(De la prise en considération du consentement de l’enfant)
Par Marie
Nous marchions joyeusement dans la rue, ma fille et moi, elle confortablement calée dans son Boba-d’Amour (1) et moi les mains dans les poches. « Mettez-lui son bonnet, elle va être malade !!! » Bon alors, non, déjà, on ne devient pas malade de l’absence de bonnet (de même qu’on n’attrape pas le rhume par les pieds) et puis ensuite, de quoi je me mêle ?!
En vrai, j’ai répondu au charmant vieux con monsieur qui m’interpellait ainsi. Je lui ai dit « elle ne veut pas le mettre », le montrant dans ma poche. « Comment ?! répliqua-t-il, mais mettez-le-lui, que diable ! (peut-être était-ce moins joliment dit) ». Moi, expliquant : « c’est qu’elle ne veut pas le garder sur sa tête » (rapport à ce qu’elle ne veut pas le mettre, voyez). Lui, insistant, fort de sa (certaine) connaissance des enfants : « Mais voyons, ce n’est pas elle qui décide ! ». Moi, tentant de lui faire comprendre : « Non, c’est elle qui choisit ! ». Le monsieur est parti en haussant les épaules, pensant que c’est ce qu’il avait de mieux à faire sur le moment. En cela, il n’avait pas tort…
Ne jugeons pas cette personne, il a peut-être souffert de ne jamais porter de chapeaux étant enfant alors qu’il adorait ça. Je ne suis pas contre les discussions impromptues avec des inconnus, fussent-elles au sujet de ma fille mais elles se terminent assez rapidement et chacun reste sur ses positions (ceux qui pensent qu’une (2) enfant est « bizarrement installée » en porte-bébé physiologique ne seront pas convaincus du bien-fondé de son usage en trois minutes). Je n’aime cependant pas les conseils à l’emporte-pièce ni les donneurs de leçons (ou alors de musique).
Je suis persuadée qu’une enfant a le droit de choisir certaines choses et souvent à un âge plus jeune que ce à quoi l’on s’attend. À chaque famille de voir ce qui leur convient. J’avoue que sur le choix des vêtements, j’aime autant proposer deux T-shirts plutôt que de la voir fouiller dans la commode (et puis les chaussettes dépareillées, ce n’est pas mon style à moi (3)). Il ne s’agit pas de choses qui nous éloignent de la sécurité : être attachée ou pas en voiture n’est pas une option de choix, bien évidemment.
Mais surtout, il me semble essentiel de respecter un choix qui touche à l’enfant elle-même, à son corps. Ce corps dont elle commence à peine à percevoir les possibilités, à en concevoir les contours, à en mesurer son appartenance et son individualité… « Le droit de disposer de son corps », ça vous parle, n’est-ce pas ?
Le change, l’habillage, toutes ces choses nécessaires et parfois pénibles passent par une mobilisation (et une immobilisation) du corps de l’enfant et devraient (4) être réalisées au moins avec douceur. Quant au non-nécessaire, je crois que nous pourrions faire plus attention au ressenti et au refus de nos enfants.
On s’est toutes et tous demandé si on allait un jour arrêter d’embrasser notre bébé mais finalement, plus vite qu’on ne le pense, elle se met à parler, à dire oui, à dire non et à refuser certaines choses. Une enfant n’est pas bisouillable à souhait en fait (ou alors, tout juste un tout petit peu quand même, au début, quand leur crâne sent le paradis).
« Non, pas de guilis (5) ! » veut vraiment dire stop, même si nous aussi on s’amuse bien, et même si elle en redemande dans la seconde qui suit. Et finalement, ne pas entendre le « non, pas de câlin ! » pourtant clamé bien fort peut signifier pour l’enfant qu’elle n’a pas son mot à dire lors d’un contact physique. « Va dire bonjour à tonton » peut signifier pour l’enfant, si elle n’est pas d’accord, subir les bisous baveux d’un vieil oncle qui pique, sent mauvais ou que la môme ne sent pas très net dans son rapport avec elle.
Et cela va plus loin que ça à mon avis…
Passer outre le consentement d’une enfant, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’elle n’a pas à dire si elle et d’accord ou non lorsqu’il s’agit de son corps à elle ? Vous commencez à voir où je veux en venir… Parce qu’en fait, ces histoires de viols, ça n’arrive pas avec un inconnu dans un parking. Ça arrive le plus souvent avec un brave garçon (le fils de quelqu’un, voyez) qui n’a pas entendu le « non ». En tant que parents, nous pourrions écouter un peu plus les refus de nos enfants mais nous avons surtout un devoir d’éducation à cette si importante notion de consentement (6). Même chez les plus petits.
Les con(sen)tentes notes de bas de page :
(1) Vous en ai-je déjà parlé ? Si non, assurez-vous lors de notre prochaine rencontre de me brancher sur le sujet du portage, je ne résisterai probablement pas à l’envie de vous en faire l’article.
(2) A vouloir mettre un/une ou il/elle, on use le lecteur. J’ai choisi d’accorder au féminin dans cet article parce que c’est grâce à ma fille que je l’écris et aussi pour ça : http://www.cemeaction.be/?p=461
(3) Coucou Fraiz !
(4) … dans la mesure du possible car c’est usant de négocier un change… Et puis ça sent mauvais !
(5) Ma fille dit « lilis », j’adore.
(6) Lisez ceci : http://www.acontrario.net/2014/01/30/lutter-viol-education-garcons-culture-du-viol/
Bonjour,
Tout à fait d’accord avec ce devoir d’éducation dont vous parlez.
Savez-vous que le 2ème plus haut taux de viol dans le monde se trouve en Suède: http://www.planetoscope.com/Criminalite/1202-nombre-de-viols-commis-dans-le-monde.html
Pays dont vous vantez les mérites de leur éducation laxiste…
Amicalement
« Cum hoc ergo propter hoc » : s’il vous plait ne confondez pas corrélation et causalité… » Ce taux élevé est très malheureux mais il n’est pas démontré de dépendance avec quoique ce soit.
J’imagine que vous faites référence à l’excellent documentaire de Marion Cuerq « si j’aurais su je serais né en Suède » qui prône non pas le laxisme mais l’éducation non-violente et qui montre comment l’interdiction des châtiments corporels (une décision de l’état !) a changé les choses en terme d’éducation et de respect de l’enfant dans ce pays.
Il n’y a d’ailleurs qu’à lire les écrits d’Olivier Maurel ou d’Alice Miller pour se convaincre de l’importance (et de l’urgence) de faire de même chez nous…
Je crois plutôt qu’il y a plus de chances que ce pauvre monsieur ait été toute son enfance obligé de porter un bonnet lorsque sa mère en avait décidé. Ma fille a eu le droit à la même chose l’autre jour avec ses grand-mère. Moi a ma mère: Pourquoi tu veux l’obliger, tu aimais ça quand tu étais petite? Elle : on me l’a surement fait et j’en suis pas morte! Moi: Et donc tu veux te venger sur ta petite fille? No comment.
Aaaahhh, L’argument « je n’en suis pas mort(e) » !… 🙂
Il est vrai qu’on a parfois du mal à lâcher prise sur des comportements qui nous viennent d’on-ne-sait-pas-où. J’essaye de toujours me demander si la sécurité est en jeu ou non (les fondamentaux…) mais ce n’est pas facile !
Je connais une maman qui a tout récemment laissé sa fille de 2 ans sortir avec son pantalon sur la tête : un excellent exemple ! (bravo Fa !)
euh, j’ai laissé passer quelques fautes…
Comment je suis d’accord avec Vous. Je ne sais pas ni comment ni pourquoi mais quand mon fils est né je me suis naturellement tournée vers l’éducation non violente. Je me suis jamais posée la question, j’ai rien decidé, ça me semble evident. Et à regarder autour de moi je passe pour une extraterrestre extrêmement bizzare (mon fils à 13 mois et j’allaite toujour, j’ai fait pas mal de portage physiologique… en plus je suis étrangère figurez-vous le niveau de la « bizzaritude »:))
En effet !
Chez nous à Grandissons, vous êtes carrément normale du coup… ^^