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Cinq minutes (Encore !)

Grandissons propose des ateliers Ecrivons entre parents. L’objectif ? s’amuser et laisser échapper toutes les pensées qui nous tournent dans la tête. Sur un thème lancé, chacun rédige son texte. Puis ceux qui le souhaitent lisent leur production, dans le plaisir du partage. Grandissons aura le plaisir pendant les prochains jours de pouvoir vous proposer certains des textes ainsi créés.

– Encore 5minutes et on passe à table !

– Oh nooooooo, on veut encore jouer maman, allez, encore 4 minutes, ou 3 minutes !

Par Lise

Il y a les cinq minutes éternelles, qui semblent ne jamais vouloir prendre fin, qui pèsent, qui angoissent.

Dans 5 minutes, si vous poussez bien, vous aurez votre bébé dans les bras…

Dans 5 minutes il va se réveiller, vite, dormir, dormir, il faut que je dorme au moins 5 minutes !

Combien de tranches de 5 minutes cette crise de hurlements durera-t-elle ?…

Dans 5 minutes, on part, chaussures-manteau-sac, hop hop hop ! Naaaaan, tu n’as même pas commencé à t’habiller, on est déjà en retard !…

Quand rentrera-t-il ce soir ? Encore 5 minutes et je lui téléphone…

Et puis, il y a les 5 minutes éclair, volatiles, insaisissables, que l’on voudrait pourtant conserver à jamais…

5 minutes de tétée volées seuls tous les deux, à la nuit…

5 minutes de regard intense, plongés dans les yeux l’un de l’autre…

5minutes tout blottis….

5 minutes de récits plein de «et tu sais, tu sais, tu sais, en fait, moi je voudrais bien être une une une licorne, et toi tu serais, eh ben tu serais la plus belle préférée du monde maman que j’aime !»…

5 mn dans la rue petite main dans ma main…

5 minutes de conversation avec toi que je connais si bien…

5 minutes à te fixer pendant que tu grandis et que tu suis ton chemin, dont l’horizon est si loin de mes bras…

Les vœux de Grandissons pour 2021

Par Lise

Chers parents, chères familles, chers enfants,

Voici que s’achève une année remplie de surprises à un point que nul n’aurait souhaité, une année faite de bousculades, de déséquilibres, de craintes, de clôtures, de chamboulements…

Certains ont réussi à y trouver des côtés positifs, se sont découvert de nouvelles ressources, d’autres sont atterrés par des moments ou situations difficiles, ou ont vécu des drames… Beaucoup de choses impensables il y a moins d’un an se sont produites… Difficile de trouver sa position entre l’immense masse d’impuissance et d’incompréhension générale, et les certitudes et jugements qui surnagent sur cette mer insondable. Les disparités de situations et de ressentis clivent les passants dans des divisions immenses et acérées. A cela s’ajoute l’inquiétude du monde qui se présente à nos enfants, de ce qui leur est imposé, et se pose la question de les en préserver au mieux, à court et à long terme… alors même qu’aucune situation depuis que nous sommes adultes ne nous avait jamais à ce point replacés dans la position d’impuissance et d’incompréhension qu’est souvent celle des enfants…

Alors aujourd’hui, Grandissons a envie :

De vous souhaiter une meilleure année 2021 ! Qu’elle soit emplie de surprises qu’on n’aurait même pas imaginées, mais alors de belles surprises, de grandes, de formidables découvertes, de rêves si beaux et si doux qu’en les caressant on les rende réels, d’explosions de joies pour de petites beautés, de profusions de beautés si minuscules qu’on aura dû s’arrêter un instant pour bien les observer, d’observations minutieuses de tout ce que la vie contient de merveilleux et qu’on avait peut-être oublié, de temps pour tout cela, de temps pour tout, de temps à vivre.

Nous vous souhaitons de réussir à cueillir à la pointe d’un arc-en-ciel un nuage de patience, de trouver sous la terre une perle d’empathie, de ravir à la lune une proximité intense avec vos proches, et aussi de la gravir, la lune. Nous vous souhaitons de grandir à la lumière du sourire de vos proches, nous vous souhaitons de briller à la lueur de la vie. Nous vous souhaitons de guérir des douleurs d’aujourd’hui, et de pouvoir doucement lécher vos cicatrices une larme à la main, la main de vos aimés dans l’autre.

Nous nous souhaitons que les distances soient remplacées par des pas en avant ;

Que les gestes barrières s’ouvrent en mains tendues et en coudes serrés ;

Que l’on ne confine plus à rien d’autre qu’à la paix ou à la liberté, au pire au ridicule, pour se marrer un peu ;

Que l’on n’isole plus rien d’autre que les toits de vos maisons ;

Que bas les masques, à moins qu’ils ne servent au théâtre ;

Et surtout que le mot «positif» reprenne un sens qui le soit.

Chers parents, chères familles, chers enfants,

Nous vous souhaitons à chacun de trouver tout le soutient dont il pourrait avoir besoin à tout moment… Nous vous souhaitons d’être réunis, et nous nous le souhaitons à nous aussi !

La fessée : un étrange débat

(par Lise)

En ce 22 décembre 2016, la loi interdisant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles » était votée (avant d’être, malheureusement, annulée). Aussitôt, les réactions fusaient. Et à chaque fois qu’il en est à nouveau question, cela recommence.

En cette fin d’année, j’ai eu la mauvaise idée de dépenser mon temps sur des forums évoquant cette loi. Beaucoup des réactions s’opposent à celle-ci et s’en indignent. Les mêmes arguments reviennent sans cesse, ceux qui tentent de donner un autre point de vue se fatiguent et se font rares. Ne pas répondre, me dis-je, c’est laisser penser qu’on donne raison à ceux qui s’élèvent contre l’interdiction des châtiments. Répondre, c’est s’exposer à s’épuiser à tourner autour des mêmes arguments fallacieux et catégoriques. J’ai envie de m’exprimer ici une fois pour toutes sur ceux qui reviennent le plus souvent.

Et cela d’autant plus que je n’arrive que très exceptionnellement, sur les forums, à obtenir de réponse, l’expression de mon opinion se heurtant immédiatement à une insulte, une menace, ou, au mieux un « je fais ce que je veux avec mes enfants. »

C’est bien beau, d’interdire la fessée, mais ce n’est pas ce qu’il y a de pire, une petite fessée, c’est pas si grave par rapport au reste…

(ou : « Donner une fessée, c’est pas taper, faut pas exagérer non plus ! »)

Elle est stupéfiante, cette levée de bouclier contre l’interdiction de « la Fessée », oui, avec la majuscule ! La sacro-sainte « Fessée-que-nous-avons-tous-reçue-étant-enfant-et-on-remercie-nos-parents-parce-que-sinon-on-ne-serait-pas-ce-qu’on-est-devenus-et-ça-fait-pas-de-mal-une-bonne-fessée-quand-c’est-mérité-et-d’ailleurs-on-n’en-est-pas-mort-et-on-en-donnera-aussi-à-nos-enfants-quand-ils-la-mériteront-pour-ne-pas-qu’ils-deviennent-des-enfants-rois-ou-des-délinquants ». Sur les arguments un à un, je reviendrai plus tard.

Mais sur le terme « fessée », j’interviens d’entrée. Est-ce un hasard si la plupart des médias la mentionnent en titre (mis à part le Monde et l’OVEO), évoquant seulement une « interdiction de la fessée ? » Je me surprends pourtant à croire (à rêver), que s’il avait été davantage fait mention de « violences corporelles », voire de « violence éducative ordinaire », les réactions auraient été moins vives… Alors que cette fessée est si simple, si classique, si habituelle, si connue, qu’elle s’élève comme le symbole du geste que tout adulte a reçu dans son enfance et peut (doit) destiner à tout enfant qu’il souhaite éduquer. La fessée comme allégorie de l’autorité. Ainsi, elle est si ancrée dans le vocabulaire et dans les actes qu’il semble essentiel de la défendre. Il faut fesser les enfants pour les éduquer comme il faut manger pour grandir. La certitude est si grande que la remise en question est à la frontière de l’impossible.

Quoi qu’il en soit, pour rétablir les faits, la fessée n’est en effet qu’un détail parmi d’autres, et la loi fait état de «  tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles », cela incluant par exemple les violences verbales et psychologiques (crier, injurier, se moquer, humilier, mentir, menacer, culpabiliser, rejeter, chantage affectif…), les violences physiques (gifler, fesser, pincer, tirer les oreilles ou les cheveux, donner des coups de pied, secouer, saisir brutalement, bousculer, pousser, contraindre l’enfant dans une position inconfortable, le priver de nourriture…) (1)

En attendant, bien peu débattent sur les autres formes de violences mentionnées ci-dessus, et on évoque encore moins leurs alternatives

 

Loi ou pas loi si mes enfants méritent une fessée ils en auront une ! C’est de l’éducation ! Et si le gouvernement n’est pas content, il n’aura qu’à prendre mes enfants lui-même pour voir s’il fait mieux, et me mettre en prison, tiens !

(ou « Qu’ils aillent se faire voir ailleurs ou se faire foutre chez les Talibans…toutes ces lois stupides et ineptes qui sont votées par des incapables se gavant à volonté sur notre dos tout au long de l’année…c’est à eux qu’on devrait leur botter les fesses!!! »)

Non, cette loi n’est pas assortie de sanction (elle appartient au droit civil), et personne ne vous enlèvera votre enfant si vous lui donnez une fessée. Je pense que tout son intérêt est d’inciter à la réflexion et de faire peu à peu changer la norme et la pensée ancrée et irréfléchie qui consiste en l’argument « j’en ai reçu et ça ne m’a pas tué »…

Punir pour montrer qu’il ne faut pas punir aurait là aussi quelque chose d’illogique (j’allais écrire et d’infantilisant, mais… j’ai un souci, parce ce terme a un sens bien négatif qui ne devrait pas non plus concerner les enfants).

Cependant, il peut être intéressant d’observer combien les adultes affirmant avoir grandi parmi les punitions et autres châtiments s’intéressent aux conséquences que pourrait avoir une désobéissance, plutôt qu’à l’intérêt intrinsèque de la règle. Voilà donc ces mêmes adultes qui souhaitent inculquer des règles à des enfants qui se devront de leur obéir à tout prix, et qui, lorsqu’il s’agit d’eux-mêmes n’hésitent pas à écrire en public qu’ils « emmerdent la loi » et ne la respecteront pas, puisque de toute façon, personne ne viendra vérifier chez eux. L’exemple parle de lui-même : en faisant obéir par la crainte, on enseigne à éviter l’objet de la crainte. Respectez-vous les limites de vitesse par peur des radars, ou parce qu’il vous semble essentiel de ne pas mettre en danger la vie d’autrui par une conduite qui peut être dangereuse ? Souhaitez-vous que votre enfant ne vous tape pas parce qu’il a peur que vous ne le retapiez plus fort, ou parce qu’il a compris qu’il peut vous faire mal et souhaite l’éviter ?…

Pour moi, cette loi a surtout pour rôle d’encourager à s’informer sur les autres méthodes éducatives qui existent… Pas de châtiment ne signifie pas absence de cadre éducatif. Pourquoi opposer autoritarisme et laxisme comme si aucune voie n’existait au milieu ? (2) et (3)

 

Hors de question que je laisse mon enfant faire tout ce qu’il veut, genre taper des crises en public, ou lever la main sur moi.

(ou « Fessé et rien a foute qu’on me juge quand je sort j’ai juste a leur dire si ils font un caprice on rentre fessé et au lit ou juste mon regard ils sont compris ces quand même plus agréable de sortir en ville faire ses course av des enfants calme quand j’en vois dans les magasins qui se roule au sol et le parents dit rien ben la zute!!!!! »)

Ah, le spectre de l’enfant tout puissant et malfaisant ! Voilà un leitmotiv qui montre une véritable angoisse des parents envers leurs enfants. Ils veulent s’en faire craindre pour cesser de les craindre, pour ne pas « risquer un jour » que ces petits êtres prennent le pouvoir, et aussi pour ne surtout pas risquer que quiconque pense que leurs enfants sont « mal élevés »…

Il est primordial de s’informer sur le développement et le fonctionnement du cerveau de l’enfant. Ainsi, un enfant qui fait une crise dans un magasin le fait par incapacité à maîtriser ses émotions et la frustration, de par l’immaturité de son cerveau. Cela peut arriver à tout jeune enfant fatigué, quand le parent, adulte censé être mature, n’a pas bien géré l’horaire ni la façon de l’accompagner (ce qui arrive à tout parent). Pas parce que l’enfant cherche délibérément à embêter. On peut chercher des idées pour contourner cela, comme lui confier des tâches pour aider aux courses, et si l’enfant a très envie d’un objet, on le prend en photo pour s’en rappeler, et s’il y a litige, on discute, et ainsi de suite, jusqu’au non ferme, qui peut aussi être un moyen de survivre aux courses, et d’en reparler plus tard. (4) (5) (6)
Et, parmi les enfants et moins jeunes que je côtoie, je ne crois pas en connaître parmi ceux qui ont été élevés dans le dialogue, le respect et l’exemple, qui aient tendance à lever la main ou insulter quelqu’un (y compris leurs propres enfants). Je ne réussis donc pas à comprendre ce qui fait craindre (mis à part, peut-être, ce fameux amalgame non-violence/laxisme) qu’un enfant qui ne recevrait pas de châtiments devienne violent.

 

On se prépare une génération de délinquants. Il n’y a qu’à voir, déjà, tous ces jeunes d’aujourd’hui chez qui des claques se perdent.

(ou « Y en a quelques un que j’aurais puni en leur flanquant une bonne fessée pour leur aprendre a se taire devant un adulte et le respecter mais d’une c’est interdit et de deux y a des meres un peu bebete qui soutiennent leurs enfants indisciplinés faudras pas qu’elles s’etonnent si a 13 ou14 ans elles se prennent des baignes par leur ados car ce sera de leur faute je trouve que c’est inquiétant la génération qui arrive. »)

C’est à mon sens un raccourci rapide que de dire que les jeunes difficiles le font parce qu’ils ont manqué de punitions et fessées, plutôt que de vérifier s’ils ont bénéficié d’encadrement, de respect, de soutien, de dialogue… Le laxisme m’apparaît en effet comme une autre forme de maltraitance, mais n’est pas la seule alternative à l’autoritarisme…

Cela revient à dire : « regardez ce cerisier, il est planté dans du sable, n’a jamais été arrosé, n’a pas été greffé. Et il ne donne pas de cerises parce qu’on ne lui a pas mis d’insecticide ! »

Je crois en effet volontiers que certains enfants ayant reçu fessées et punitions grandissent d’une manière épanouie et équilibrée MALGRE ces dernières, et grâce à un cadre éducatif soutenant, enrichissant et structurant. De même que, parmi les jeunes qui se sont tournés vers la délinquances nombreux sont ceux qui l’ont fait MALGRE nombre de fessées, punitions, avilissements et autres coups. Bref, par quel raccourci de pensée peut-on lier ainsi facilement délinquance et absence de châtiment corporel ? Oh, je le comprends bien : parce qu’à celui qui nous insulte, menace, méprise, on a envie de donner un coup… mais enfin, réfléchissons en toute bonne foi ; il s’agit là d’un mouvement impulsif de notre part, et pas réellement de ce dont l’autre a « besoin » pour changer son comportement !
L’enfant n’est pas roi, et, si on prend le temps d’observer la journée d’un petit d’un autre regard, il est soumis sans cesse à des contraintes (on sort, on rentre maintenant, habille-toi comme ça, mange cela…) pour très peu de liberté et de choix. Lorsqu’il manifeste son désaccord, on peut estimer la manière dont il le fait inadaptée et l’aider à en trouver une meilleure, sans y chercher de méchanceté de sa part.
C’est à nous, adultes matures qui décidons de tout et dirigeons tout, de donner à l’enfant les clés et l’exemple pour devenir respectueux à son tour. On ne se considère pas comme son égal dans les droits, on ne peut lui demander, alors qu’il est en pleine construction, d’être notre égal immédiatement dans sa compétence à gérer ses devoirs…

 

Si on ne peut même plus leur donner une fessée, et carrément pas les punir ou même utiliser le chantage, les enfants vont se croire tout permis, faut quand même qu’ils sachent qui est-ce qui commande !

Il semble que nombreux soient les parents qui croient qu’il n’existe que deux formes d’éducation : autoritaire (accompagné, donc de toutes les sanctions jugées nécessaires) et laxiste (qui consisterait, selon certains, à se contenter de ne pas utiliser ces sanctions). Au milieu, pourtant, une large bande est à explorer.

Mais si l’on définit comme « roi » celui qui estime que ses désirs doivent passer avant ceux d’autrui, que son entourage devrait être adapté à ses souhaits et ne pas le déranger, et qu’il faut lui obéir sans argumenter, mais juste parce que « c’est comme ça et ce n’est pas autrement »… n’apparaît-il pas un grand nombre d’adultes-rois, qui souhaitent garder ce pouvoir et cette possibilité d’être le principal acteur de toute situation qui, peut-être leur avait fait défaut quand ils étaient enfants ?

C’est encore une fois par l’exemple qu’ainsi, ils montrent à leur tour que les rapports de force sont essentiels dans la relation, qu’il faut un chef et que celui qui ne l’est pas doit se montrer soumis. C’est pourquoi ces adultes qui pensent que l’on est soit celui qui soumet soit celui qui est soumis ont peur de se retrouver dans la deuxième position, n’imaginant pas la solution gagnant-gagnant, où chacun se sent écouté, où le dialogue a toujours sa place, où chacun s’offre la possibilité de se remettre en question, et où il n’y a pas combat mais discussion.

 

Quand elle est méritée, une bonne fessée ne fait pas de mal, ça remet les idées en place.

Que veut dire mérité, qui juge du moment où c’est « mérité », de la force à laquelle on peut taper, du moment où c’est « trop violent » pour celui qui la reçoit ? Et qui décide de quand ça fait mal/du mal ?
Personnellement, il m’arrive d’être exécrable, levée du pied gauche, sans patience, susceptible, un peu acerbe dans mes propos envers mon entourage… Pas vous ? Vous croyez que, dans ce cas, une claque me remettrait les idées en place ? Ou à vous, ou à votre conjoint ? Jusqu’à quel âge cela fonctionne-t-il ?

Et puis, surtout, les études réalisées ces dernières années par des neuroscientifiques, sociologues et autres médecins montrent que SI, une fessée peut faire du mal. Ainsi, elle freine le bon développement de l’enfant, et, plus l’enfant en reçoit tôt, plus il est susceptible d’être agressif, déprimé ou anxieux par la suite, elle a des répercussions à l’âge adulte concernant le risque de suicide, de maladies graves, de violence… Tous les détails de ces études sont ici. (7)

A ceux qui répondront « j’en ai pourtant reçu et je vais très bien », au-delà de les inviter à se pencher sur chacune des causes de leurs difficultés éventuelles et à vérifier si véritablement rien de cela ne les a touchés, je demanderai s’ils sont prêts à courir le risque avec leur enfant, même s’ils estiment qu’il y a une chance pour que ceux-ci ne souffrent d’aucune de ces conséquences. Mais surtout, je ne pourrai pas m’empêcher de manifester ma surprise : comment peut-on affirmer que recevoir des châtiments ne cause en aucun cas de la violence, quand on est soi-même en train de défendre corps et âme son droit à châtier, à taper, à punir, son enfant plutôt que de chercher d’autres solutions ? Si elle ne devait causer qu’un seul tort, la fessée aurait celui d’être extrêmement reproductible en toute bonne conscience par la génération suivante…

 

Chacun fait ce qu’il veut chez lui ! Et j’élève mes enfants comme je veux !  

(ou « Ils peuvent avoir voter cette loi…. j m’en tape royal !!! Si mes enfants en méritent 1 ils l’auront !! Et celui qui n’est pas content j l’emm….. »)

Une des raisons qui me convainc que l’on doit s’interdire toute tape est ma propre expérience : je tends à être non violente, mais quand ma fille a montré une période pénible d’opposition vers 2-3 ans, je l’ai tapée sur la cuisse. Et elle s’est calmée, ça a marché (tout en me lançant un regard glaçant) S’en sont suivis quelques jours où, malgré mon aversion théorique pour tout châtiment corporel, cela s’est reproduit : cela avait tendance à partir de plus en plus tout seul. Ça fonctionnait (enfin, sur le moment, mais pas pour de bon, sinon jamais il n’y aurait eu besoin de recommencer), ça me défoulait (enfin, jusqu’à ce que je culpabilise), et ça me libérait de mon impulsion ! Sauf que… Ma fille était de plus en plus rebelle, me lançait ses regards froids, et je ne me maîtrisais pas, alors que c’était ce que j’exigeais qu’elle fasse. Et je me suis dit stop. Se dire qu’on peut donner une fessée de temps en temps est une porte trop dangereuse et trop grande ouverte (et facile, mais inutile) Dire qu’une fessée peut échapper lorsqu’on a eu très peur par exemple, c’est ouvrir une fenêtre. Alors a posteriori, certes, cela arrive et on doit pouvoir se le pardonner, mais a priori, NON, toute forme de violence envers tous doit être proscrite, quoi qu’il arrive… Et quoi que plus fatigants peut-être, tous les moyens qui ne sont pas punition et fessée sont plus valorisants, plus efficaces à long terme et plus logiques en fait qu’une fessée…

Nos enfants sont des personnes tout entières. On fait ce qu’on veut chez soi avec ses casseroles et la couleur de son papier peint, mais pas avec les autres humains de la maison. Essayons donc de nous souvenir de notre propre enfance, essayons de nous mettre à la place de notre enfant. Informons-nous et profitons de toutes les sources et études qui peuvent nous soutenir. Lisons, par exemple Maurel (a), Filliozat (b), Faber et Mazlich (c), Gueguen (d), suivons des cours de parentalité… Car même en admettant que « l’on fasse ce que l’on veut avec ses enfants », encore fait-il savoir ce que l’on veut et pourquoi on le veut. Pour pouvoir affirmer que l’on fait un CHOIX, il faut s’être donné les moyens de réaliser ce choix en connaissance de cause, des alternatives et des conséquences.

Enfin, cette manière d’affirmer sa volonté de « faire ce que l’on veut » de manière péremptoire et impérieuse a un côté… qui ne peut que m’évoquer la royauté dont les enfants sont accusés de vouloir se saisir. Or, ici, celui qui veut faire tout ce qu’il veut comme il veut, y compris au détriment d’autrui, celui qui veut prendre et garder le pouvoir, qui souhaite à tout prix être obéi et se refuse à être dérangé par quiconque sous peine de lui en faire subir les conséquences, n’est-ce pas, une nouvelle fois, le parent-roi ?…

 

J’ai reçu des fessées quand j’étais petit, et je n’en suis pas mort, faut arrêter avec ces conneries !

J’ai du mal à concéder un sens à cette phrase, qui revient comme une litanie au fil des commentaires comme principal argument. Comme si ne pas mourir et ne pas tuer ses enfants était une aspiration et une fin en soi, qui suffise à tout justifier.

Je lis : j’ai reçu une fessée et je n’en suis pas mort, donc j’en donne parce que c’est nécessaire. Je constate : la fessée ne tue pas, mais le fait d’en avoir reçu offre aux adultes une légitimation à défendre publiquement un « droit » à lever la main sur leur enfant. Je déduis : le fait d’avoir reçu des tapes étant enfant laisse penser qu’il est logique de lever la main sur plus faible que soi tant qu’on estime avoir raison. Je conclus : c’est ce que celui qui en a reçu estime juste d’enseigner à son tour à ses enfants…

Car la génération respectueuse et non-violente n’a pas encore vu le jour, ni parmi nos ancêtres ni parmi nous… Ne serait-il pas tant d’essayer autre chose, au contraire ?

On ne meurt pas non plus de grandir dans le respect et la bienveillance.


Le gouvernement français fait n’importe quoi, ils verront ce que ça donnera quand ils auront créé une génération de délinquants.

… et dire qu’en Suède, ça fait 29 ans que cette loi existe, qu’elle a été votée déjà dans 51 pays du monde, que cela va faire 7 ans que cela figure dans les recommandations du Conseil de l’Europe… Les frontières de la France renferment-elles des personnes si différentes du reste du monde, ou font-elles office d’œillères ?
Oui, l’éducation autoritaire peut fonctionner. Mais pour autant, ce n’est pas la seule ni, de loin, la plus respectueuse.

 

Ca fait des générations que l’on éduque les enfants comme ça, et tout va bien !

(ou : « Je considère que s’il faut on est en droit de réprimander son enfant et la fessé est la plus vieille des punitions et non la plus douloureuse il faut arrêter de dire que ca humilie l’enfant sous prétexte que le pauvre chéri prend une punition. »)

Notre société est en souffrance, il y a des guerres un peu partout dans le monde. Cette loi n’a pas pour vocation d’être punitive pour quiconque. Juste d’alerter sur ces rapports humiliants, dévalorisants, qui n’équipent pas nos générations futures, mais leur transmettent notre impuissance à créer d’autres façons de faire plus dignes. C’est un chemin, pas une règle ou une panacée.

 

Éduquer et légiférer ne s’accordent pas à merveille : information et éducation des parents seraient le pivot essentiel : je suis POUR l’éducation à la bienveillance.

 

Nb : les commentaires en italique sont copiés-collés de commentaires Facebook et sous les articles traitant de la question.

 

De belles sorties à Nice avec son tout-petit

par Lise

Parmi les choses qui peuvent être difficiles quand on garde son nourrisson/bébé/enfant toute la journée, il peut y avoir le fait de se sentir seul·e (comprendre « sans conversation adulte »), et sans programme pré-établi dans la journée. Et cela peut donner une sensation de vide abyssal, tant on est habitué·e depuis toujours à avoir des journées cadrées et organisées heure par heure. C’est ce cumul (solitude, absence d’horaires et demandes de la part de l’enfant) qui rend les choses compliquées.

En fait, d’après mon expérience personnelle, j’ai remarqué que dès lors qu’on avait une activité prévue par jour, et de préférence en compagnie d’autres adultes (pour nous) et d’autres enfants (pour bébé), tout devenait bien plus facile. Alors oui, on a tôt fait d’avoir l’air de passer son temps à boire du thé avec des ami·es ou de profiter du soleil dans un parc. Mais tout d’abord, cela n’est pas réellement du repos, puisqu’on a toujours l’œil aux aguets et l’attention captivée par ce que fait Petit-être, et d’autre part, tout le travail d’organisation qu’il y a derrière cela n’est pas non plus si simple, surtout au début. Ensuite, c’est vrai, l’effet sortie-rencontre-sortie peut faire boule de neige. Et c’est très bien comme ça ! S’occuper de son enfant /occuper son enfant/s’occuper, quand cela se rejoint, c’est l’idéal.

Je souhaite donc proposer ici une liste des activités gratuites ou peu chères que j’ai testées à Nice. La liste est loin d’être exhaustive, puisque je ne mentionne que les activités régulières sur l’année et que j’ai personnellement testées.

 

La Maison des Parents Galléan, la Marelle (ainsi que les autres ludothèques de la ville de Nice)

Lors de la première visite, il faut prendre rendez-vous pour un petit entretien, puis on peut s’y rendre quand on veut dans les demi-journées ouvertes aux parents et à leurs enfants de moins de 6 ans. Il y a là des jeux variés, une petite aire de motricité, et surtout beaucoup d’autres enfants et leurs parents. Et, à partir de « quel âge a-t-il/elle ? » « Oh, quel joli t-shirt ! », on peut très souvent faire des rencontres sympathiques, échanger ses coordonnées, et trouver plaisir à voir nos enfants jouer ensemble. Il y a également des professionnel·les souriant·es et sympathiques, qui sont là pour échanger quelques mots si on le souhaite, donner quelques conseils aux parents en demande, etc.

 

Mirabelle (prix à vérifier)

C’est une « Maison Verte » (en lien avec la philosophie de Françoise Dolto). Là aussi, après un premier entretien, on est accueilli par une ou deux personnes, prêtes à venir discuter si on le souhaite, ou bien on peut rester assis sur les banquettes autour de la salle pendant que les enfants jouent avec les porteurs, cuisine, petite maison et surtout l’énorme piscine à balles multicolores.

 

L’Ecole des Parents 

Elle propose des rencontres et des activités mensuelles pour parents et jeunes enfants. J’ai particulièrement apprécié les cours de préparation à la naissance, qui sont à la fois l’occasion de rencontrer d’autres couples (y compris certaines personnes dont les enfants sont par la suite devenus ami·es des miens), et celle d’obtenir de riches informations auprès de la sage-femme Laurence dans un cadre vraiment chaleureux. Plus tard, j’ai beaucoup aimé les séances de massages avec bébé, encore une fois l’occasion de rencontrer d’autres parents, et surtout de partager avec son petit bébé (jusqu’à 9 mois) un moment privilégié à renouveler à volonté à la maison, sous les conseils bienveillants d’Isabelle. Pour les plus grands, les ateliers ECHO de découverte d’une langue et d’une culture en famille. Et encore de nombreux ateliers auxquels je n’ai pas eu l’occasion de participer. Le tout organisé par Manuel, dont le chaleureux accueil et la manière de donner vie au lieu sont un plaisir à chaque visite.

Les parcs de jeux

Avant leurs premiers pas, il peut déjà être sympathique d’amener nos enfants dans ces aires, où ils auront plaisir à regarder les “grands” jouer, et où nous pourrons côtoyer d’autres parents. Ou même de donner rendez-vous à ceux que nous connaissons déjà. Et dès qu’ils savent courir, c’est souvent un des endroits de prédilection des petit·es. Il peut vite devenir très naturel de lancer « ça te dit de venir goûter au parc cet aprèm? », et de se retrouver en groupes à discuter sans voir le temps passer.

Nb : seuls les plus grands parcs figurent sur ce site, il y a de nombreux autres petits parcs de quartier dans Nice…

Les rencontres de Grandissons

Plusieurs rencontres régulières sont proposées. Par exemple Papotons à Cagnes-sur-Mer, dont le but est avant tout de permettre aux parents de se rencontrer, de partager leurs questionnements et expériences et de passer un bon moment ensemble. Les rencontres Parlons Naissance permettent aux futurs et jeunes parents d’échanger sur le thème de la grossesse, de l’accouchement et des premiers moments avec bébé. Les réunions allaitement, alternées avec les réunions de la Leche League ont pour objectif de s’informer et d’échanger sur cette question. Un peu moins régulières, les rencontres Entre Parents n’ont pas de thème précis mais offrent un lieu pour parler du quotidien et de la parentalité… D’autres rencontres ponctuelles sont proposées dans l’année.

La bibliothèque

La bibliothèque Nucéra, près de la place Garibaldi, contient un espace enfants séparé, qui permet aux petits d’évoluer parmi les livres librement. Il y a un coin pour les tout-petits, et un coin ludothèque, de sorte que chacun y trouve ce qui lui convient le mieux. C’est un endroit très agréable pour une après-midi pluvieuse et pour rencontrer du monde. La ville de Nice offre également de nombreuses bibliothèques de quartier, qui comportent pour la pluspart également un coin pour les enfants.

 

Les bébés nageurs (7 euros par famille pour les Niçois)

Je vais finalement évoquer aussi deux activités payantes, mais je trouve vraiment qu’elles valent le détour. Pour ma part, je n’ai testé que celle de Saint-Roch. La piscine est chauffée à 32 degrés, (on se croirait dans son bain !), Célia, la maîtresse nageuse est chaleureuse et entrainante et les jeux flottants et colorés donnent une atmosphère festive… Là aussi, il pourra être agréable d’échanger quelques mots avec les parents ou leurs enfants, de 5 mois à 3 ans (mais les frères et sœurs aîné·es sont bienvenus).

En passant, la piscine en général est une sortie que j’apprécie avec les enfants, qui sont toujours contents. Pour peu qu’on cherche un horaire proche des bébés nageurs ou du cours pour femmes enceintes, on peut aussi trouver la piscine bien chaude.

Le cinéma parent-bébé (5 euros par adulte).

Au cinéma Mercury, place Garibaldi à Nice, une séance mensuelle spéciale est proposée aux parents accompagné·es de leur enfant âgé·e de moins de 9 mois. La salle reste faiblement éclairée, le son est baissé, et les allers et venues sont tolérés. J’ai profité à fond de ces escapades avec chacun de mes enfants, regrettant seulement que les quelques mois où c’était possible passent si vite. Là aussi, j’ai fait de belles rencontres (qu’est-ce qui empêche de proposer en fin de séance d’aller prendre un verre ensemble aux autres parents présents ?), et passé de très agréables moments.

Le café-poussette Maman les P’tits bateaux

Créé pour être un lieu de rencontre, c’est un café dans lequel tout le monde est bienvenu. Une petite cuisine et autres jeux sont à la disposition des enfants, de bons gâteaux sont à la vente pour tous et l’accueil est chaleureux. Cela fait du bien de pouvoir s’installer à une table sans la crainte constante que son enfant ne dérange s’il se lève. Même les toilettes sont adaptées avec leur petite balançoire pour poser bambin pendant qu’il nous attend !

Si vous avez d’autres suggestions, n’hésitez pas à les laisser en commentaire !

Le jour où j’ai eu envie de parler de mon regard positif sur la parentalité du même nom

par Lise

(Il m’a été donné plusieurs fois de tomber sur des articles critiquant « l’éducation positive » tout en la définissant partie ou totalité pour ce qu’elle n’est pas. Récemment, un article en particulier circule beaucoup (1), et les très nombreux commentaires qu’il suscite me font éprouver la même chose que quand mon fils écrase méticuleusement ses framboises sur le canapé… Leur accumulation, cette invective de « mère parfaite » qui devient une expression courante à laquelle je ne réussis pas à donner de sens, et qui est toujours destinée négativement à… (à qui exactement ?), par ceux que l’on a fait culpabiliser, alors que personne ne cherche jamais à se l’appliquer à soi-même (et pour cause !). Bref, du haut de toutes mes imperfections et difficultés du quotidien, j’ai plutôt l’impression que la parentalité bienveillante est encore une lointaine ébauche très peu répandue, et imparfaitement connue, et que la mettre sur le bûcher équivaut à ordonner l’autodafé du premier mot du premier roman… Du coup, aujourd’hui, je ne résiste pas à écrire… ce qui me gonfle.)

 

L’article m’a à moitié agacée. A moitié, car il contient deux éléments : l’un décrivant avec un humour acéré le quotidien difficile dans lequel, comme la plupart des personnes ayant commenté, je me reconnais avec le plaisir que l’on rencontre toujours quand quelqu’un parvient à écrire ce que l’on éprouve. L’autre critiquant en bloc la parentalité positive et la manière dont celle-ci ferait culpabiliser les parents normaux, déclenchant quantité de commentaires criant haro sur la bienveillance à grands coups de définitions inexactes et de critiques étranges sur celles et ceux qui tentent de la pratiquer, et seraient automatiquement jugeants et hypocrites…

Avant tout, cela me donne envie de redéfinir ce que cherche à contenir la parentalité positive, ou éducation bienveillante, ou non-violence éducative (nb. Bienveillance = ”volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui” (cela ne suppose donc pas de traiter de bouffonne ou de merde quiconque, ni de devenir soi-même parfait ou capable de garder son calme, et, bizarrement, même pas de pouvoir voler avec un parapluie…)

Plus qu’une méthode, c’est une conviction, une ligne de conduite, une valeur. L’idée est d’accepter les émotions et les besoins de l’enfant autant que les siens. Avoir pour objectif de ne pas humilier ou rabaisser son enfant, de vivre en bonne entente autant que possible, de ne blesser personne… Cela ne veut pas dire qu’on n’a pas le droit de craquer, de se fâcher, seulement que l’on peut en reparler et s’excuser après si c’est nécessaire. Nan, mais sérieusement, remplacez le mot « enfant » par « conjoint », ou même « belle-mère », ça devient vite marrant (et logique) ! « Ne pas humilier ou rabaisser sa belle-mère, éviter de lui donner des fessées quand on est en désaccord ou qu’elle nous pousse à bout… » bref, je vous laisse continuer (et aussi vous rappeler comment vous raisonniez lorsque vous étiez enfant et vous considériez déjà comme une personne à part entière…)

Ah oui, et aussi, la bienveillance commence par soi-même. C’est précisé dans tous les livres sur le sujet qui se respectent. Donc oui, on se pardonne à soi-même quand on pète un câble (ou tout autre chose nauséabonde qui ne soit pas des paillettes), oui, on pense à se ressourcer dès que possible, et non, c’est aller à l’encontre de l’idée de base que de dire que quelqu’un est une « merde » parce qu’il agit de la seule manière possible que lui permet son humeur de dogue épuisé et suant du moment.

Je remarque que plusieurs commentaires apparentent la parentalité positive (comme c’est tout à fait fréquent) à du laxisme, à une absence totale de limite. Dire à son enfant « je ne supporte plus la manière dont tu me parles » plutôt que « tu es trop chiant, ferme ta gueule », lui dire « j’ai besoin que tu m’aides car je suis épuisée » plutôt que « si tu ne m’aides pas, tu seras puni de trucquetuaimeslepluspourquetutesentesaussimalquemoi », lui asséner un « stop, c’est dangereux » plutôt que « tu vas tomber », cela ne change strictement rien aux limites. Alors, oui, il y a un moment où on va parler de lâcher-prise et de renoncer aux contraintes inutiles, mais cela a surtout pour conséquence de renforcer le bien-fondé et l’importance de se conformer aux règles vraiment importantes qui perdurent.

Quant à ceux qui craignent que les enfants élevés ainsi ne s’habituent pas à la vie pleine de contraintes qui les attend à l’âge adulte, je leur répondrais que oui, quelle que soit la dose de bienveillance dont les parents essayent de faire preuve, aucun n’est infaillible, les cris et contraintes existent donc bel et bien. Sans parler de toutes les contraintes physiques (on ne peut pas passer à travers un mur, fût-il enduit de paillettes (sic ! C’est le fil rouge), réalistes (on ne peut pas adopter de Bisounours, puisqu’il paraît que ça n’existe pas), temporelles (on ne peut pas rester debout toute la nuit… en tout cas pas moi), etc. Et pour les autres… eh bien, ils s’habitueront au fur et à mesure, comme nous devrons, dans maxi quatre décennies, nous habituer à avoir mal aux genoux quand on voudra se pencher, ne plus être entouré d’enfants chamailleurs mais de la plus profonde et silencieuse solitude, voire à devoir utiliser un déambulateur… mais on ne va quand même pas commencer à s’entraîner à cela maintenant !

Ensuite, je souhaite citer quelques sources, car, au final, il me semble que ce que critique l’auteur dépend avant tout des lectures auxquelles on se réfère (je n’ai personnellement pas de compte instagram, ne vais pas sur Youtube, et ne suis que dans un seul groupe Facebook, dans lequel la plupart des messages commencent par « cela a l’air difficile pour toi, tu as tout mon soutien… ») Je les mets en bas d’article, tiens !

J’aimerais aussi revenir sur ce concept de « nous faire culpabiliser », qui apparaît dans de nombreux commentaires. Tout d’abord, la formule elle-même a quelque chose de surprenant, rendant passif celui qui se plaint d’« être culpabilisé ». On culpabilise, voire on se culpabilise. Mais l’agent extérieur est-il si directement celui qui créé ce sentiment ? On culpabilise de ce qui nous gêne soi-même, de ce que l’on n’assume pas. Alors, oui, tous autant que nous sommes, nous culpabilisons 1000 fois par jour parce que c’est vraiment trop impossible de réussir à être celle que l’on aimerait quand mademoiselle 4 ans vous poursuit en « mamamamaman… » pendant que monsieur 18 mois grimpe sur la table et criant suraigu, se fait une bosse, «… eh ben eh ben moi tu sais, j’aime pas les courgettes parce que tu sais, Laurie elle a dit que… » et vous « sileeeeeeence, j’en ai trop maaaarre ! »… Mais oui, on culpabilise soi-même parce qu’on n’agit pas selon ses propres valeurs. Autrement dit, dans ce cas-là, quoi que je lise, je pourrais culpabiliser si je donnais une fessée, mais on ne pourrait pas me faire culpabiliser de ne pas l’avoir donnée. Parce que ce ne sont pas mes lectures, mais mes convictions profondes qui conditionnent ma culpabilité, dont j’assume la responsabilité. Mais surtout et avant tout, la parentalité positive n’encourage pas à se culpabiliser, mais à se pardonner !

Et puis… ça ne marche pas. Par rapport à quoi ? Et que veut dire « marcher » ? Non, l’éducation positive, en effet, ne fait pas s’endormir les enfants plus tôt le soir, ne les empêche pas de hurler en se roulant par terre, ne les rend pas propres et luisants, ni silencieux, ne leur rend pas la voix grave, ne leur apprend pas à résoudre des équations à 4 inconnues et pas même à dire « bonjour » au voisin ! Et non seulement elle n’a jamais prétendu le faire, mais en plus ce n’est pas l’objectif, et même surtout pas. Ceux qui attendent « efficacité et résultat » seront forcément déçus. Que ce soit avec leur enfant ou leur belle-mère. Car que les choses soient claires, dans les deux cas, RIEN ne « marche » (et pas non plus fesser sa belle-mère, ou enfermer son enfant dans la cuisine…) Le seul résultat que l’on puisse souhaiter (et souhaiter ne veut pas dire attendre !), c’est complicité et compréhension (entre les disputes et les crises), confiance mutuelle, capacité de communication, et surtout essai de se blesser le moins possible les uns les autres. Et cela même pas vraiment au quotidien, mais peut-être plutôt à long terme…

Bref… Pour moi, tout cela, c’est comme si je disais de quelqu’un qui fait le ménage chez lui, en l’entendant dire « je vais passer un coup de balai » qu’il me « fait culpabiliser ». Ben oui, parce que chez moi, le balai, il sert plus souvent à jouer à la sorcière à califourchon qu’à autre chose, et je n’ai même pas de fer à repasser. Donc quoi ? Tous ceux qui sont moins bordéliques et plus propres que moi sont des menteurs qui ne montrent pas la difficulté de leur quotidien (ben oui, ils montrent leur bel intérieur propre, je ne les vois jamais plein de sueur en train de se battre avec les moutons !), me font culpabiliser parce que je fais moins bien et essayent de me faire passer pour une conne, parce que chez eux, c’est plus propre et que moi je n’en suis pas capable ?…

Ce qui me frappe tout de même, c’est qu’au final, l’auteur conclut par des exemples montrant qu’elle pratique elle-même bel et bien cette fameuse parentalité bienveillante, avec toutes les imperfections dont nous faisons tou.te.s preuve…

Peut-être, enfin, que pour se rappeler de ce qu’est vraiment cette fantasque idée de parentalité bienveillante, il faut se rappeler ce à quoi elle « s’oppose », par exemple en lisant les commentaires des réactions contre le projet de loi interdisant les châtiments corporels (article à venir ici), qui se disent convaincus qu’ « une bonne fessée n’a jamais tué personne » et que si on les « laisse faire, ces petits démons deviendront des enfants rois », ou en lisant d’autres auteurs, comme Aldo Naouri (article à venir aussi) ?… Quelquefois, il est bon de se rappeler d’où on vient avant de critiquer ce qui cherche à le faire changer et qui ne devient extrême que lorsqu’on oublie de prendre le recul auquel il appelle…

 


(1) http://shivamama.fr/le-jour-ou-la-parentalite-positive-ma-gonflee/


Bibiographie (volontairement non exhaustive)

Livres

Dumonteil-Kremer C., Elever son enfant autrement.

Fillozat I., Au Cœur des Emotions de l’Enfant

Faber et Mazlich, Ecouter pour que les Enfants Parlent, Parler pour que les Enfants écoutent

Faber et Mazlich, Frères et Sœurs sans Rivalité

Ginott H., Entre Parents et Enfants

Gonzales C., Serre-moi fort

Korczak J., Comment aimer son Enfant (https://grandissons.org/?p=1540)

Rosenberg M. Les Mots sont des Fenêtres ou bien ils sont des Murs (car la recherche de bienveillance se destine à tous)

 

Magazines :

Peps Magasine (une ressource de bienveillance qui regonfle le moral à bloc tous les trimestres)

Grandir Autrement

 

Sites et blogs :

https://grandissons.org/?p=1979

http://www.perles-pacifiques.fr/2017/04/07/5-regles-pour-ne-pas-imposer-de-regles-aux-enfants/

https://www.oummi-materne.com/quest-ce-que-la-parentalite-positive/

https://parents-naturellement.com/parentalite-positive-definition/ (voir le bas de l’article !)


PS : Bon… pour être tout à fait honnête, en recherchant ces sources, je suis tombée sur quelques articles (commerciaux ?) faisant passer la parentalité positive pour une magie qui rend zen parents et enfants… et m’a permis de comprendre un peu mieux la cause de ce coup de gueule…

Sucette et allaitement, une expérience personnelle

Par Lise

 

J’ai eu deux bébés allaités exclusivement à la demande, tous deux avec un grand besoin de succion. Et puis un (méga) REF et une grande production lactée. Du coup, plus que repus après quelques minutes, mes bébés finissaient par se détourner, toussant et crachant, du sein, qui continuait à les asperger avec pression. Pourtant, ils avaient encore et encore envie de téter. Ainsi, j’ai passé plusieurs semaines avec mon petit doigt dans leur bouche, le jour et (toute) la nuit aussitôt qu’ils étaient rassasiés et repoussaient mon sein en pleurant.

Fatiguée, je me suis mise à la recherche d’une aide. Et c’est ainsi que j’en suis arrivée à parler de sucette. Non, je n’aurais jamais cru le faire, non, je n’aurais jamais cru, il y a quelques années, en arriver à écrire cet article. Mais oui, ça a été la solution indispensable pour me soulager à ce moment-là.

 

1/ Trois arguments et demi en faveur de la sucette

Pour Bébéun, tout a été très bref. Je lui ai donné une sucette vers un mois de vie, elle l’a utilisée pendant une semaine, puis a trouvé son pouce qu’elle a sucé pendant 6 mois avant de s’arrêter spontanément, fin de l’histoire.

Pour Bébédeux, mon cœur balançait entre l’épuisement et le spectre noir de la sucette (risque de confusion sein-tétine et échec de l’allaitement, déformation palatine, sevrage de la tétine difficile, mettre un bout de plastique dans la bouche de mon bébé…) Là, ma précieuse sage-femme m’a dit « moi, si elle sauve les mamans et les bébés, je suis pour la tétine. » Alors, je l’ai envisagée et me suis penchée sur la question.

C’est alors que Marie m’a sorti deus ex machina une étude récente affirmant que l’usage de la sucette n’aurait pas statistiquement un impact si délétère que ça sur l’allaitement (1).

Enfin, je suis tombée sur des études ajoutant que la sucette pouvait contribuer à réduire le risque de mort subite du nourrisson (2).

 

2/ Choix de la sucette

Une fois ma décision prise de recourir à celle que j’appelai la « prothèse à bouche » qui devait soulager mon bébé, mon petit doigt et ma fatigue, je me suis penchée sur la question du choix. J’ai alors consulté des sites parlant orthodontie et déformation de la sphère buccale.

L’un d’eux proposait, entre autres études et réflexions, la modélisation d’une « sucette idéale » (2, en bas de l’article) argumentée de manière convaincante. Me voilà donc partie à la recherche de l’objet qui s’approcherait le plus de cette proposition, inexistante dans le commerce. La sucette qui s’en approchait le plus (quoi que ne respectant très peu des critères évoqués… A quand un réel progrès dans ce domaine ?) était la Mam Perfect, car très fine au niveau du plan de morsure. J’en ai également acheté une en caoutchouc naturel Goldi (sensée imiter la forme du mamelon) pour le côté plus sain, mais Bébé ne l’a jamais acceptée.

 

3/ Utilisation de la sucette

C’est ainsi que mes nuits ont pris une nouvelle tournure. Bébé tétait, puis s’endormait parfois aussitôt après (jamais en tétant, comme son aînée, car trop concentré à ne pas s’étouffer sous le jet) à mes côtés ou dans mes bras. Lorsqu’il s’éveillait la nuit, j’essayais dans un premier temps de l’aider à se rendormir en chantant, en le berçant, puis en lui donnant le sein, et enfin, lorsque rien n’avait fonctionné, je lui donnais sa sucette.

En journée, c’était encore plus rare. Je m’efforçais d’en réserver l’usage au plan F, lorsque rien mais vraiment rien d’autre ne l’apaisait.

… ou lorsqu’il était vraiment important qu’il y ait du silence (par exemple lorsque sa sœur venait de s’endormir près de nous). Et là, j’ai découvert la solution de facilité que cela pouvait impliquer. Et le fait qu’il fallait s’imposer parfois une lutte pour ne pas s’y laisser entraîner. Pour cela il m’a fallu me remettre les idées au clair : la sucette est un moyen d’apaiser bébé lorsqu’il en a besoin, et pour ne pas sombrer soi-même dans l’épuisement. Lorsqu’aucun de ces critères n’est en jeu, elle risque de se transformer en outil à rendre silencieux, et se retrouver de manière automatique dans la bouche de bébé aussitôt qu’il cherche à se manifester, s’exprimer, s’agiter. Oui, elle fonctionne aussi dans ces cas-là, mais je continue à penser que là n’est absolument pas son rôle, et que par-là elle présente une nouvelle face négative.

 

4/ Fin de la sucette

Bébéun avait cessé de sucer son pouce de soi-même autour de sept mois.

Hasard ou pas, c’est également à cet âge que Bébédeux a brusquement craché sa sucette avec élan, du jour au lendemain, alors qu’il la portait seul à sa bouche depuis quelques temps.

Tous les deux étaient alors toujours allaités à la demande, et c’est vers cet âge où, se redressant, ils ont commencé à moins régurgiter d’une part, et à avoir besoin de plus se nourrir d’autre part car fournissant davantage d’efforts physique durant la journée. Cela n’est que l’explication qui m’est venue et ne vaut pas preuve, mais me semble logique. Gérant mieux la tétée malgré le REF, ayant besoin de plus de lait, tétant avec une meilleure maîtrise, et ayant un besoin de succion diminué de par leur âge, ils en étaient venus à se contenter du sein. Je pense qu’ils se sont mis à téter davantage durant la nuit à cette période, et cela m’a demandé une réadaptation à tous points de vue… car oui, la sucette avait tout de même revêtu un côté solution de facilité dont il me fallait brusquement me passer.

 

5/ Conclusion

Cela n’est donc qu’une expérience personnelle n’ayant aucune valeur statistique ou scientifique, mais qui s’est révélée concluante pour moi. La sucette a rempli son rôle de pacificateur lorsqu’elle nous est devenue nécessaire, et n’a pas eu d’effet délétère sur la dentition ou l’articulation car a été arrêtée au moment du début de la dentition. Le sevrage a été spontané et facile.

Je ne trouve pas d’étude sur le lien entre sevrage de la sucette/pouce et l’allaitement à la demande. Je suis intéressée par les expérience : les bébés allaités à la demande et ayant recours à la sucette ou au pouce les quittent-ils souvent spontanément dès lors qu’ils parviennent à gérer le REF/ont un besoin de succion réduit de par leur âge ?

Et pour les autres, quelle utilisation avez-vous fait de la sucette, quand et comment l’avez-vous arrêtée ?

 

Sources

(1) http://www.cochrane.org/fr/CD007202/effet-de-lusage-restreint-de-la-sucette-sur-la-duree-de-lallaitement-maternel-chez-les-nourrissons

(1 bis) Article dont j’ai trouvé par la suite une critique sévère ici http://ibfan.org/breastfeedingbreafs/Allaitement-et-lolettes-No-54.pdf

(2) http://www.dentalespace.com/praticien/formationcontinue/guide-pour-prevention-effets-nocifs-sucettes-sur-position-dents/

 

 

Vers la nuit

Par Lise

Étendu.

Seul.

Espace sans limite.

Mon corps immensément minuscule se perd dans mes gestes éperdus.

Froid.

Chaud.

Depuis combien de temps ?

Seul.

Les cris s’arrachent de mes poumons, sortent salés de ma bouche, transpercent mes oreilles.

Une éternité. Au moins.

J’appelle. Mes larmes m’aveuglent.

Suis-je à jamais seul ?

Mes bras dans tous les sens, mes jambes au loin.

Il fait trop grand, il fait trop froid, mon souffle me brûle.

Les voix. Les voici. Leurs voix magiques, leur main sur mon ventre.

Le calme aussitôt. Bonheur ! Prenez-moi, réchauffez-moi !

Les voix : « Tu vois bien, ce n’est qu’un caprice. Il s’arrête de pleurer dès qu’on entre… »

Je ne comprends pas.

Déjà, ils s’éloignent.

Dans un intense effort, je leur tends mes bras.

Prenez-moi, prenez-moi, vous qui êtes la chaleur, les mots, le temps, la nourriture, l’existence. Prenez-moi, enveloppez-moi.

La porte se referme.

Obscurité.

Mon souffle à nouveau se transforme et m’étouffe.

Le hurlement de mon corps.

Eternité.

Seul à jamais.

Je n’en puis plus.

Je sombre, l’obscurité m’absorbe.

Personne pour moi.

Je ne suis personne.

Seul.

A quoi bon…

Epuisé.

Seul dans le silence immense d’un temps et d’un espace dont j’ignore les limites.

Silence glacial. Je ferme les yeux.

La voix : « Tu vois, il a bien compris que ça ne servait à rien. Le voilà qui dort. Maintenant, il va faire ses nuits. »

Chute libre, une naissance respectée

Par Lise

????????????????????????

Elle avait commencé un peu plus tôt que dans mes plans, mais c’était une grossesse sereine et gaie la plupart du temps. En cette fin janvier, je me sentais en pleine forme, et débordante d’envie de profiter quelques temps encore de mon bébé en-dedans et de ma rondeur fière. Il bougeait beaucoup, fort, et j’aimais par-dessus tout mettre ma main sur son petit pied en bas à gauche, qui se déplaçait lentement, tandis que ses fesses en haut à droite pointaient et se blottissaient contre mon autre paume. Avec D., au fil des séances d’haptonomie prénatale, Andrea et moi avions découvert et accompagné ses mouvements, faisant de ce petit être invisible quelqu’un de plus tout à fait inconnu, et dont la rencontre secrète nous avait rapproché en tant que couple.

Nous avons longuement hésité sur le lieu où nous voudrions mettre au monde ce bébé. Après coup, j’ai même des difficultés à me souvenir pourquoi, tant à présent tout me semble avoir été parfait ainsi. Simplement, il est difficile de s’extirper des chemins habituels, des phrases, des craintes et des jugements répétés et martelés. Et puis le fait d’être en location meublée, que les propriétaires risquent d’être là, qu’il n’y ait pas de baignoire, qu’il faille préparer les repas… Quoi qu’il en soit, bien que les prises de décisions soient toujours difficiles pour moi, primordial a été le fait que différentes alternatives existent et que nous ayons pu opérer à un vrai choix, en conscience et réflexion, pour décider où nous mettrions au monde notre enfant. Dès lors, je me suis sentie libre, responsable, puissante et sécure.

Fin janvier, me suis mise à tousser très fort pendant deux jours, et j’ai senti que cela bousculait un peu trop tout cet éphémère équilibre. Non, il n’attendrait pas le printemps pour se rompre. En effet, samedi 30 janvier en me levant, j’ai eu quelques doutes, continuant cependant ma journée normalement. Mais à minuit tout pile, une sensation étrange et nouvelle de vagues aqueuses et tièdes m’a fait comprendre que c’était la fin des eaux et le début de la suite…

Je suis restée la nuit sans dormir, mais ne m’en souviens presque pas. C’était la deuxième que je passais à arpenter l’obscurité, saisie de quintes de toux et de remontées acides. Quelques contractions commençaient à pointer. Je sais que j’ai écrit longuement dans le salon, une lettre à mon bébé, et puis mes pensées, assise sur le gros ballon, parce que j’ai retrouvé les papiers, mais l’avais oublié.

Je n’avais tellement pas voulu envisager que bébé arrive si tôt, ni imaginé que cela commence par la perte des eaux, que je ne savais plus que faire. Je ne voulais déranger personne à minuit, je n’avais pas encore de contractions, et une partie de moi continuait à ne pas croire que la naissance soit imminente. Mais d’un autre côté montait la crainte de devoir être transférée à l’hôpital si le travail ne démarrait pas assez vite après la rupture des poches…

Stella parlait dans son sommeil, se réveillait à moitié… elle avait senti quelque chose, sans aucun doute. Vers 6h30, elle est venue me rejoindre au salon pour m’annoncer qu’elle avait « fini de dormir ! » Et ta sœur ? (Ah non, c’est un frère…) Je suis retournée me coucher avec elle. Et puis, à nouveau, je ne sais plus. Nous nous sommes tous levés vers 8h, les contractions se poursuivaient, mais toujours espacées, peu régulières, et tout à fait gérables en respirant bien. Nous avons déjeuné, c’était dimanche matin, et je ne voulais priver personne de grasse matinée. Vers 9 heures, j’ai finalement annoncé à Stella qu’elle allait partir chez sa copine, et que quand elle reviendrait le lendemain matin, son petit frère serait probablement né. Elle s’est mise à sauter de joie dans le salon en criant « youpi ! youpi ! ». Pendant qu’Andrea l’aidait à se préparer, j’ai fini d’étendre le linge dans les escaliers, m’appuyant contre le mur à chaque contraction, un peu plus forte que la précédente, mais toujours assez espacée pour que je puisse étendre plusieurs chaussettes d’affilée. Alors, je suis allée lire Astérix sur le lit. Cette fois, il fallait quand même que je ferme les yeux à chaque contraction, mais j’arrivais encore à lire quelques bulles de suite. J’étais fatiguée par les nuits sans dormir, mais j’hésitais à monter et descendre les escaliers pour accélérer le travail, à cause de la crainte de devoir partir à l’hôpital en raison de tout ce temps déjà écoulé depuis la rupture de la poche des eaux. Andrea est rentré vers 10h30. Je suis allée prendre une douche pendant qu’il rangeait un peu la maison… Un tout petit peu, parce que j’avais besoin de ses bras à chaque contraction l’appelant d’un « contraction ! » tonitruant, et que celles-ci se sont soudain accélérées, devenant très longues et très rapprochées. Je glissais des images dans ma tête : mon utérus entouré de rubans multicolores et verticaux qui serrent les rubans bleu pâle horizontaux que je m’efforçais de détendre et de laisser s’ouvrir. Cela fit du bien. Je me vis cloche, avec une tête minuscule, et grande ouverte en bas, je me laissai partir sur des paysages de neige vierge scintillant de tous ses cristaux au lever du soleil sur des sommets infinis, je visualisai mon tout petit bébé inconnu descendre… Et j’appellai encore et encore Andrea, qui lâchait draps, assiettes, jouets et papiers pour accourir, m’entourer, me soutenir et m’effleurer le dos.

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La douche, pour la naissance de Stella, m’avait tant soulagée que j’avais rêvé cette fois d’une baignoire d’eau chaude pour traverser le travail (la présence de celle-ci à l’hôpital, désormais équipée, avait été une de mes principales sources d’hésitations pour accoucher là-bas !). F. devait d’ailleurs en acheter une qu’elle m’aurait louée… trois jours plus tard. Sauf que cette fois, la douche ne soulageait rien du tout. Je n’arrivais pas à rester assise sur le ballon, que nous avions glissé à l’intérieur, et je claquais des dents. Et puis j’étais trop fatiguée pour rester debout.

De tous les endroits de la maison où j’aurais pu donner naissance, j’avais, dans mes rêves, éliminé notre lit. Et c’est pourtant là que je me suis précipitée aussitôt séchée et habillée. Bon, ma tête n’en était toujours pas à donner naissance, c’est vrai. Comparant mes sensations à celles vécues lors de la venue de Stella, j’estimais que bébé serait là peut-être en fin de journée. Andrea, lui, avait bien vu que tout était allé bien plus vite, et avait rappelé F. la doula, et A. la sage-femme pour leur demander de venir. Elles sont arrivées l’une après l’autre un peu après 11 heures, alors qu’Andrea avait déjà installé la bâche sur notre lit, sur lequel je me tenais à quatre pattes, appuyée sur des coussins, puis sur le ballon, puis, parce que mes bras tremblaient trop pour me soutenir, allongée sur le côté, lovée autour de mon coussin d’allaitement, que je n’ai plus quitté. Moi qui avais rêvé de rester accroupie pour voir apparaître mon bébé devant moi…

J’ai mis l’enregistrement d’hypnonaissance utilisé lors de la naissance de Stella. Mais tout allait trop vite, tout était trop puissant, changeant, intense, pour que je puisse y trouver le moindre recours. Seulement, je l’ai mis en boucle, et il jalonnait un peu le temps, dont j’avais perdu toute notion. A. et F. étaient silencieuses. A., assise près de la porte, s’est approchée pour écouter un instant le cœur du bébé, et m’a souri lorsque je lui ai demandé si tout allait bien. Chacun avait sa place, et tous étaient paisibles. Andrea me tenait la main, m’effleurait le dos, m’offrait l’ancrage de sa main tiède dans le creux de mon genou. F. me faisait de l’air, massait là pile poil où ça faisait du bien. Les contractions se succédaient, toutes différentes tant tout allait vite. J’ai perdu un moment le fil de ma respiration, me noyant un peu dans la douleur… Je me rappelais la courbe qu’elles dessinaient : une sinusoïde d’environ 1 minute, augmentant jusqu’à l’apogée que je supportais en la sachant suivie de la redescente. Puis jusqu’à 2 minutes de pause, dans laquelle je me plongeais en essayant de relâcher chaque muscle et de rechercher quelques gouttes de bien-être profond. Le soleil a soudain percé plus fort à travers le rideau, me faisant sursauter. Mais il m’a fait plaisir, c’est drôle, j’avais un peu rêvé d’accoucher au soleil. J’avais chaud, très chaud, trop chaud. Un peu d’infusion au miel, difficile à boire (nous n’avions que d’énormes pailles à Stella !) m’a fait du bien.

Et puis j’ai reconnu la sensation de poussée. J’éprouvais à la fois soulagement, sachant que cela annonçait la fin, et crainte, me sentant faible et même paresseuse pour ce dernier exercice. J’ai un peu ronchonné pour dire que j’en avais assez, les rires autour de moi m’ont redonné du courage. Moi qui avais parfois regretté de ne pas voir compris vraiment ce qui se passait lors de mon premier accouchement, je sentais cette fois avec précision l’avancée du bébé, sa descente dans mon bassin. On m’a aidée à me déshabiller. Entre deux contractions, j’ai demandé à Andrea s’il ne voyait rien qu’il ne veuille pas voir, il a répondu que non, j’ai insisté, c’était important. Toujours le calme et le silence, quelques chuchotements discrets seulement. Malgré tout, les images d’escalade me sont revenues à l’esprit. Ce n’était pas une question de compétition, cette fois, de cris, de pression… Mais j’étais suspendue quelque part en l’air, surplombant un vide invisible et démesuré. Aucun retour en arrière envisageable, la seule possibilité étant de monter plus haut, d’atteindre le sommet avec le bout de mes forces, toute mon énergie, sans même penser un instant à lâcher tant la chute est inconcevable… bander ses muscles et savoir de tout son être que l’on peut arriver au bout, que l’on peut, que l’on doit, et qu’alors, au sommet, on pourra jubiler et que tout ira bien. J’ai senti une première poussée m’étreindre, faire avancer le bébé, j’ai essayé de l’amortir un peu dans un soupir, mais le bébé a reculé. « Oh non, il est reparti ! » ai-je dit, un peu déçue, un peu pour rire. Alors, je n’ai plus lâché. J’avais enfin cette liberté qui m’avait tant fait défaut lors de mon premier accouchement d’agir uniquement et seulement selon mon ressenti. Je poussais, soufflais, ne bloquais pas, retenais comme je le souhaitais et comme cela venait. J’étais accrochée à Andrea, tirant sur ses mains, et lui me retenant. A. appuyait en bas de mon bassin, et cette sensation d’être contenue et retenue me soulageait. Lors des pauses, je posais ma main sur mon ventre, et je pensais fort à mon bébé, qui était tout seul dans le noir et poussait certainement lui aussi, et lui disais du bout des doigts que nous étions ensemble, que nous sentions ensemble, qu’il ne devait pas s’inquiéter parce que nous allions y arriver tous les deux, et que bientôt je le prendrais tout contre moi. Un relâchement (comme, lorsqu’enfin on pose une dégaine et que l’on peut un instant reposer ses bras, suspendu à sa corde). « Sa tête ! » a dit quelqu’un. « Ça y est, il est sorti ? », ai-je demandé. Rires gênés. « Seulement la tête… » Je me rappelais que le corps était moins difficile. Nouvelle poussée, s’élever à nouveau loin du sol, les épaules, retenues en arrière par le cordon enroulées autour « C’est pas possible, il est losange, ce bébé ! » ai-je pensé…Et puis ça a été fini, brusquement. Tout était fini. Je m’étais rétablie sur l’herbe en haut de la falaise. Et j’étais toute vide.

Alors, soudain, tout s’est relâché en moi, et cela a été la cascade, des trombes d’eau qui, cette fois, sortaient par mes yeux, sans retenue, des larmes d’enfant venues de très loin, qui ne brûlaient pas de tristesse ni de colère, juste des larmes du fond, des lames de fond, qui devaient sortir elles aussi. Pendant ce temps, mon bébé était en bas, derrière moi, et je voulais le prendre, le voir, ne pas le laisser tout seul (j’ai été rassurée ensuite de savoir que, pendant tout ce temps, A. l’avait tenu dans ses mains blotti), mais je ne pouvais pas bouger, trop fatiguée. Quand le torrent s’est tari, quelques minutes plus tard, A. a déposé mon bébé tout contre moi. Je me tortillais pour voir ses yeux, mais il m’a fallu encore patienter un peu, pour l’instant il était roulé en boule de profil. Ça y était, ça y était, mon tout petit bébé que je n’attendais pas encore était dans mes bras, pour de vrai de vrai. Et je n’arrivais pas à le réaliser. Il était 13h03.

Ensuite, nous avons attendu le placenta. A. souriait et disait que nous avions le temps, mais j’étais fatiguée et inconfortable et avais hâte que ce soit fini. Enfin, il est arrivé. Bébé y était toujours attaché, A. et F. l’on enveloppé à côté de nous jusqu’à ce que le cordon cesse de battre tout à fait. Lorsque ça a été le cas, longtemps plus tard, Andrea l’a coupé. Ce n’était pas un geste hâtif presque obligatoire, un acte à faire vite avant que « ça » parte à la poubelle, non, il l’a fait en parlant, tout content. Il a aussi révélé qu’il avait regardé, depuis mes côtés auxquels il se trouvait, la tête du bébé sortir, lui qui avait tant répété que jamais-jamais il ne voudrait voir une telle chose. « Oui, mais là, tout est si différent… » a-t-il dit. Si bien que, le placenta qu’il avait aussi prévenu ne jamais-jamais vouloir voir, nous l’avons contemplé ensemble, membranes déployées au-dessus révélant la tente secrète à l’intérieur de laquelle Livio avait passé tout ce temps, puis étendu à plat sur son verso, arbre aux branchages de vaisseaux. Tout semblait simple, normal, dépourvu d’inquiétude et de gêne…

Pendant que je me reposais un peu, A., F. et Andrea ont rangé et préparé des pâtes. Andrea a mis la table dans la cuisine, faisant rire F., qui lui a dit qu’ils n’allaient quand même pas manger sans moi. Et alors, nous avons, tous ensemble, en discutant, riant et parlant de ce qui venait de se passer, mangé nos pâtes assis sur le lit au soleil, tandis que Livio s’essayait à sa première tétée.

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Et puis, c’est Andrea qui l’a posé sur la balance, après que nous ayons lancé les paris sur son poids (3,980 kg). Il a été mesuré trois jours plus tard (52 cm), et a subi le test de Guthrie à 5 jours. Rien d’autre. Le bain a attendu une semaine. Ensuite, je suis allée prendre une douche revigorante, F. et A. ont pris congé une après l’autre, et nous nous sommes remis sur le lit tous les trois, en peau à peau, jusqu’à-ce que la nuit tombe, dans une sorte de bulle douce…

Andrea avait été lui aussi imprégné de toutes ces hormones et sensations, car, pendant quelques jours, il a été épuisé, et réveillé par chaque petit bruit de bébé, même dans une autre pièce, tout comme moi. Après quelques temps, à nouveau, il n’entend plus les pleurs lorsqu’il dort !

Il est allé chercher Stella le lendemain matin. Ils sont allés déclarer Livio ensemble à la Mairie. Quand elle est arrivée sur le pas de la porte, mes genoux relevés l’empêchaient de voir bébé, couché derrière. « Il est où, mon bébé ? » a-t-elle demandé d’un air inquiet. J’ai baissé mes jambes, et son visage s’est éclairé. Elle s’est précipitée vers lui en poussant de drôles de tout petits cris aigus, l’embrassant et le caressant longuement. Puis elle est allée chercher un livre pour lui raconter une histoire.

La sage-femme A. est revenue 5 fois la semaine suivante. J’attendais sa visite avec impatience toute la journée. Pour ses conseils et son soutien, mais aussi parce qu’elle avait complètement fait partie de cette naissance, et que retrouver quelqu’un d’intérieur, avec qui je pouvais reparler de ces instants, poser mes questions, vérifier mes souvenirs… était quelque chose dont j’avais infiniment besoin. Cette naissance et sa mémoire n’ont pas été délaissées dans un coin anonyme d’hôpital parmi des étrangers qui l’auront oubliée l’instant d’après. Il en reste comme quelque chose de plus fort entre les personnes présentes. F. est revenue me voir aussi, et m’a écoutée et consolée dans ce qui me faisait mal de cette naissance à laquelle je n’étais pas encore prête. Une semaine plus tard, en effet, j’en pleurais encore : mon corps ne gardait déjà presque plus de trace de cette grossesse qui, dans mon esprit, n’aurait pas dû être déjà achevée. Je me sentais si vide… A. et F. m’ont entourée jusqu’à-ce que j’arrive à nouveau à regarder en bas de la falaise, leur présence est allée bien au-delà de l’accouchement en soi.

A présent, tout va mieux. Nous sommes fiers de cette naissance heureuse, qui nous a fait faire des choses que nous n’aurions jamais imaginées ou assumées (oui, le placenta sera enterré sous un arbre…), aller au-delà de nos blocages, idées, et de celles des gens (parfaitement, nous avons menti tous les deux à ceux qui nous demandaient où nous allions accoucher, tant, en fin de grossesse, leurs commentaires tout faits nous étaient lourds à entendre), fiers de notre petit garçon tout rond-losange et du fait d’être désormais quatre. Et résolument heureux de cette naissance qui ne m’a laissé aucune blessure physique, ni aucun regret, doute ou tristesse dans nos esprits.


Pour répondre à certaines questions qui nous ont été posées :

Accoucher sous le téléphérique

Par Lise

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J’ai écrit ce texte un soir au début de mon 9e mois de grossesse. Il ne se veut critique envers aucun choix. Mais il est décidément polémique envers les réactions répétées mille fois à chaque fois que le mot « accouchement » est prononcé. Pour mon premier accouchement, je n’ai pas eu l’occasion de côtoyer d’autres couples attendant un bébé, ni personne en fait. Et ma solitude m’a offert une naïve et bienfaisante sérénité. Je vis cette seconde grossesse entourée de plein de rencontres, et c’est génial… Sauf quand on aborde LE sujet, ou, pire, lorsque n’importe qui n’importe quand (le dentiste, la prof de gym…) le fait, par habitude en voyant un gros ventre. Et lorsqu’on entend d’autres femmes enceintes toutes remplies de peurs d’angoisse et de ces mots douloureux qui sont presque des synonymes d’accouchement à force de lui être liés.

Au fur et à mesure que passe le temps, je me sens de plus en plus déstabilisée et irritée à la fois. Bien malgré moi. J’ai assez d’arguments raisonnables pour contrer leurs phrases, sans pourtant parvenir à les empêcher d’entrer au fond de ma tête. Si souvent répétées et entendues (« Mais pourquoi te passer de péri ? », « Quel choix, que de choisir de souffrir… », « A la maison ? Ok, n’empêche, si Xyz n’avait pas été à l’hôpital quand elle a eu besoin des spatules… », « Bon courage, hein, ce n’est qu’un dur moment à passer… »), ces idées d’emblée négatives sur l’accouchement réussiraient, appliquées à n’importe quelle activité, à rendre celle-ci rebutante et terriblement effrayante.

Désormais, j’évite autant que possible de laisser les gens aborder le sujet. Mais ils ne peuvent pas s’en empêcher : un accouchement, ça fait mal par définition, et il ne faut jamais omettre de le rappeler à la future mère. Et si jamais elle réplique, ajouter quelques exemples pour lui prouver que, si par hasard elle pouvait gérer la douleur, ça reste terriblement risqué…

Imaginons… Parce que j’aime la montagne et les analogies…

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Vous : La semaine prochaine, je fais un sommet !

L’autre (d’un air compatissant) : Ouah ! Bon courage… J’en ai fait un une fois, c’était horrible, il faisait super froid je ne sentais plus mes doigts, et puis avec l’altitude je me suis senti oppressé comme jamais, et tout ça pour me retrouver dans le brouillard une fois en haut. Bonne chance, hein, je penserai à toi !

Vous (convaincu) : Non, mais je me suis bien préparé, je ne me sens pas trop inquiet. Je partirai lentement, et puis je connais ce moment où je me demanderai ce que je fais là, si essoufflé à transpirer comme un bœuf, mais… Enfin, je sais surtout combien, en arrivant au sommet, je me sentirai fier de mon corps qui m’a permis ça, et comme c’est grisant d’admirer le paysage, les autres cimes alentours, la neige, le silence, cette sensation de plénitude quand on a dompté la montagne et que la nature se fait merveille pour mon regard seul…

L’autre (ébahi) : Nooon… parce qu’en plus, tu comptes monter là-haut à pied ? Mais ça va être horriblement douloureux ! Enfin je veux dire… moi, je ne pourrai pas. J’ai bien essayé, une fois, le sentier, mais c’est juste insupportable, les pieds qui frottent contre les chaussures si lourdes, le poids du sac…

Vous (un peu déstabilisé) : Oui… Je… Je crois que je peux le faire… j’aimerais essayer en tout cas…

L’autre (dans sa lancée) : Mais quand même, tu choisis de souffrir alors qu’il suffit de prendre le téléphérique, tu es là-haut à l’heure exacte, tu payes sur internet, et ils s’occupent de tout pour toi. Tu choisis vraiment de monter à pied ??

Vous (hésitant) : Mais… C’est pour voir le paysage tout au long de la montée, les changements d’altitude, l’odeur de l’air qui se modifie, les arbres, puis les rochers, puis la neige… Enfin, c’est… J’aimerais essayer de voir toute la montagne, tu comprends, je l’aime tellement, mais en gravir chaque passage, c’est quelque chose de fort, et puis les sensations… Le sommet, c’est aussi l’accumulation de tout cela… Tu vois ?

L’autre : Oui, enfin, c’est quand même un peu inconscient. Moi, ma tante, elle s’est foulé une cheville comme ça. Elle se l’est cognée contre un pylône du téléphérique. Heureusement qu’il était là, d’ailleurs, le téléphérique, pour la redescendre, sinon, elle y serait restée. Et j’ai aussi un ami qui s’est brisé le nez : il était en retard, pour la descente en plus, du coup il s’est jeté dans la cabine juste alors qu’elle se fermait. Tu imagines, s’il l’avait carrément raté, il aurait gelé sur place là-haut. Heureusement qu’ils ont pu le descendre en vitesse. Et bon, je ne te parle pas des risques d’avalanche et de chute de pierre.

Vous : Euh… oui… Je suppose que je verrai sur le moment… Enfin, sans téléphérique, ces accidents, justement, ne se seraient peut-être pas pr… hum. De toute façon, si je suis trop fatigué ou que j’ai trop mal aux pieds, je monterai dans le téléphérique à une station intermédiaire…

L’autre : Ah oui, mais il ne faut pas rater la station, si tu es entre deux ou un peu trop haut ou que tu n’as pas réservé ton billet, ils te laissent là !

Vous (quand même un rien inquiet) : Tu crois ? (respirant un bon coup et vous éloignant, chantonnant intérieurement pour vous rassurer et bloquer les larmes qui menacent de monter) Là-haut, sur la montagne, l’était un beau chalet…

Vous trouvez que j’exagère ? Sans rire, remplacez là où cela sied par les mots du lexique de l’accouchement, de l’hôpital, de la péridurale… et vous verrez que ma métaphore est à peine caricaturale, ou peut-être même pas… En tout cas, en tant que femme enceinte qui pleure en regardant les documentaires sur les grenouilles, cela m’atteint exactement de cette manière-là.

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Du coup, puisque j’ai dit avoir quantité d’arguments réfléchis qui me confortent dans mon choix, j’en expose ici quelques-uns :

Première Nuit

Par Lise

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Première nuit sans toi. Brusquement, ce soir, tu es partie dormir « dans ton lit de grande fille ». Nous voilà allongés dans une solitude oubliée. Dans le silence se détache en négatif la courbe sonore de ta respiration. Son absence m’assourdit. Pas de petits mouvements endormis, ni de ces petites phrases que tu lâches entre deux sommeils. Ce soir, je n’arrive pas à m’endormir. Ton papa se tourne et se retourne. Tu manques à notre « bateau-lit » dans lequel nous avions pris tous les trois l’habitude de nous blottir nuit après nuit. Comme ces deux années et demi ont passé vite… Les premières nuits ont été éternelles, détournant notre attention de la brièveté réelle que cela aurait, au bout du compte. Oui, j’ai rêvé et attendu le moment où, enfin, je pourrais dormir sans être réveillée une seule fois par tes appels. Mais j’ai pris soin de ne pas oublier combien le temps passait vite et combien les instants blottis dans l’obscurité contre ton petit corps tiède ancré contre le mien étaient précieux. Bien m’en a pris, car désormais tout cela est fini. Tu as trouvé dans ces instants magiques la force de t’envoler et de te passer d’eux. Tu dors paisiblement de l’autre côté de la cloison. Tu n’es pas inquiète, ni déchirée, tu sens autour de toi le lien indéfectible que nous avons construit en navigant vague de tétées après vagues de tétées sur notre merveilleux navire à trois matelots. Demain, aux premières lueurs, tu nous y rejoindras, reposée et gaie, et nous t’embrasserons, fiers de toi. Ce soir, il n’y a que nos deux souffles, que nous étouffons un peu pour être sûrs de t’entendre si tu appelais. « Et tu imagines, quand ce sera sa chambre de grande adolescente qui sera vide ? » Nous nous regardons. Tu n’es pas si loin encore, ce soir, et nous voilà, ton père et moi, sur le pas de ta porte, à te contempler dormir tant qu’il est encore temps.


Edit : ce texte fut écrit le temps d’une étrange parenthèse, qui dura… une nuit ! Un an plus tard, mademoiselle est toujours dans notre chambre, pas décidée à la quitter. Et alors ? En le relisant, je perçois à nouveau combien ceci a peu d’importance. Un jour, elle partira, et tout ce qui compte, c’est qu’elle le fasse avec sérénité !

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