enfants ni… pour les parents (et cela surtout chez Naouri)

D’ailleurs, à la lecture de ces textes, du moins Naouri et Psycho, une question me taraude : mais à qui donc s’adressent-ils ?!

A qui profite le crime ?

Pour ces trois auteurs il est clair que si les choses se passent mal ou sont difficiles, c’est forcément « de la faute des enfants ». Eventuellement, c’est parce que leurs parents s’y seront mal pris que les enfants seront devenus impossibles, et qu’il faudra les recadrer (ou les embobiner, dans le meilleur cas). D’ailleurs, quand je mentionne l’éducation bienveillante, combien de fois ne m’entends-je pas dire : « Oui, mais toi c’est facile, ta fille est super cool ». Ou encore, voyant une famille, en réponse à une observation de ma part : « Quelle jolie famille, regarde comme les parents ont l’air détendus et doux avec leurs enfants », « Oui, mais tu as vu comme leurs enfants sont calmes, c’est facile pour eux »… Et donc, vice versa, famille agitée, ça vient des enfants agités qu’il faut, à grand-peine « mater ». C’est drôle, mais pour ma part, j’ai tendance à voir les choses dans l’autre sens. Le problème, c’est que c’est difficile à affirmer sans être culpabilisante, et difficile aussi d’assurer que je ne mets pas de critique ou de jugement dans ce genre de constatation. Pourtant, ce n’est absolument pas le cas, d’une part parce que je sais qu’on n’est pas toujours ce que l’on voudrait, en particulier lorsqu’on est fatigué, triste, inquiet, et aussi qu’il y a des périodes plus difficiles pour et avec l’enfant qui peuvent atteindre les limites de notre patience. Là, je parle sur le plan individuel. Mais sur le plan théorique, celui, justement, auquel se cantonnent presque exclusivement ces « grands auteurs », là, je me permets d’émettre toutes mes réserves.

Cela dit, monsieur Naouri n’omet pas pour autant d’en balancer plein la figure aux parents, surtout aux mères, dans la première partie de son livre. Car la mère, de fait, « tisse autour (de l’enfant) un utérus virtuel mais extensible à l’infini, qui reviendrait à le garder perpétuellement en elle et à n’admettre pratiquement que du bout des lèvres, si tant est qu’elle le fasse, qu’il est venu au monde aérien. Ce qui contrevient totalement aux termes de la loi de l’interdit de l’inceste. » (p.146), ce qui fait que, cherchant à ce que son enfant ne manque de rien, la mère lui laisse entendre qu’il a droit à tout et en fait un enfant-roi. Pendant ce temps, le père se trouve débouté de son rôle, ne sait plus où se trouve sa place, et, dans tous les cas, ne peut absolument pas être aussi proche de l’enfant que ne l’est la mère.

Le jeu du point de vue

Partons tout d’abord de quelque chose de tout à fait abstrait, juste pour voir. Pendant quelques heures, amusons-nous à nous convaincre que la ou les personnes autour de nous font et disent tout ce qui nous gêne dans le seul but de nous provoquer, de nous déranger, de nous pousser à bout. Bien vite, la situation nous paraîtra intenable, les personnes insupportables, et la relation avec elles difficilement gérable parce que pour autant, on ne pourra pas la modifier (ou bien voulons-nous essayer en punissant notre interlocuteur ?)… Bon. Prenons quelques autres heures, réfléchissons à combien notre interlocuteur est fatigué, maladroit parfois et ne se rend pas compte de la manière dont ce qu’il dit peut nous atteindre, et… N’est-ce pas plus facile à vivre, tout de même ? Et pourtant, l’interlocuteur, ne sachant rien de notre petit jeu, n’a, lui, rien changé quant à sa façon d’être…

Oui, mais… ce n’est pas mon rôle d’éduquer cette personne, alors que mes enfants si, me direz-vous. Je ne suis pas partie ici pour écrire un article sur la bienveillance et ses bienfaits, mais simplement pour soumettre humblement l’idée que les intentions que nous prêtons à votre interlocuteur (notre enfant) vont énormément modifier notre façon de voir les choses et de réagir. Et qu’il est bien plus aisé d’être calme et de ne pas souffrir face à une situation où l’on estime son interlocuteur bienveillant que dans le cas contraire (ce qui pourrait induire un cercle vertueux plus calme-plus calme, mais je m’éloigne à nouveau de mon propos).

Donc, vous vous en doutez, puisque tel est mon point de vue, j’ai tout intérêt à croire, dussé-je me mentir, que les enfants n’ont pas d’intentions négative à notre égard. Pourtant, d’autres auteurs que ces trois-ci me confortent assez solidement dans mon choix, que ce soit par des explications d’un ordre plus psychologique (Filliozat) ou plus neurologique (Guéguen)… Et puis, ma petite réflexion personnelle me permet également de croire qu’un enfant n’a aucun intérêt à provoquer la colère de l’adulte et peut-être même l’éloignement de celui-ci, alors qu’il a tant besoin de lui au quotidien, ni qu’il n’a intérêt à se faire gronder ou punir quand il sait que cela va se produire. Non, il réagit d’une manière qui nous semble négative malgré cela et non dans cet objectif. Pour m’en persuader, il me suffit de me rappeler mon enfance ou de discuter avec n’importe quel enfant en âge de le faire (et qui ne sera pas entré, effectivement, dans le cercle vicieux punition-vengeance). Et cela n’en déplaisent à nos amis psychanalystes (mais oui, bon sang, pourquoi donc ces trois auteurs pourtant sélectionnés au hasard se vouent-ils tant à Freud ? N’auraient-ils à ce point aucun souvenirs personnels de leur petite enfance qu’ils soient obligés de se référer à ces thèses brumeuses et anciennes (qui ont pourtant pu, à l’instar de Françoise Dolto, aboutir à des idées quasi-opposées aux leurs, ce qui prouve assez qu’on en fait ce qu’on veut pourvu qu’on mentionne le mot « pénis » suffisamment de fois)), qui affirment, comme Patrice Huerre : « Freud, le premier, a insisté sur le « besoin de punition » ressenti par l’enfant conscient d’avoir fauté. Si ce n’est pas l’autorité parentale qui applique la sanction, l’enfant risque de s’en charger lui-même, notamment par le biais de pratiques autopunitives (privations volontaires, conduites à risques, anorexie, mutilations…). »

Alors, oui, je suis d’accord, enfant et adultes, nous ne sommes pas tout à fait semblables en tout, puisque je reconnais que l’immaturité cérébrale de l’enfant le conduit aux conduites étranges que l’adulte nomme caprices, provocation ou débordement. Pourtant, je crois tout de même que nous sommes tout de même bien semblables (et quelle phrase étrange, que d’affirmer que je suis… semblable à moi-même puisque oui, j’étais déjà moi-même il y a quelques années), et que les comparaisons sont donc possibles. Que ressentiriez-vous en tant qu’adulte si on vous imposait une punition pour votre retard ou pour avoir juré après le chauffeur du bus qui vient de partir sans vous attendre ? Ah ! Vous n’estimeriez pas que cette punition était nécessaire pour vous, n’est-ce pas… Et cela à partir de… 18 ans pile poil ? Non, pas si, dès votre enfance, justement, on vous aura appris à gérer l’émotion trop forte qui vous aurait mis en rage, à la verbaliser et à réagir autrement qu’en vous auto-punissant ou en provoquant l’autre.

Le vrai monde

Ce terme d’ « enfant-roi », ainsi que celui tant aimé de Naouri d’ « infantolâtrie » m’intriguent. Quand on sait qu’en France, 84% des enfants reçoivent des punitions physiques, lorsqu’on se promène dans n’importe quel parc de jeu et que l’on voit le nombre d’enfants qui se font punir, taper ou crier dessus, quand on écoute les discours de la majorité des gens ayant un avis sur la question… moi je me demande où est-il, exactement, cet être fantastique tant redouté et tant mentionné. En connaissez-vous, de ces enfants à qui les parents passent tout, mais vraiment tout sans jamais jamais leur dire non, sans jamais leur interdire quoi que ce soit ? Les enfants dont le comportement s’approche le plus de ce petit tyran sont les enfants délaissés à qui, certes, on n’interdit rien (sauf quand on pète un câble, ce qui amène rarement à être non-violent), mais à qui on n’offre pas non plus explications ou câlins. Je ne crois pas d’ailleurs, que ce genre de textes soit destiné aux parents dépassés de ces enfants-là. Non, et c’est ça le pire : à qui ? A ceux qui, désireux de bien faire et pleins de questions auront, comme je viens de le faire, tendu leurs bras vers les premiers livres qu’ils auront vus à la bibliothèque, et tiens, en plus, « Naouri » ça me dit quelque chose, ça doit être intéressant. Ces parents qui connaissent les difficultés de tous les parents, qui sont empreints de ce qu’ils veulent et ne veulent pas reproduire de leur propre enfance, et qui n’ont pas eu la chance de tomber avant sur les trop difficilement trouvables à mon goût Filliozat, Maurel etc. Alors, venant s’unir aux phrases qui résonnent dans la tête de chacun et qui soufflent « une bonne fessée de temps en temps est nécessaire » et autres comptines de cet ordre, se dresse le spectre de l’enfant tyran, ce monstre, qui, trop adulé par ses parents, est devenu ingérable… Cette chimère créée de toute part par ces penseurs détachés du quotidien, qui mêle les emportements naturels et expliqués des enfants, les difficultés personnelles du quotidien que chacun rencontre, et… l’avenir sombre que craint tout parent. Alors, armé des conseils de nos chers auteurs, le parent n’aura de cesse que de recadrer, punir, cet enfant qui les « manipule et provoque » si naturellement.

La phrase, tant déclinée et entendue qui sert d’introduction à l’article de Psychologies m’interpelle d’ailleurs : « On a beau le gronder, il accumule les bêtises ». Euh… ne serait-ce pas la meilleure preuve que cela ne fonctionne pas ? C’est vrai qu’un enfant sur qui on n’aura pas crié recommencera peut-être lui aussi la bêtise. Mais tout d’abord, si c’est pour arriver à un même résultat, autant s’en tenir à ce qui est le moins stressant pour tout le monde, et d’autre part, à plus long terme, je suis persuadée que le résultat sera différent. Il s’agit, en expliquant, d’apprendre à l’enfant l’art de la pêche. En grondant ou punissant, on donne un poisson à l’enfant, dont il ne saura que faire, si ce n’est le jeter avec colère sur un écueil.

Pourtant, Patrick Traube affirme qu’ « une règle n’en est une que si elle est assortie d’une sanction en cas de transgression. » Voici bien une idée conventionnelle, qui ne laisse nulle place à l’autodiscipline, telle qu’étudiée par Korczak, par exemple, ni nulle place à la confiance en soi et en l’autre…

Une question de facilité

Lors de jeux de rôles que nous avons réalisés entre parents pour nous entraîner à argumenter autour des fessées et punitions, je me suis retrouvée dans le rôle de celle qui défendait ce genre d’éducation. « Mais si, il va se calmer comme ça… Il faut qu’il comprenne qu’il ne peut pas tout faire et c’est la meilleure manière… Euh… la preuve : tout le monde le dit ! » J’ai été déconcertée par l’aisance avec laquelle je pouvais me mettre dans ce rôle et la manière dont j’avais la sensation d’avoir le jeu facile par rapport à celles qui essayaient de m’opposer leurs arguments. Pourtant, je disais le contraire de ce que je pensais, pourtant j’avais moi-même bien plus d’arguments et d’expérience en défaveur de ce que je défendais que le contraire… mais, oui, la force, le « comme tout le monde », l’habitude, ont le jeu facile. Il est bien plus simple d’être pour exercer tout son pouvoir que pour nuancer et comprendre.

Et je crois que cette dichotomie se reflète à l’identique dans la façon de faire. En cas de conflit, il est bien plus facile de laisser aller sa colère, de jouer de sa force, d’isoler, d’écraser de crier (et oui, je sais combien ça fait du bien, sur l’instant, de se laisser aller aux hurlements), que d’essayer de se maîtriser, de comprendre, de retenir, d’expliquer, d’apaiser…

Cette dernière réflexion peut d’ailleurs ouvrir une lucarne sur l’enfant : mais oui, absolument, pour lui aussi, il est plus simple et plus naturel de crier, ruer, et de s’opposer de toutes ses forces ! Et en lui montrant un modèle semblable à ses réactions, eh ! bien… peut-on vraiment espérer lui faire entrevoir une autre manière d’agir ?

Oui, à mon tour, je suis un peu dans la théorie… Normal, puisque j’ai démarré cet article en réponse à des œuvres qui me paraissent complètement de cet ordre. Cependant, je crois fermement que la théorie peut et doit aussi jouer un rôle de coquille. Si ma théorie m’affirme clairement que je juge immoral de frapper un enfant, alors j’ai une chance de réussir à retenir ma main lorsque la colère sera trop forte. Si au contraire, elle est ne serait-ce que fissurée de l’ordre du « il ne vaut mieux pas, mais cela peut arriver », alors je suis certaine que cela se produira et pas qu’une fois…

Retours sur la 12ème Journée de la Non-Violence Éducative

Par Marie et Lise

Nous avions organisé deux événements à l’occasion de la Journée de la Non-Violence Éducative : l’un à Cagnes-sur-Mer et l’autre à Nice.

Le 30 avril, nous étions installés à côté du manège, cours du 11 novembre à Cagnes avec un stand coloré et en compagnie de la Ludochouette de la ville, venue faire un atelier sur le thème de la non-violence. Marie et Emilie nous ont présenté des scénettes de théâtre avec des animaux en marionnette.

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Un reportage a été réalisé par France 3 lors de cette manifestation [http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/emissions/jt-1920-cote-d-azur (à 5’05)].

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Le 3 mai, nous étions cette fois place Garibaldi à Nice avec l’association l’AmorçÂge. Vers 11 heures, autour d’un stand, nous avons affiché plusieurs visuels, panneaux d’informations informant sur le sujet.

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A ce même moment, quatre comédiens-amateurs vêtus de blanc ont proposé une première présentation de théâtre-image, mettant en scène des situations immobiles de violence, qui un bras levé vers un autre se protégeant le visage, qui la bouche grande ouverte pour hurler silencieusement sur un autre se pendant à son bras…

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Les personnes présentes se sont ensuite groupées autour d’un petit repas tiré du sac.

A 14 heures, les personnages sont entrés en scène au centre du rectangle tracé à la craie sur la place et entouré de quelques bancs de bois. Christophe a expliqué au public en quoi consiste le théâtre-forum. Les comédiens allaient jouer une brève scène une première fois. Puis, la même scène serait à nouveau ébauchée, tandis que le public serait invité à lever la main à tout moment pour venir prendre la place de l’un des personnages et, sans modifier trop radicalement son caractère, jouer le rôle à sa façon, afin de tenter une nouvelle manière de se comporter dans la situation, ou d’entraîner un changement dans la réaction des autres personnages.

Un chapeau a circulé parmi le public afin que celui-ci tire au sort l’une après l’autre les situations qui seraient jouées. Ainsi furent mis en scène une mère exaspéré par le comportement de son enfant qui jetait ses jouets tandis qu’elle tapait des messages sur son téléphone si bien qu’elle finissait par l’envoyer au coin, un père qui, ne souhaitant céder à la demande de manège de son fils, l’humiliait verbalement avant de le laisser en larmes sans répondre à sa demande de réconfort, une mère utilisant le chantage pour imposer à son enfant de rester à table et de finir son assiette, un père et une grand-mère employant humiliation et claque pour forcer leur fille à rester assise et silencieuse, et un parent fatigué, entraînant son enfant dans le rythme effréné de sa journée sans entendre les demandes de celui-ci et sans réaliser combien d’efforts faisait en fait son enfant pour le suivre…

Très actif, le public de tous âges, y compris enfantin, nous a rejoint pour proposer des ouvertures à la discussion, des interventions de personnages témoins de la scène, de témoins compatissants envers les divers personnages, des pistes, des remises en questions et des questions tout court.

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Ainsi, nous nous sommes séparés heureux d’avoir réfléchi en commun, et d’avoir échangé sur ce sujet qui nous tenait à cœur, d’avoir ouvert des questionnements et peut-être des fenêtres, partant tous enrichis par cette journée féconde.


Une exposition de l’arbre de la violence avait également été mise en place. Des participants ont pu choisir de déposer des expériences personnelles de violence vécue durant leur enfance. Nous les relayons ici :

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Compte-rendu de la conférence de Carlos González sur l’autorité

Par Lise

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Après sa conférence sur l’alimentation de l’enfant, dont vous pourrez trouver le compte-rendu ici, le docteur Carlos González, invité par l’association Grandissons à Cagnes-sur-Mer a développé le thème de l’autorité et les limites.

Pour rappel, ce pédiatre espagnol est fondateur d’une association catalane d’allaitement maternel, partenaire de La Leche League et auteur de plusieurs livres, dont deux qui ont été traduits en français (Mon enfant ne mange pas, et Serre-moi fort).

Des limites ?

Il démarre sa présentation en montrant plusieurs affiches d’associations d’enfants handicapés, dont les textes exaltent la volonté de leur permettre de « vivre sans limites », se demandant  pourquoi les parents dont les enfants ne sont pas porteurs de handicap tiennent tant à  en imposer à ces derniers. Bien sûr, dit-il, il existe de nombreuse limites « normales », telles que ne pas boire de lessive, ne pas posséder de chameau à la maison… toutes ces choses que chacun sait sans livre, qui ne sont pas des limites artificielles. Eh oui, le titre de la conférence était ambigu : ce dont parlera le docteur González, c’est des limites de l’autorité.

Des changements dans la manière de comprendre les enfants

Il cite ensuite deux exemples. Tout d’abord celui de Cajal, une célébrité espagnole, qui découvrit les neurones et leurs connections. A 11 ans, ce dernier brûla la porte du voisin avec un canon et de la poudre qu’il avait fabriqués. Son père médecin et le maire décidèrent de le mettre en prison pendant une semaine pour le punir. Le grand homme dit n’avoir retenu que les conséquences désagréables de ce qu’il continue à nommer sa « blague », et retiré la leçon d’être plus prudent lors de ses méfaits ultérieurs, continuant ses tirs au canon, mais dans la forêt. Le second est celui de Sainte Thérèse d’Avilla, qui, à l’âge de 7 ans, s’enfuit avec son jeune frère pour aller « chercher les martyrs dans la terre des infidèles » avant d’être retrouvée. Les textes d’alors mentionnent son courage, l’effort et la générosité dont elle fit preuve pour son âge, et non la désobéissance. Aujourd’hui, se demande le Docteur González, un garçon de 11 ans qui commettrait un tel « attentat » dans la ville sortirait-il à temps de prison pour entrer à l’université et obtenir un prix Nobel, à l’image de Cajal ? Dans le meilleur cas, ces enfants ne seraient-ils pas diagnostiqués comme hyperactifs et conduits vers la « normalité » via un traitement ? Ces quarante dernières années ont été marquées par un changement très net dans notre façon de comprendre les enfants.

S’il est vrai que la plupart des adultes ont un mode de vie semblable, nombre d’entre eux diffèrent : certains travaillent de nuit, d’autres dans des cirques ou des travaux acrobatiques… Pourtant, tous les enfants ont strictement le même quotidien, et fréquentent une école identique, les différences de personnalités et de besoins ne sont pas reconnues chez eux. Comme se conformer à ces exigences éducatives a dû être difficile pour les chasseurs de crocodiles ! Pour ces enfants-là, devenir adultes est vécu comme une libération.

L’autorité

Nous avons tous, poursuit le docteur González, de l’autorité, et ne pouvons pas y renoncer. Celle-ci est naturelle et automatique, il n’est pas nécessaire de la « mériter » parce qu’on serait plus intelligent, plus fort ou plus vieux.

L’autorité vient aux parents du fait que leurs enfants les aiment et ont un fort désir de leur obéir. Pourtant, comme l’affirme, paraît-il, la tante de Spiderman, « un grand pouvoir comporte de grandes responsabilités », et, malgré cela, on ne nous a jamais enseigné à avoir de l’autorité. Soudain, alors qu’on nous a toujours appris à obéir et seulement cela, on se retrouve, avec l’arrivée d’un enfant, aux commandes.

On peut alors rechercher des modèles sur lesquels s’appuyer. Dieu, par exemple, se contente de donner dix commandements, il n’a pas besoin de démultiplier les ordres. L’empereur ou le président non plus ne donnent pas de nombreux ordres et ne s’attachent pas aux détails. Seuls les parents assènent à leurs enfants des successions d’ordres (ne bouge pas sur ta chaise, ne mets pas tes doigts dans ton nez…), des reproches et des châtiments.

L’autorité serait pourtant comparable à l’argent. On peut faire beaucoup de choses avec, mais si on le dépense pour quantité de petites choses, on n’en a plus ensuite. Ainsi, l’autorité devrait être conservée pour les choses importantes (ne bois pas d’alcool lorsque tu conduis…).

Accepter les réactions à l’autorité

Pour en revenir aux empereurs, il semblerait que même Napoléon n’ait pas réussi à obtenir de ses grognards (ainsi nommés pour cause) qu’ils le suivent sans râler. Seuls les parents exigent cela de leurs enfants. En l’enjoignant d’éteindre la télévision au milieu de son programme, on attend qu’il nous remercie ? Acceptons au moins qu’il soit normal que l’enfant se sente fâché.

Flexibilité

Notre conférencier nous donne ensuite plusieurs pistes de réflexion, en comparant les situations à notre vécu d’adulte. Ainsi, les policiers donnent leurs ordres avec respect et professionnalisme. Prenons un exemple. Notre mari a besoin de Ventoline d’urgence et nous nous garons sur une place interdite pour aller à la pharmacie. Un policier intervient, expliquant qu’il est interdit de stationner à cet endroit, mais, suite à nos explications, répond « c’est bon pour cette fois, allez-y donc vite. » Pense-t-on alors aussitôt quelque chose comme « Il n’a vraiment aucune autorité, désormais je ferai tout ce que je veux ! », ou bien plutôt « heureusement que je suis tombée sur quelqu’un d’intelligent » ? Et si, au contraire, il refuse de nous écouter, un ordre étant un ordre ?… Alors, qu’attend-on d’un enfant que l’on vient de gronder et de punir ? Qu’il pense « Ah, merci pour les limites ! » ?

Formulation

En tant qu’animaux sociaux qui vivent en communauté, nous recevons et donnons tous des ordres et disposons tous d’autorité. Mais c’est aux ordres donnés de façon appropriée que nous obéissions. Au restaurant, par exemple, nous nous soumettons sans difficulté à « Asseyez-vous, je vous en prie, faites votre choix, donnez-moi votre manteau… ». Qu’en serait-il si nous entendions « Poussez-vous de là, asseyez-vous et dites-moi ce que vous voulez manger, allez, plus vite, je n’ai pas que ça à faire ! » ?

Ainsi, il est important de donner les ordres de façon appropriée aux enfants comme aux adultes. Par exemple : « Pourriez-vous finir votre jeu que nous puissions manger ? »

Collaboration de l’enfant

Carlos González présente ensuite une photographie sur laquelle posent un pédiatre, une mère et son enfant. Il décrit les personnages selon plusieurs niveaux de lecture : le pédiatre, qui est aussi en réalité un modèle, la mère, qui est aussi un modèle, et aussi une mère en vrai, et l’enfant, qui n’est rien d’autre qu’un enfant. Sur la photo comme en vrai, cet enfant regarde sa mère, il lance à sa mère un regard interrogatif pour savoir s’il doit laisser le médecin le toucher. Ainsi, jusqu’à 9 mois, si la mère manifeste de la peur, l’enfant l’imitera. On voit ainsi que l’enfant recherche l’approbation, et combien il est important pour lui d’obéir tant qu’il peut. Pour un enfant, il n’y a en effet rien de plus terrible qu’un parent en colère.

Pourtant, certains parents tendent à croire que les enfants sont de petits monstres, tyrans en herbe prêts à tout pour obtenir ce qu’ils veulent. En réalité, nous dit le docteur González, personne ne souhaite tellement obtenir l’autorité, qui n’est pas agréable, et les enfants non plus. On peut d’ailleurs noter que seules une vingtaine de personnes souhaitent une part d’autorité dans une ville, et moins d’une dizaine pour le pays. En effet, cela implique de prendre des décisions, de résoudre les problèmes, de se faire contrer… Et lorsque l’enfant fait une crise parce qu’il veut une glace, il ne souhaite pas être le roi, il veut seulement… une glace. On pourra décider d’accéder à sa demande ou non, mais on veillera à ne pas l’interpréter.

Sortir de ses gonds

Les crises font souvent sortir les parents de leurs gonds. Ainsi, certains s’écrieront : « Je lui défends de faire quelque chose, et il recommence ! »

Tout d’abord, il faut admettre qu’il est impossible d’obéir toujours. Ni Napoléon ni Hitler n’ont été obéis de tous et en toutes choses. Nous avons tous fait des excès de vitesse, triché un peu aux impôts… Il est donc déraisonnable d’attendre que notre enfant nous obéisse en tout toujours, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il est extrêmement difficile pour l’enfant de se souvenir des ordres. Nous-mêmes oublions beaucoup de choses. Par exemple, nous avons oublié une immense quantité de ce qu’on nous a enseigné à l’école. Ce dont on se rappelle est ce qui nous a été répété et qu’on a fait des milliers de fois (on se rappelle de comment on fait les additions et multiplications, mais pas des détails des cours de physique…) C’est pour cela qu’il est nécessaire de répéter mille fois chaque ordre.

Ainsi, l’ordre qui a probablement été le plus répété au monde est « buvez Coca-Cola. » Celui-ci apparaît toujours de la même manière, toujours avec la même patience, et ne devient jamais « Mais vous êtes idiots ou quoi, je vous ai dit mille fois de boire Coca-Cola ! » Les publicitaires savent en effet que ce que l’on n’obtient pas par la répétition, on ne l’obtiendra pas non plus par la menace.

Il ne le fait pas exprès

« Je lui dis de ne pas le faire, et il le fait devant moi, en me regardant dans les yeux et en souriant. »

Normalement, lorsque l’on décide de désobéir aux parents, on le fait en cachette. Ce n’est donc logiquement pas un acte délibéré que commet l’enfant qui agit en regardant son parent. Il demande des informations supplémentaires pour pouvoir obéir mieux. En effet, nos ordres ne sont jamais sans équivoque, et ils sont parfois difficiles à comprendre. Il est très difficile, en effet, de formuler un ordre qui ne soit pas interprétable, même les lois rédigées par des professionnels le sont souvent. Le docteur González détaille l’exemple de l’enfant qui dessine sur les murs. Lorsqu’on lui dira non, il pourra se demander « n’est-ce pas le bon mur (à l’école on dessine sur le mur noir), n’est-ce pas la bonne heure, aurais-je dû me laver les mains avant, ou bien utiliser une autre couleur peut-être… ? » Il recommencera donc d’une manière sensiblement différente, en observant notre réaction. Il ne s’agit pas là d’un défi, mais de la recherche de la compréhension de ce que le parent veut précisément. L’enfant sourit tandis qu’il recommence pour montrer qu’il n’est pas fâché… Il est difficile pour lui de comprendre qu’on ne peut dessiner sur aucun mur, d’aucune couleur, à aucune heure… mais lorsqu’il le comprendra, il arrêtera.

Prix et récompenses

Les prix et récompenses, nous dit le Docteur González, sont inutiles pour modifier le comportement, ainsi que le montrent plusieurs études. Ainsi, des ouvriers à qui on a promis une récompense un mois donné travaillent moins le mois suivant si on ne la leur promet pas à nouveau. Il faudrait donc toujours promettre la récompense et surenchérir.

De même, une étude a été réalisée dans deux classes : dans l’une on promettait un prix aux enfants qui dessinaient, dans l’autre pas, avant de leur laisser un temps de jeu libre. Durant ce temps, les enfants à qui on n’avait pas promis de prix précédemment dessinaient spontanément davantage que les autres.

Au-delà de cela, on peut se poser la question du choix de la récompense. Soit on offre une chose que l’on sait mauvaise (« les bonbons ne sont pas bons pour la santé, mais si tu étudies, je t’en donnerai »), soit on offre une chose bonne, dont on privera donc l’enfant qui n’accède pas à notre désir (« si tu n’étudies pas, je ne te donnerai pas de livre »), alors que cette chose bonne devrait être donnée à l’enfant quoi qu’il fasse.

Enfin, le prix détruit la qualité morale de l’acte. Par exemple, si mon enfant garde son petit cousin, joue avec lui et s’en occupe patiemment, il pourra se sentir fier de son acte, peut-être y voir la naissance d’une vocation professionnelle, etc. En revanche, s’il se voit promettre une récompense, il pourra douter lui-même de la raison pour laquelle il a agi, et en même temps son parent lui dit qu’il ne croit pas qu’il le ferait par pure bonté.

Une autre catégorie de prix est celui qui est inattendu, tel l’Oscar. Là, cela peut se révéler motivant. Mais c’est alors la valeur de l’acte du parent qui est dégradée. Ainsi, par exemple, ma fille qui a obtenu de bons résultats sait qu’elle a étudié par goût, mais je lui dis que je l’emmène à la campagne pour la récompenser de ses bonnes notes. Cela sous-tend le message que ce n’est pas juste parce que je l’aime, et que je n’aurais pas pris ce temps avec elle si elle avait obtenu d’autres résultats.

Punitions

Les études montrent que les punitions ne changent pas la conduite de la personne.

Pour commencer, un adulte ne se verra puni que pour des choses vraiment importantes (et pas parce qu’il a oublié de faire son lit), et il aura le droit de se défendre, de prendre un avocat, etc. Ensuite, si l’adulte change après son passage en prison, cela pourra être grâce à la prise en charge psychologique dont il aura bénéficié là-bas, mais en aucun cas grâce à la prison en soi.

Lorsque l’on parle de laisser l’enfant supporter les « conséquences naturelles de ses actes », il doit s’agir de conséquences vraiment naturelles (par exemple, les jouets doivent être vraiment perdus, et pas cachés exprès…). Quelquefois aussi, ces conséquences sont si graves qu’on ne peut pas laisser notre enfant les expérimenter (sauter par la fenêtre, boire de la lessive…). On pourra en revanche le laisser voir les conséquences naturelles qu’il y a à se mettre les doigts dans le nez (euh… il n’y en a pas !). Pour ce qui est du manteau on l’emportera quoi qu’il en soit au cas où. Si l’enfant sent la conséquence naturelle du froid, il pourra ainsi l’enfiler. Dans le cas contraire, c’est le parent qui se rendra compte de la conséquence naturelle de son obsession pour le froid et transportera le manteau toute la journée. Dans tous les cas, il est vraiment inutile de « marquer un point » (« je te l’avais bien dit ! »)

Carlos González détaille ensuite la parabole du Fils Prodigue. Ecrite il y a 2000 ans, elle met en scène un père qui accueille son fils fautif sans sermon, ni punition, ni conséquences, et qui va vers son autre fils pour le supplier de se joindre à eux.

Les enfants d’aujourd’hui

Ainsi, conclut notre orateur, les enfants d’aujourd’hui ont plus de limites que jamais. Ils se lèvent tôt pour aller à l’école, enchaînent avec la cantine, et ainsi de suite. Certes, les enfants de 12 ans ont plus de jouets qu’ils n’en avaient dans le passé. Mais un enfant de 1-3 ans ne demande rien d’autre que contact et attention, et de cela, ils ont bien peu.

Ainsi, une étude de Zussman montre que le fait que les parents qui tentent de se concentrer sur une distraction sans importance (style sudoku) modifient leur comportement vis-à-vis de leur enfant, par rapport à quand ils ne font rien d’autre que s’occuper d’eux. De même, les parents qui regardent la télévision grondent plus et parlent moins avec leur enfant.

Pourtant, il clôt sa conférence sur une note positive, citant une étude qui montre combien, sur 10 minutes, on observe d’interactions positives entre des parents et leurs enfants qui ne se savent pas observés, et d’une autre étude (1) qui montre les possibilités de résilience dont disposent les jeunes, notamment ceux dont les parents auront privilégié plusieurs des comportements suivants : encourager son enfant, passer beaucoup de temps avec lui et lui montrer tendresse et affection, ne pas le punir, encourager son autonomie, rester calme et privilégier la communication, partager des activités, offrir un modèle de conduite… Tous ces comportements, conclut le docteur González, sont accessibles à tous. En tant que parents, recherchons donc avant tout ce que l’on fait de bien…

Une question de sommeil

En réponse à une question du public concernant le sommeil des enfants, Carlos González cite une étude de Jenni (2), qui montre que de nombreux enfants éprouvent le besoin de dormir avec leurs parents, et que c’est à 4 ans que le plus grand nombre d’enfants le font (38% au moins une fois par semaine), pour diminuer ensuite jusqu’à l’âge de 10 ans. Il se demande si cela n’est pas dû au fait que les parents refusent aux enfants plus jeunes le cododo à cause des recommandations, alors que s’ils partagent la chambre de leurs parents dès la naissance, ce besoin diminue ensuite plus tôt, sachant que cette pratique n’est pas risquée si sur un lit et non un sofa et que les parents n’ont pas consommé d’alcool ou de drogue.

(1) https://www.questia.com/library/journal/1P3-2450753531/parenting-behaviours-associated-with-the-development

(2) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15866857

Compte-rendu de la conférence de Carlos González sur l’alimentation

 Par Lise

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Le 4 avril 2015, l’association Grandissons a invité à Cagnes-sur-Mer le docteur Carlos González. Ce pédiatre espagnol, fondateur d’une association catalane d’allaitement maternel et partenaire de La Leche League, est auteur de plusieurs livres, dont deux qui ont été traduits en français (Mon enfant ne mange pas, et Serre-moi fort). Il a présenté deux conférences, dont nous vous parlerons ici dans deux articles séparés.


Voici pour commencer ce que le Docteur González a expliqué au sujet de l’Alimentation de l’enfant. (*)

A titre d’introduction, notre orateur nous montre divers instruments et techniques utilisés pour convaincre les enfants de manger, de la cuillère-avion à la cuillère-bateau en plastique.

En tant que pédiatre, le docteur González remarque le nombre important de parents qui consultent au motif que leur enfant « ne mange pas. » Pourtant, dit-il, il y a en Espagne 30% d’enfants en surpoids, mais aucun qui souffre de malnutrition (pour info, environ 20% d’enfants en surpoids en France, selon l’HAS).

  1. Diversifier, pour quoi faire ?

L’allaitement maternel consiste consensuellement en la meilleure alimentation que l’on puisse proposer à l’enfant. Ni la mère ni le médecin ne savent exactement quelle est la quantité ni la composition de ce qu’ingère l’enfant, qui gère totalement ce qu’il prend (par exemple, la composition lipidique du lait varie au fil d’une même tétée, si bien que deux tétées de 50 ml offriront des apports différents d’une tétée de 100 ml.)

Et pourtant, une sorte de mythe vient affirmer que, brusquement, à l’âge fatidique de 6 mois, l’enfant ne trouve plus ce dont il a besoin dans le lait et ne sait plus gérer ce dont il a besoin. « Il devient idiot ! ». Il est alors nécessaire que le médecin précise quels aliments doivent être donnés à l’enfant, à quelle heure, etc. Ainsi tous les enfants d’Espagne se voient donner à 17h pile une demi-pomme, une demi-poire et une demi-banane ni plus ni moins.

Plusieurs recherches ont été menées pour tenter d’établir le nombre de calories dont les enfants auraient besoin selon leur âge. Les résultats en sont si variés selon les dates et les auteurs, et elles sont si peu précises au niveau des fourchettes d’âges, qu’on peut se demander quel est leur bien-fondé. Par exemple, on disait il y a quelques années qu’il fallait donner à un enfant 25 grammes de poulet, arrondissant ce chiffre à 50 grammes, alors que les besoins réels seraient plutôt situés autour de 15 grammes, et encore, de manière variable selon l’enfant et ses goûts « et s’il n’aime pas le poulet ?».

Besoins caloriques (kcal/jour)

Age (en mois)

FAO/OMS/UNU 1985 OMS/UNICEF1988 Butte2000

6-8

784 682

615

9-11

949 830

686

12-23 1170 1092

894

En effet, tous ces calculs ne tiennent pas compte des individus, ni précisément des âges. Pourtant, la docteure Butte a mené une étude bien plus précise, établissant des résultats selon le mode d’allaitement de l’enfant (le lait maternel contenant moins de calories que le lait infantile), son sexe, et son âge au mois près. Mais là encore, le tableau qu’elle a obtenu montre les résultats pour la moyenne de chaque groupe, donc des chiffres éloignés de la réalité pour un enfant donné. En effet, 5 % de la population normale se trouve mise à l’écart des + ou – 2 écarts-types. En bref, ce tableau permet d’observer que certains enfants sains et normaux mangent donc jusqu’à 2 fois plus que d’autres enfants sains et normaux.

En ce qui concerne les besoins en vitamines, à nouveaux les résultats fluctuent d’une étude à l’autre, allant, pour la vitamine C, à titre d’exemple, du simple au double selon si l’étude est américaine ou anglaise. La dernière étude de l’OMS tranche sur un besoin de 30 mg par jour. Cela signifie que les apports du lait maternel en vitamine C sont suffisants jusqu’à 3 ans. Pour ce qui est des nombreuses autres vitamines, on connaît encore moins les besoins réels, mais le lait maternel contient davantage de chacune que n’importe quel aliment, il est donc suffisant dans tous les cas.

Cela conduit notre orateur à mentionner cette fameuse phrase tant entendue : « ton lait ne suffit pas ! »

Et pourtant… Voici le tableau comparant l’énergie en kcal/100g de chaque aliment et celle du lait maternel :

Pomme de terre cuite

65

Pomme

52

Carotte cuite

27

Légumes avec viande (faits maison)

50

Lait maternel

70

Ainsi, même la pomme de terre cuite contient moins de calories que le lait maternel. C’est pourquoi, l’enfant prendra préférentiellement le lait. Si un enfant de 9 à 11 mois ne perd pas de poids, cela signifie qu’il consomme suffisamment de calories, soit environ 1 litre de lait maternel par jour, donc suffisamment de chaque vitamine (puisque le besoin en vitamines est couvert par moins d’un litre de lait).

9-11 mois Besoins/jour

Lait maternel

Energie

738 kcal

1054 ml

Protéines

9,6 g

914 ml

Vitamine A

400 µg

597 ml

Vitamine B12

0,5 µg

515 ml

Vitamine C

30 mg

750 ml

En outre, une étude montre que la quantité de lipides augmente au fil des mois d’allaitement (Mandel, D. et al. Pediatrics 2005;116:e432-e435).

La seule exception concerne le fer, tant en ce qui concerne le lait maternel que le lait de vache. Les réserves en fer de l’enfant (en particulier de celui dont le cordon aura été clampé immédiatement à la naissance) s’épuisent vers 6-12 mois. La consommation en fer de la mère ne permet pas d’augmenter sa quantité dans le lait maternel. C’est la raison pour laquelle on commence la diversification vers 6 mois : pour pallier à une éventuelle carence en fer de l’enfant. Si un enfant de 8-9 mois refuse de manger autre chose, en tant que pédiatre, le docteur González nous indique qu’il prescrit un complément en fer au cas où, sans s’inquiéter davantage (dans le cas d’un prématuré, il faudra le complémenter en fer dès la naissance).

Mais ce n’est pas là le motif principal de la diversification. Si c’était le cas, il serait facile de trouver des solutions moins incertaines que le poulet que mangera peut-être l’enfant, il suffirait de lui donner du fer en gouttes. Non, la raison pour laquelle on commence à diversifier l’enfant est bel et bien l’éducation.

On pourrait peut-être, nous dit le docteur González, continuer à se nourrir de lait maternel toute sa vie : je téterais ma mère, qui téterait ma grand-mère, laquelle tèterait mon arrière-grand-mère… Non, en effet, la chaîne se romprait forcément, il faut donc forcément se sevrer.

Les laits infantiles sont eux aussi plus nutritifs que n’importe quel aliment. On pourrait donc s’en contenter toute sa vie en ajoutant tout ce qui est nécessaire en fonction de notre âge, de notre profession, de notre mode de vie, ce qui nous permettrait d’éviter à tout prix diabète et cholestérol. On pourrait aller à la pharmacie, demander « du lait pour pédiatre espagnol de plus de 50 ans ». Mais, déclare notre conférencier, manger ce qu’il veut est un privilège, auquel il n’est pas prêt à renoncer, même si cela doit raccourcir sa vie de quelques années. Et ce privilège de choisir notre alimentation, nous souhaitons le transmettre à nos enfants. C’est pourquoi il faut le diversifier.

La diversification doit donc être proposée comme un privilège dévolu à une personne à part entière. Ainsi, en lui mettant les cuillères dans la bouche comme un avion et en le distrayant devant la télé pour qu’il avale, on s’éloignera de cet objectif.

 

  1. Mythes autour de la diversification

L’introduction de nouveaux aliments il y a un siècle était plus tardive, en particulier celle des fruits. On ne parlait pas alors de « manque d’appétit », mais on pouvait lire que « trop manger est dangereux ». Le terme de manque d’appétit n’apparaît dans les livres qu’en 1936, pour devenir le principal motif de consultation médicale en 1970.

Un autre mythe que dénonce le docteur González est l’idée que la purée fera prendre à l’enfant davantage de poids que le lait seul. Or, non seulement, comme nous l’avons vu, cela est impossible puisque le lait contient plus de calories et de vitamines que tous les aliments, mais c’est même l’inverse. On peut d’ailleurs observer que tous les enfants prennent plus de poids avant 6 mois, alors qu’ils boivent exclusivement du lait, qu’après. En ce qui concerne la soupe, tant plébiscitée par les parents, notre pédiatre nous explique à quel point elle est peu nutritive en réalité.

L’enfant de 6 mois environ mange tout : les clés, ses doigts, le papier… il mangera donc aussi la soupe le plus souvent. Mais l’enfant de 1 an-1 an ½ devient sélectif. Tous les enfants préfèrent les pâtes, le riz, les frites, le lait et les gâteaux. Ils choisissent plutôt les bananes et les petits pois (qui sont des légumineuses, comme les fèves, et non des légumes verts). En effet, les enfants n’aiment tout simplement pas les aliments pauvres en calories. Leur estomac étant très petit, il se remplit très vite.

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Illustration tirée de « mon enfant ne mange pas » :

« un bébé de neuf mois et une banane dessinés à la même échelle»

Si par exemple un enfant boit de l’eau, il n’aura plus de place dans l’immédiat pour du lait. Ils suivent, finalement, en sélectionnant leurs aliments, une « diète pour grossir ». L’adulte, lui, dispose d’un estomac suffisamment grand pour lui permettre de manger de plus importantes quantités pour obtenir ce dont il a besoin.

 

  1. Une diversification sensée pour une alimentation saine

Carlos González nous présente ensuite longuement la brochure du Health Promotion Unit, ministère de la santé irlandais, qui va à l’encontre de ce à quoi nous sommes habitués en Espagne ou en France à bien des égards. La couverture de cette brochure est illustrée d’un bébé tout sourire, tenant dans une main sa cuillère et dans l’autre son verre, devant son assiette remplie de morceaux. Visiblement, le fait qu’il ouvre ou non la bouche n’a aucune importance ici.

Starting to spoonfeed your baby : https://www.healthpromotion.ie/hp-files/docs/HPM00381.pdf

La suite de la brochure propose un début de diversification à 4 mois pour les enfants nourris au biberon. Celle-ci est prônée par quelques experts, car le lait artificiel n’est pas tout à fait complet encore de nos jours (bien que celui qui était utilisé il y a 50 ans soit aujourd’hui tout à fait interdit). Pourtant, le fait de commencer la diversification à cet âge-là suppose qu’on soit obligé d’ « enfourner l’enfant ». L’illustration montre toutefois qu’il faut laisser l’enfant attraper la cuillère s’il le souhaite, garder le sourire de part et d’autre, et, qu’une fois encore, le fait que l’enfant ouvre la bouche ou non n’a pas d’importance.

S’ensuit l’information selon laquelle il ne faut jamais ajouter de céréales dans le biberon, car la nourriture trop concentrée pourrait être nocive pour l’enfant. De même, l’enfant nourri au biberon se verra proposer de boire son lait au verre dès l’âge de 6 mois, de sorte à ce que le biberon puisse être supprimé avant 12 mois afin qu’il ne prenne pas l’habitude de s’endormir avec le biberon dans la bouche, ce qui peut être cause de caries (voir à ce sujet l’article d’Alice).

Enfin, il est montré que le repas de la famille, par exemple des pommes de terre, sera le même pour l’enfant, pour qui on aura pu écraser une portion à la fourchette, mais à qui on ne donnera pas de nourriture mixée. En effet, cette habitude de mixer est récente, et à l’époque où il fallait utiliser la moulinette manuelle, personne ne s’infligeait ce travail trois fois par jour.

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En ce qui concerne les aliments du commerce, s’ils sont pratiques pour les voyages, ils ne devraient pas être donnés tous les jours. Les céréales pour bébé, par exemple, en plus d’être chères, sont moins bien que celles contenues dans les pâtes, le riz, etc. D’une part elles contiennent beaucoup de sucres, et d’autre part, le goût vanillé qu’elles ont souvent n’enseigne pas le goût salé.

L’âge précis d’introduction d’aliments, l’ordre d’introduction, etc. n’importent pas. La seule chose qu’il faut prendre en compte est que les apports en fer soient comblés (viande…), puis ceux en calories (petits pois…) Le reste n’est proposé que dans l’objectif que l’enfant s’habitue aux goûts. Au-delà de 6 mois, la consistance sera en morceaux.

La règle de sécurité à suivre sera d’être toujours à côté de l’enfant qui mange. L’enfant ne s’étouffe pas avec la nourriture. Il peut lui arriver de s’étrangler, auquel cas il tousse, crache et… remange. Cela ne devient grave que si la nourriture entre dans les voix respiratoires, dans 75% des cas, cela se produit avec des cacahuètes, ce qui peut se produire avec des aliments durs et lisses qui, glissant entre les dents, sauteront et pourront être envoyés au fond de la gorge avec élan (noyaux, noisettes, os, graines…) Avec, par exemple, du pain, cela ne se produit pas, car ce dernier reste collé et mou. On pourra donc prendre quelques précautions avec l’enfant très jeune, telles que couper les pommes en lamelles. Bien sûr, il est important d’éviter d’ajouter sucre et sel aux aliments, de sorte à induire l’habitude à long terme d’en limiter l’usage. Cela devra donc être poursuivi, car ces ajouts sont aussi néfastes à 6 ans qu’à 2 ans, et que les conséquences néfastes, telles que l’hypertension, sont causées par une consommation dans la durée. C’est donc avant tout une habitude de diète avec moins de gâteaux et de sel qu’on s’attachera à transmettre à l’enfant.

Jusqu’à 1 an, le lait de vache et les laits végétaux ne pourront pas être considérés comme un aliment principal.

Avant 1 an, l’enfant devrait être capable de manger la majeure partie de ce que mange la famille. Cela ne signifie pas qu’il devra ingurgiter une certaine quantité, mais qu’il saura le faire. Par exemple, l’enfant qui a mangé seul un petit pois sera considéré comme capable de le faire. En revanche, l’enfant à qui on aura donné 250 grammes de purée-avion ne l’est pas.

L’anglais utilise le mot « baby-led weaning », qui désigne la période entre l’introduction du premier aliment et la fin du sein ou biberon. Il ne s’agit pas de sevrage, mais d’alimentation complémentaire.

Parallèlement à cela, l’enfant conduit plusieurs apprentissages : prendre en main, porter à sa bouche, comparer les goûts et les textures (par exemple des aliments qui comportent des parties molles et d’autres dures, comme le melon)… Il apprend à décider de ce qu’il mange, et ne mange que ce qu’il veut (comme le dit avec humour notre conférencier, cela l’entraînera pour, lorsqu’à 15 ans, il devra choisir une pizza en sortie avec les copains, ne pas avoir besoin de téléphoner à sa mère pour qu’elle lui dise laquelle choisir).

Si enfant mange peu mais seul, il compensera en prenant davantage de lait, que ce soit au sein ou au biberon. S’il mange une grande quantité de purée qu’on lui aura donnée à la cuillère, il lui manquera une grande quantité de vitamines, et il n’aura rien appris… De plus, forcer un enfant à manger est dangereux (risques d’obésité ou de refus) et inutile. Les autres causes de l’obésité sont les aliments pré-cuisinés, le manque d’exercice physique… Ainsi le docteur González nous recommande de ne « manger que ce que ma grand-mère aurait mangé » et de ne boire que de l’eau.

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Carlos González clôt cette conférence en montrant diverses photos et vidéos présentant des enfants de 6 mois et plus en train de manger des aliments divers, souriants et sales.

D’autres vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=zzPMAJCPhmAhttps://www.youtube.com/watch?v=tdP1fe38cQY

Euh… oui, lesquels vous semblent prendre le plus de plaisir à manger ? (malgré les titres de cette seconde série de vidéos, oui, oui, avec le mot-clé « funny baby eating » ! [Attention, ils peuvent être durs à regarder])


D’autres vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=f4xvuRGq2Sshttps://www.youtube.com/watch?v=nkhHKfmiUzw


(*) : voir aussi notre page sur l’alimentation

L’éducation bienveillante

Par Ariane

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La plupart des parents de France se comportent avec leurs enfants selon un modèle éducatif séculaire, partant de principes généraux tels que : un enfant a besoin de limites, de rudesse, d’autorité parfois violente, pour comprendre ce qu’il doit et ne doit pas faire. Le rapport parent-enfant suit généralement ce principe de domination : un enfant doit être dominé, un parent doit être dominant. Les émotions de l’enfant sont souvent réprimées, ses sentiments minimisés, et tout cela couvert d’un « c’est pour son bien ».

De plus en plus d’études récentes, cognitives et comportementales, nous informent sur le fonctionnement du cerveau d’un enfant, sur son développement. Elles nous amènent objectivement à reconsidérer les besoins de l’enfant, et l’impact que ces pratiques éducatives ont sur lui/elle. D’après ces études, le développement du cerveau de l’enfant est entravé par les violences subies, et son système cognitif ainsi que son comportement porteront les séquelles de toute forme de violence, physique ou psychologique. (1)

Il est également nécessaire de se poser la question des valeurs morales que ces violences lui inculquent. Etre menacé, frappé « pour notre bien », par quelqu’un qui est censé nous aimer, nous protéger… quel sentiment crée-ce chez un enfant ? Que l’on peut se montrer violent envers plus vulnérable que soi, que l’on peut faire du mal volontairement à quelqu’un qu’on aime, qu’il faut refouler ses propres émotions ?

On peut aussi se demander si la société dans laquelle nous vivons nous convient, si l’éducation reçue a permis le développement une société heureuse et équilibrée. Nous avons toujours privilégié une éducation violente, et le résultat n’a jamais été probant. Et si nous essayions autre chose ?

De nouveaux courants éducatifs, que l’on peut appeler « parentalité positive » ou encore « éducation bienveillante », émergent depuis un certain temps pour remettre en question le modèle éducatif qui fait loi. Ces courants prônent la bienveillance, le respect de l’enfant, de ses besoins, de son développement. Il s’agit principalement d’être attentif à son enfant, de l’écouter, de le laisser s’exprimer, et de substituer à la répression la communication, l’accompagnement, l’ouverture.

Un enfant qui grandit en étant accompagné, pris en compte, respecté dans son intégrité, ne deviendra pas un tyran ; il deviendra un être humain équilibré, qui vivra selon les valeurs qui l’auront fait grandir, et perpétuera ce modèle. La violence entraîne la violence, il va de soi que la bienveillance entraîne la bienveillance.

Il nous arrive souvent de nous retrouver pris dans un rapport de pouvoir avec nos enfants, avec cette idée de « mater » notre enfant, de le dominer, de « lui montrer qui commande ». Et souvent, en y réfléchissant, on réalise que la plupart des « non ! » que nous opposons à nos enfants ne sont finalement pas importants, pas nécessaires. Mais la vie quotidienne, souvent, nous entrave, nous frustre, et il peut arriver que nous éprouvions l’envie de faire subir cette colère, cette frustration, à plus vulnérable que nous, plus impuissant : notre enfant. C’est difficile d’être parent, mais cela ne le serait sans doute pas autant si notre société ne nous imposait pas autant de limites, de contraintes, suscitant forcément un sentiment de frustration bien naturel. Mais plutôt que d’être « contre », essayons d’être « avec » !

L’éducation bienveillante, inconditionnelle, joyeuse, positive, intervient dès la naissance, partant du principe qu’un bébé a besoin d’attachement sécure autant qu’il a besoin de se nourrir. Répondre à ses besoins lui permet de développer une confiance, un sentiment de sécurité, et un équilibre, qui ne remet pas pour autant le nôtre en cause. Certes, il implique de veiller sur son enfant, mais après tout, c’est une définition de la parentalité qui peut sembler appropriée…

On peut choisir le chemin de l’éducation non-violente par principe général : il est inacceptable de frapper un adulte ou un animal, il est donc tout autant (si ce n’est plus) inacceptable de frapper un enfant. On peut aussi faire ce choix par envie : la relation bienveillante avec nos enfants est plus agréable pour toutes les personnes concernées. On peut aussi le faire par esprit pratique : si les méthodes d’éducation sans punitions, sans répression, sans coups, sans chantages ni humiliations, prennent parfois plus de temps et surtout de créativité, elles sont aussi plus efficaces sur le long terme ; un enfant qui n’a pas peur d’être agressé, verbalement ou physiquement, est moins stressé, plus attentif, et davantage ouvert à la communication.

On apprend par-dessus tout par imitation. Le modèle de respect que nous donnons à nos enfants portera ses fruits. Ce respect implique la prise en compte de ses opinions ou de ses envies, l’acceptation de l’expression de ses émotions, bien légitimes, la réponse à ses besoins si elle est possible, et l’explication de nos actes à son égard.

Voilà un défi à notre hauteur : reconsidérer l’enfant. Ne plus l’envisager comme un tyran manipulateur qu’il faut « remettre à sa place ». Le traiter au contraire comme un être humain d’une valeur égale, dont les besoins, les sentiments, les émotions, ont autant besoin que les nôtres d’être pris en compte si ce n’est plus étant donné leur immaturité cognitive et leur vulnérabilité. Tout le monde en conviendra, on apprend mieux avec des explications, de la tendresse et des sourires que sous les cris, les coups et les humiliations.

Presque tout le monde en France a été élevé selon le modèle éducatif dominant (c’est le cas de le dire). Il est d’autant plus difficile de le juger objectivement, en particulier car cela implique de remettre en question le modèle éducatif parental. Mais pour le bien de nos enfants, il est indispensable de se poser la question de ce que nous voulons leur transmettre, de la part choisie de l’éducation que nous leur donnons et de la part inconsciente, reproduisant ce modèle qu’il nous est parfois si douloureux de considérer. (2)

Pour le bien-être de nos enfants autant que pour une société plus heureuse, intéressons-nous à notre modèle éducatif. Remettons-le en question, envisageons d’autres pistes, d’autres façons de voir les choses. Des ressources existent : livres, documentaires, sites internet… Ils présentent également des méthodes qui ont fait leurs preuves.  (3)

Einstein a dit : « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. » Et si on essayait autre chose ? Si on avançait avec nos enfants et non plus contre ?


  1. « Pour une enfance heureuse » de Catherine Guéguen
  2. Olivier Maurel et l’Observatoire de la Violence Éducative Ordinaire
  3. Voir notamment les ouvrages d’Isabelle Filliozat ou encore de Faber & Mazlisch (un article viendra bientôt ici sur les lectures de l’éducation bienveillante)

Petites dents

Par Dr Alice, dentistedentist-428646

Les dents de lait font leur apparition vers 6 mois, mais c’est une moyenne, j’ai une cousine qui est née avec 2 dents et une soeur qui a eu sa première dents à 15 mois… Les dents sont toutes là vers 3 ans. elles sont au nombre de 20 : 5 par cadran, (je dis ça pour votre culture générale, hein !) 2 incisives, une canine et 2 molaires.

La principale menace qui plane sur ces petites quenottes, ce sont les caries… La carie est un phénomène complexe dans lequel le terrain (c’est-à-dire la dent !) a une importance majeure, et ça on n’y peut rien !
La carie est provoquée par des bactéries (la plus importante est le Streptococcus mutans), il est donc recommandé d’éviter de sucer cuillères ou tétines avant de les donner à l’enfant, évidemment, c’est surtout le cas si vous êtes susceptible à la carie (une étude a ainsi montré que la contamination par Streptococcus mutans est plus fréquente entre enfants dans une crèche que de parent à enfant… On ne contrôle pas tout…).
Ces bactéries cariogènes mangent du sucre. Le sucre, à part que c’est bon, n’a que des inconvénients pour la santé (entre autre : surpoids, augmentation du risque de diabète), donc le sucre est notre ennemi ! Il faut limiter les apports sucrés des enfants, concernant l’action sur la carie, le pire c’est le biberon de sirop que l’enfant mâchouille toute la journée, ou pire toute la nuit. Cela peut être à l’origine d’un syndrome dit « de carie du biberon » avec caries très précoces et très rapides de toutes les dents (allez regarder les images sur google, c’est flippant et ça fait mal ). Le sucre c’est le saccharose, le glucose, mais aussi le fructose (donc éviter les biberons de jus de fruits à longueur de temps), et même le lactose… Des études montrent (sur modèle animal) que le lait est ainsi légèrement cariogène : le lait maternel un peu plus que le lait de vache (parce qu’il contient plus de lactose).
Les dentistes prônent ainsi des recommandations farfelues comme d’arrêter l’allaitement (au sein ou au biberon) à l’apparition de la première dent (comment ma cousine aurait-elle survécu à un  tel traitement ?!) ou au plus tard à 12 mois. En fait, les études autour de l’effet de l’allaitement maternel sur les caries sont très contradictoires, parce qu’il y a beaucoup de facteurs de confusion (notamment le fait que l’allaitement est plus répandu dans les classes sociales les plus pauvres qui sont les plus sujettes au caries, pour des raisons d’alimentation et de santé), mais on peut clairement accorder le bénéfice du doute à l’allaitement. Cependant, il est clair que l’allaitement de nuit, passé un an est un facteur favorisant des caries. En effet, la nuit le flux salivaire est diminué, les mouvements buccaux aussi, ce qui limite l’auto nettoyage tandis que le lait stagne.
Je pense que l’arrêt de l’allaitement de nuit après un an peut être à recommander s’il existe d’autres facteurs de risque (parent au dents fragiles, par exemple), ou si l’enfant commence à avoir des caries.
Mais, bien sûr, il existe des moyens de lutter contre les caries : le brossage des dents et l’apport de fluor.

Concernant le fluor, l’apport par voie générale n’est plus recommandé car l’effet local est limité et les surdoses sont fréquentes notamment la fluorose dentaire sur les dents définitives. Le fluor est apporté par le dentifrice. Là encore, vu que l’enfant l’ingère avant 3 ans, il faut se méfier des doses. Il faut choisir un dentifrice à 250 ppm (plutôt que 500ppm) avant 3 ans, puis choisir un dentifrice adapté à l’âge (les industriels ont prévu le coup, c’est écrit dessus !). On met une « trace » de dentifrice sur la brosse à dent à partir de 1 an, puis un « petit pois » ou la « taille de l’ongle de l’auriculaire » (de l’enfant !) à partir de 2 ans. A mon avis ces recommandations sont à suivre scrupuleusement si votre enfant présente un risque (parent aux dents fragiles, consommation de sucre importante, déjà des caries), dans le cas contraire, vous pouvez avoir la main plus légère : brossage sans dentifrice, ou alternance avec un dentifrice sans fluor.

Le brossage commence théoriquement à l’apparition de la première dent (on trouve mêmes des recommandations délirantes de passer une compresse sur les gencives des nourrissons…), mais c’est rarement avec enthousiasme qu’un bébé se laisse introduire un objet bizarre dans la bouche. Je pense donc qu’essayer de commencer à 1 an est plus raisonnable. Toutefois donner une brosse à dent au bébé pour jouer avec (et la machouiller !) et le mettre à côté de vous quand vous vous brossez les dents est un bon moyen de le familiariser avec le brossage. Le but c’est que le brossage soit un moment joyeux et non une punition !
Un brossage 2 fois par jour est le but à atteindre (le brossage 3 fois par jour relève du harcèlement !), il faut aider l’enfant à prendre conscience du fait qu’il ne faut pas seulement brosser, il faut brosser partout, et donc regarder ses dents, pour savoir où et comment elles sont et vérifier qu’elles sont propres ! Encore une fois, il faut prendre le temps, mieux vaut des dents mal brossées et un enfant curieux de mieux faire que… bon, enfin, vous me suivez !

En ce qui concerne la première visite chez le dentiste, les pédodontistes (spécialistes des soins dentaires aux enfants) recommandent une visite à 1 an, histoire de faire de la prévention le plus tôt possible. Ce n’est pas inutile, mais les pédodontistes ne voit que les enfants sujets aux caries, ce qui leur fait oublier que la susceptibilité à la carie est la principale cause de carie chez les enfants (et les adultes aussi, d’ailleurs…), et leur font mettre l’accent sur les facteurs extrinsèques sur lesquels on peut agir : comme arrêter l’allaitement et le biberon… Donc, je pense qu’une visite à partir de 3 ans (en l’absence de signe de problème dentaire, bien sûr) est plus utile : l’enfant a l’âge de comprendre de quoi il s’agit et il peut ainsi se familiariser avec le lieu et la personne dans des conditions détendues. C’est toujours utile de construire une relation de confiance avant qu’une intervention soit nécessaire, ça évite l’association dentiste = douleur qui est à l’origine de la plupart des retards de soins à l’âge adulte….

A 6 ans (enfin environ !), pousse la première dent permanente, c’est une molaire, elle pousse derrière la dernière dent de lait. C’est important parce qu’il faudra que l’enfant pense à brosser plus loin. C’est d’autant plus important qu’au moment de leur éruption les dents sont encore immatures et plus fragiles, il faut quelques mois pour qu’elles arrivent à maturité et que le risque de carie diminue. Puis à partir de 7 ans les dents de lait tombent et sont remplacées par des dents définitives jusqu’à 11 ans (mais ma sœur a perdu sa dernière dent de lait à 19 ans…).

En résumé, je dirai que les points essentiels ce sont : évitez le sucre, et apprenez à brosser, mais dans la bienveillance : la plupart des enfants (surtout en bas âge) ne suivent pas les recommandations des dentistes sans avoir la moindre carie et sans qu’il soit même possible de détecter la mauvaise hygiène bucco-dentaire (accumulation de plaque ou de tartre)… En revanche, au moindre doute (dent colorée ou effritée), il faut consulter.