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Les pleurs des enfants

Par Ariane

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Un bébé, un enfant pleure. Quelle sont les réactions les plus courantes chez les adultes ? L’agacement, ou l’indifférence. Pourtant, la plupart de ces mêmes adultes auraient le coeur brisé ou tout du moins seraient mal à l’aise s’il s’agissait d’un autre adulte.

Je n’ai jamais laissé pleurer ma fille toute seule. Tout d’abord parce que je pense que c’est mauvais pour elle, mais également parce que je n’en serais tout simplement pas capable. Traitez-moi de folle sentimentale, je ne peux pas entendre la détresse d’un autre être vivant et rester stoïque.

En fait, je ne devrais pas dire que la plupart des gens feraient preuve d’empathie envers un autre adulte en larmes. Nous vivons dans un monde où nous sommes quotidiennement confrontés à la détresse des autres. Ceux que nous voyons : les sans-abris par exemple. Et les milliards de personnes dans le monde dont nous savons qu’elles existent, et pour lesquelles nous sommes malgré tout très peu à nous révolter. Cette indifférence-là tue. Et je me demande si cette indifférence, ce manque d’empathie, n’est pas justement lié à ces heures que nous avons passées à pleurer seuls, dans notre lit, à chercher l’attention et l’affection des adultes alentour qui ne nous en donnaient pas, parce qu’un enfant n’a pas à demander, à « imposer » ses besoins à l’adulte. Toujours cette façon étrange de traiter un enfant comme une gêne, comme un tyran, comme un « hyperactif », comme un boulet…

Je pense, et les études récentes vont dans ce sens, qu’un enfant qui a reçu de l’attention, de l’affection, qui n’a pas souffert seul, et donc qui n’a pas appris à se blinder, à trouver lui aussi « normal » de crier à l’aide sans qu’on vienne à son secours, cet enfant-là sera sensible à la détresse des autres, sera choqué, révolté par l’absurdité des mauvais traitements, et réagira davantage pour y remédier.

Notre monde est un monde dur. Et si l’on parle d’humanité, on se fait taxer de sentimentalisme. Un parent qui prend son enfant dans les bras quand il pleure « se fait avoir » par lui, ne « sait pas s’imposer ». Dans quel monde vit-on lorsqu’on s’interdit de venir en aide à ceux qui nous appellent ??

Il a fallu presque deux ans et demi à ma fille pour « faire ses nuits », c’est à dire pour pouvoir se rendormir seule sans avoir besoin de nous appeler pour qu’on vienne la rassurer. Deux ans et demi au bout desquels elle a compris qu’on sera toujours là pour elle, deux ans et demi pour qu’elle puisse « se débrouiller seule », pour qu’elle ait confiance, soit sereine. Ca ne me paraît pas cher payé dans toute une vie pour faire un être humain plus heureux. Deux ans et demi, c’est long ? Mais ça me paraît aussi normal quand on se met à la place de l’enfant. Il n’a pas le cadre de référence que nous avons. Il ne sait pas que demain viendra. Il ne sait, bébé, pas parler pour exprimer ce dont il a besoin. Tout ce qu’il a, c’est sa voix pour crier. J’ai faim, j’ai soif, j’ai peur, j’ai mal. Ou j’ai besoin d’affection. Personnellement, à mon âge, si je fais un cauchemar la nuit, je me serre contre mon compagnon. Parfois même j’ai besoin de me relever, de marcher, de parler, de lire un peu. Un enfant ne peut faire ça. Un enfant n’est pas une machine qui doit « s’habituer ». Un enfant a des besoins qui doivent, selon moi, être satisfaits pour qu’il évolue en un être serein, qui n’aura pas une vision cynique de l’humanité, qui sera choqué par l’injustice parce qu’elle ne sera pas un sentiment qui lui aura été imposé dès la naissance et auquel il se sera habitué.

Un enfant qu’on laisse pleurer seul ne fait pas ses nuits parce qu’il a appris à se rendormir tout seul. Il arrêtera d’appeler parce qu’il aura compris que personne ne viendra, parce qu’il aura perdu la confiance, parce qu’il se sera blindé, parce qu’il pleurera tout seul. Des études ont prouvé que les hormones de stress que l’enfant produit lorsqu’il pleure la nuit continuent d’être sécrétées s’il ne pleure pas : il a les mêmes sentiments d’angoisse, mais les garde pour lui.

Je ne suis plus étonnée de voir le monde dur dans lequel nous vivons, d’observer des gens enjamber des sans-abris dans la rue, être indifférents, égoïstes, agressifs, violents, durs. « Débrouille-toi seul dans la vie, ne compte sur personne, sois fort, sois dur ». Et ça commence dès la naissance : pleure, personne ne viendra, ta détresse ne compte pas.

La SMAR en 140 caractères

Un défi pour les parents et les pros de la naissance : « pour vous qu’est-ce qu’un accouchement respecté ? » Vous avez 140 caractères !

Proposez-nous vous aussi votre définition en commentaires !

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Je ne frappe pas ma fille

Par Ariane

[Nous accueillons ici le témoignage d’Ariane sur la non-violence éducative. Grandissons est tout à fait réceptive à ce genre de choses : cet espace est aussi une tribune, n’hésitez pas à nous contacter si vous voulez partager vos textes.]

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Je ne frappe pas ma fille parce que je ne vois pas pourquoi je la frapperais. Parce que je ne peux concevoir qu’on aime et qu’on frappe. Parce que je trouve que la violence n’est jamais une solution, et qu’on n’éduque pas avec la violence. Je me trouverais bien bête d’expliquer à ma fille qu’on ne tape pas après lui avoir collé une fessée. Je ne pourrais pas supporter de voir dans ses yeux l’incompréhension, l’injustice, la douleur. Je ne supporterais pas qu’elle ait peur de moi.

Je respecte ma fille. Je pense qu’élever un enfant, ce n’est pas le façonner, le réduire, le maintenir, le diriger. Je conçois la parentalité comme un accompagnement, et le parent comme un guide. Je suis d’abord là pour protéger ma fille. Je ne pense pas que cela soit compatible avec la violence.

On ne frappe pas un animal ou un adulte, pourquoi frapper un enfant qui est vulnérable, qui ne mesure pas ses actes, qui doit passer par quantité d’étapes et de degrés de conscience, et qui a besoin d’affection, de confiance, d’explications, de respect ?

Au-delà de cet aspect-là, de la dimension inique qu’a pour moi la violence « éducative », il y a tout simplement cette réalité-là : elle ne fonctionne pas. Les fessées, gifles et autres défoulements parentaux ou preuves de domination, n’ont pour effet que de susciter un trouble mental chez l’enfant : on peut m’aimer et me frapper. Cela a pour résultat de casser l’empathie, réfréner l’expression saine de ses sentiments et de ses émotions, d’obéir non par raison mais par peur du châtiment, de ne pas respecter mais craindre ses parents, de perdre confiance, de se blinder, et de se détester soi-même puisque les parents ont toujours raison et que s’ils le frappent, c’est bien qu’il est mauvais.

Les enfants qui n’ont pas été victimes de VEO (Violence Educative Ordinaire) n’en feront pas usage avec leurs propres enfants. La VEO est un modèle atavique d’éducation qui n’est reproduit que parce qu’il a pénétré profondément nos habitudes. Pourtant, on peut raisonnablement penser que des siècles de violence n’ont pu qu’être encouragés par l’intégration de la violence dès le plus jeune âge, l’acceptation de cette violence comme expression des émotions, comme punition, comme moyen de communication. Les zones de la planète où on constate le plus de violences, de guerres, de génocides, de guerres fratricides, sont aussi celles où la VEO fait partie du paysage éducatif, où elle est courante, normalisée, et même encouragée.

Je n’ai jamais eu envie de frapper ma fille de deux ans et demi. Je me mets en colère parfois, quand elle me résiste, quand elle ne veut pas mettre ses chaussures ou s’habiller, quand elle renverse dix fois son verre d’eau. Mais quand ça m’arrive, je fais une petite pause et je me rappelle qu’elle a deux ans et demi, qu’elle ne fait pas ça « pour m’embêter », qu’elle est tout simplement trop petite pour en avoir les capacités neurologiques, qu’elle éprouve ses capacités et son univers, que son cerveau est en pleine évolution, qu’il s’y créent plus d’un million de synapses par seconde, que me mettre en colère n’aura absolument aucun effet positif et qu’il vaut mieux lui expliquer calmement pourquoi j’aimerais qu’elle mette ses chaussures/s’habille/se dépêche/arrête de renverser son verre. Je me rappelle que ce n’est pas contre moi qu’elle fait des « bêtises », c’est parce qu’elle n’a pas le choix : elle a deux ans et demi. C’est une enfant. Elle apprend. Si on lui met une gifle, soit elle refera cette bêtise parce que ça fait partie de son développement normal, soit elle ne le fera plus mais par peur de la baffe. Et je remarque tous les jours avec ma fille qu’on peut résoudre les problèmes sans crier et sans violence, mais en expliquant, en négociant, et que les enfants apprennent plus vite et plus simplement quand ils ne se sentent pas menacés. C’est beaucoup plus efficace. N’attendons pas de nos enfants ce qu’ils ne peuvent pas nous donner. Les recherches neurologiques sur le développement de l’enfant nous démontrent qu’étant en évolution constante, ils acquièrent de nouvelles capacités au fur et à mesure, et qu’il y a beaucoup de choses qu’ils sont incapables de faire quand ils sont petits.

On oublie que nos enfants sont exactement cela : des enfants. Pas des adultes en miniatures. Ils n’ont pas le même cadre de référence que nous, la même perception du temps, de l’espace, l’expérience que nous avons.

Je vois des parents gronder leurs enfants parce qu’ils gigotent sur leur siège dans le tram, s’impatientent dans un supermarché, veulent mettre le pull vert au lieu du rouge : mais ça, nous le faisons aussi, et personne ne vient nous engueuler ou nous baisser le pantalon pour nous claquer les fesses. La plupart des parents que j’observe dans les lieux publics crient, stressent leurs enfants, les tirent, les poussent, les grondent, les frappent, les humilient. Leurs enfants ne font jamais rien de bien, jamais « comme il faut », sans la plupart du temps comprendre ce qu’ils ont fait de mal. Les parents leur parlent avec rudesse, mépris, « tu vas t’en prendre une, descends de là tout de suite, reste tranquille, dépêche-toi, bouge de là, tu m’énerves, tu vas y aller oui ?! » J’en ai même entendu dire « arrête de faire l’enfant ». Tout est dit. J’ai envie de leur demander pourquoi ils ont fait des enfants, et leur conseiller la prochaine fois d’adopter directement un adulte qui lui se conduira peut-être comme ils désirent. Ces enfants, stressés en permanence, et qui plus est collés devant des écrans, les yeux plein d’images ultrarapides, les oreilles remplies de sons agressifs, de publicités… Je ne suis pas étonnée une seconde de voir ces enfants devenir des adolescents agressifs, violents et qui ne remettent rien en question dans le monde qui les entoure : on n’a pas écouté ce qu’ils avaient à dire, on ne leur a pas expliqué, on n’a pas respecté leur personne.

On les a modelé-e-s : les garçons d’un côté, les filles de l’autre, ce qui est en soi une forme de violence puisqu’elle consiste à nier la personne, en imposant des activités, des jeux, des habits, et même des caractères et des sentiments à un enfant en fonction de son sexe.

On voudrait que nos enfants soient toujours « sages », qu’ils se laissent faire, qu’ils aillent où on les envoie, au gré de nos envies, et sans jamais rien en dire. Toute expression personnelle de l’enfant est taxée de caprice, un mot fourre-tout qui ne veut rien dire et qui permet de réduire la volonté de l’enfant à une intention de casser les pieds des parents.

Pour beaucoup de parents, éduquer consiste à dompter. Je pense, moi, qu’il suffit d’écouter son enfant, de le reconnaître comme une personne, mais avec des besoins particuliers, de le respecter, pour que l’éducation soit un accompagnement, et que les rapports parents-enfants soient beaucoup plus simples et agréables. Mais il faut pour cela déconstruire un schéma de pensée toxique qui s’impose à nous comme une évidence, comme il en existe tant. Mais je crois que l’évidence est là : si on veut un monde avec moins de violence, moins de stress, plus de respect et de sérénité, il faut commencer par chez soi, et commencer par les adultes de demain : nos enfants.

Dans les transports

Par Marie

Il s’agit aujourd’hui d’une affaire de civilités dans les transports en commun. J’ai appris tout récemment l’ordre des priorités (je cite le site de Lignes d’Azur (1), le système de transport des Alpes Maritimes) :

« A qui les places assises du bus et du tramway sont-elles destinées en priorité ?

Dans l’ordre, aux mutilés de guerre, aux aveugles civils, aux invalides du travail, aux infirmes civils, aux femmes enceintes, aux personnes accompagnées d’enfants de moins de 4 ans et aux personnes âgées.

Les places doivent toujours être laissées à ces passagers. »

Vous avez peut-être repéré dans le tram ces belles illustrations des choses à faire pour bien vivre ensemble le temps du trajet : on ne prend pas deux sièges quand on fait moins de 250 kilos, on laisse sa place, etc.

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Ainsi, ce monsieur-là, s’il est seulement vieux, qu’il arrête de faire semblant de dormir, il doit sa place à la femme enceinte. [On me dit dans l’oreille que je suis un peu rude ici. Ce n’était qu’une boutade pour illustrer mon propos, bien sûr qu’on doit le respect à nos aînés et que ce monsieur est très bien assis.]

Et la femme rousse, sais-tu pourquoi elle se lève ? Parce qu’elle aussi, elle est enceinte. Elle, elle sait (mais elle ne se sent pas assez légitime (pas facile quand ça ne se voit pas encore, alors que c’est un moment où l’on peut être très fatiguée) pour faire lever le vieux monsieur) (2).

Donc, si l’intention de ces visuels est tout à fait louable, il en est un qui est complètement à côté de la plaque :

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Je résume : s’il y a beaucoup de monde, il faut plier sa poussette. Par chance, cette poussette-ci, malgré son équipement (capote et chancelière), se plie volontiers. Par magie, le marmot reste bien sagement debout à côté de sa mère. Et le tout, avec le sourire s’il vous plait ! (3)

Ceci est l’oeuvre de quelqu’un qui n’a pas d’enfant, voire qui n’en a jamais vu, pas plus qu’il ne sait ce qu’est une poussette.

Certes, il est moins encombrant d’utiliser un porte-bébé et de porter son enfant, mais ce n’est pas toujours possible (mal de dos, courses à faire, pas envie…) et surtout, ce genre de choix ne regarde personne.

Soyez sympas, les gens : emmener un enfant dans les transports en commun, ce n’est souvent pas une partie de plaisir, ça n’est pas la peine d’en rajouter avec des injonctions crétines sous couvert de respect…


La musique du bas de la page (4) :

(1) Ici, dans la FAQ de leur site : http://www.lignesdazur.com/presentation/?rub_code=57&thm_id=117&gpl_id=

(2) Mais du coup elles papotent et s’échangent leurs numéros de téléphone.

(3) Oui, parce qu’en plus, les paquets ont disparu ! (Elle a du se les faire voler pendant qu’elle réalisait la manœuvre)

(4) Je m’essaye aux variations sur les notes. Mais du coup, cet article a été rédigé avec l’aide de Thomas Fersen, à qui j’ai emprunté le titre d’une chanson : https://www.youtube.com/watch?v=4qUP02IZ190

Les enfants ne sont pas des machines à bisous

(De la prise en considération du consentement de l’enfant)

Par Marie

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Nous marchions joyeusement dans la rue, ma fille et moi, elle confortablement calée dans son Boba-d’Amour (1) et moi les mains dans les poches.  « Mettez-lui son bonnet, elle va être malade !!! » Bon alors, non, déjà, on ne devient pas malade de l’absence de bonnet (de même qu’on n’attrape pas le rhume par les pieds) et puis ensuite, de quoi je me mêle ?!

En vrai, j’ai répondu au charmant vieux con monsieur qui m’interpellait ainsi. Je lui ai dit « elle ne veut pas le mettre », le montrant dans ma poche. « Comment ?! répliqua-t-il, mais mettez-le-lui, que diable ! (peut-être était-ce moins joliment dit) ». Moi, expliquant : « c’est qu’elle ne veut pas le garder sur sa tête » (rapport à ce qu’elle ne veut pas le mettre, voyez). Lui, insistant, fort de sa (certaine) connaissance des enfants : « Mais voyons, ce n’est pas elle qui décide ! ». Moi, tentant de lui faire comprendre : « Non, c’est elle qui choisit ! ». Le monsieur est parti en haussant les épaules, pensant que c’est ce qu’il avait de mieux à faire sur le moment. En cela, il n’avait pas tort…

Ne jugeons pas cette personne, il a peut-être souffert de ne jamais porter de chapeaux étant enfant alors qu’il adorait ça. Je ne suis pas contre les discussions impromptues avec des inconnus, fussent-elles au sujet de ma fille mais elles se terminent assez rapidement et chacun reste sur ses positions (ceux qui pensent qu’une (2) enfant est « bizarrement installée » en porte-bébé physiologique ne seront pas convaincus du bien-fondé de son usage en trois minutes). Je n’aime cependant pas les conseils à l’emporte-pièce ni les donneurs de leçons (ou alors de musique).

Je suis persuadée qu’une enfant a le droit de choisir certaines choses et souvent à un âge plus jeune que ce à quoi l’on s’attend. À chaque famille de voir ce qui leur convient. J’avoue que sur le choix des vêtements, j’aime autant proposer deux T-shirts plutôt que de la voir fouiller dans la commode (et puis les chaussettes dépareillées, ce n’est pas mon style à moi (3)). Il ne s’agit pas de choses qui nous éloignent de la sécurité : être attachée ou pas en voiture n’est pas une option de choix, bien évidemment.

Mais surtout, il me semble essentiel de respecter un choix qui touche à l’enfant elle-même, à son corps. Ce corps dont elle commence à peine à percevoir les possibilités, à en concevoir les contours, à en mesurer son appartenance et son individualité… « Le droit de disposer de son corps », ça vous parle, n’est-ce pas ?

Le change, l’habillage, toutes ces choses nécessaires et parfois pénibles passent par une mobilisation (et une immobilisation) du corps de l’enfant et devraient (4) être réalisées au moins avec douceur. Quant au non-nécessaire, je crois que nous pourrions faire plus attention au ressenti et au refus de nos enfants.

On s’est toutes et tous demandé si on allait un jour arrêter d’embrasser notre bébé mais finalement, plus vite qu’on ne le pense, elle se met à parler, à dire oui, à dire non et à refuser certaines choses. Une enfant n’est pas bisouillable à souhait en fait (ou alors, tout juste un tout petit peu quand même, au début, quand leur crâne sent le paradis).

« Non, pas de guilis (5) ! » veut vraiment dire stop, même si nous aussi on s’amuse bien, et même si elle en redemande dans la seconde qui suit. Et finalement, ne pas entendre le « non, pas de câlin ! »  pourtant clamé bien fort peut signifier pour l’enfant qu’elle n’a pas son mot à dire lors d’un contact physique. « Va dire bonjour à tonton » peut signifier pour l’enfant, si elle n’est pas d’accord, subir les bisous baveux d’un vieil oncle qui pique, sent mauvais ou que la môme ne sent pas très net dans son rapport avec elle.

Et cela va plus loin que ça à mon avis…

Passer outre le consentement d’une enfant, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’elle n’a pas à dire si elle et d’accord ou non lorsqu’il s’agit de son corps à elle ? Vous commencez à voir où je veux en venir… Parce qu’en fait, ces histoires de viols, ça n’arrive pas avec un inconnu dans un parking. Ça arrive le plus souvent avec un brave garçon (le fils de quelqu’un, voyez) qui n’a pas entendu le « non ». En tant que parents, nous pourrions écouter un peu plus les refus de nos enfants mais nous avons surtout un devoir d’éducation à cette si importante notion de consentement (6). Même chez les plus petits.


Les con(sen)tentes notes de bas de page :

(1)    Vous en ai-je déjà parlé ? Si non, assurez-vous lors de notre prochaine rencontre de me brancher sur le sujet du portage,  je ne résisterai probablement pas à l’envie de vous en faire l’article.

(2)    A vouloir mettre un/une ou il/elle, on use le lecteur. J’ai choisi d’accorder au féminin dans cet article parce que c’est grâce à ma fille que je l’écris et aussi pour ça : http://www.cemeaction.be/?p=461 

(3)    Coucou Fraiz !

(4)    … dans la mesure du possible car c’est usant de négocier un change… Et puis ça sent mauvais !

(5)    Ma fille dit « lilis », j’adore.

(6)    Lisez ceci : http://www.acontrario.net/2014/01/30/lutter-viol-education-garcons-culture-du-viol/

 

Pourquoi demander un câlin quand les carottes brûlent

Par Lise

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« Faites attention, elle vous fait du chantage », « elle essaye de vous manipuler »…

Si, si, sérieux, ces phrases m’ont été dites au sujet de ma fille de 15 mois, qui pleurait en arrivant dans un endroit nouveau et me tendait les bras en criant !

Avant de s’emballer, consultons  mon vieil ami Robert, des fois qu’un sens m’ait échappé. Et voici ce qu’il dit : « Chantage : moyen de pression pour obtenir quelque chose de quelqu’un », « Manipuler : influencer habilement un individu pour le faire penser, agir comme on le souhaite. »

Du calme, réfléchissons. De deux choses l’une : je prends les mots au pied de la lettre, et en déduis que, par ses larmes, de son chagrin et de ses craintes, ma fille essaye d’obtenir de moi que je la rassure et que je la console… Mais alors, à quoi dois-je faire « attention » ? Ne suis-je pas sa mère, celle qui, en lui donnant le jour, lui ai promis de lui offrir protection et amour ? Auquel cas il me faut comprendre que ma fille me demande un câlin, parce qu’à ce moment-là, elle en a besoin, et lui concéder parce qu’il est avant tout un plaisir pour moi…

Ou alors, je m’emballe, finalement, et j’entends chaque mot. Oui, mon enfant, cette petite personne blonde qui n’articule pas encore plus de deux syllabes, qui passe son temps à me sourire et à m’embrasser en riant, qui lance des baisers aux gens qui lui sourient dans la rue, et qui est encore si fragile qu’un bruit trop fort suffit à lui faire monter les larmes aux yeux, cette enfant-là calcule que lorsqu’elle entre dans un endroit nouveau qui l’effraye, son intérêt est de feindre la peur, de mimer le chagrin, de sorte à m’extorquer… quoi, en fait ? Malgré toute ma « bonne volonté » (douteriez-vous par hasard de mon impartialité dans cette histoire ?), je n’arrive pas au bout de ce raisonnement. Non, ce n’est pas seulement que je sais ma petite incapable de manipulation, mais surtout que je ne vois pas ni comment, ni pourquoi elle s’y essaierait.

Et pourtant, il est difficile d’être absolument sourd à ce genre de remarques, qui résonnent comme un écho assez souvent malgré tout. Ce doit être une habitude d’adulte : ce qui s’oppose à nos désirs de tranquillité et de liberté est forcément l’œuvre de machiavéliques manipulations fomentées par des personnes malveillantes qui ne cherchent qu’à vous déranger.

Allez, je lance une petite comparaison, parce que j’adore ça : vous êtes en train de vous bagarrer avec le linge à étendre, les carottes qui brûlent, le téléphone qui sonne et votre estomac qui gargouille. Pendant ce temps, votre conjoint(e), confortablement installé(e) sur le canapé, est derrière son ordinateur en train de faire, disons la comptabilité pour dire qu’il/elle œuvre aussi pour la cause commune. Peut-on dire, au moment, où, épuisé(e), agacé(e), larmoyant(e) peut-être, vous vous jetez sur lui/elle en criant « je n’en peux plus, viens m’aider, bouge, et prends-moi dans tes bras tendrement par-dessus le marché ! », que vous êtes en train de l’interrompre volontairement dans son activité, pour l’amener, par la manipulation et le chantage, à faire ce que vous voulez, sans autre but que le déranger ? Votre conjoint, emporté par ce qu’il fait, pourrait peut-être un instant le croire, mais soyons sérieux…

Eh oui, je pense avant tout que les enfants, si petits soient-ils, sont des personnes. Comparer leurs ressentis et même leurs actions avec les nôtres aide, je trouve, extrêmement bien à essayer de comprendre. Et comparer notre relation de couple, notre manière de nous adresser l’un à l’autre, est souvent une bonne clé (qui fonctionne, qui plus est, dans les deux sens !)

Pourtant, j’ajoute encore une nuance : aussi proches des nôtres soient les ressentis, les émotions et les besoins des enfants, je crois qu’ils sont plus forts et plus envahissants dans leurs petites têtes qui n’ont pas encore acquis l’expérience qui permet de relativiser, pas plus que celle qui permet de… manipuler !