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L’enfant dans la migration : apprendre le français, communiquer en français

Par Michela

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Mon fils a commencé a fréquenter l’école maternelle en septembre, deux jours après notre arrivée en France. Il a du s’adapter à l’école (première insertion dans le système scolaire), à un nouvel environnement, à une nouvelle manière à vivre (en famille monoparentale loin des grands-parents) et à une nouvelle langue.
 
C’est un enfant sociable, très habitué au changements et à rester avec des personnes différentes : quand il avait 6 mois j’ai repris mon travail et pendant que je travaillais il restait avec son papa. Son père est marocain et il lui parlait en arabe aussi. Après ma séparation d’avec son père, j’ai eu la garde exclusive, et Achille et moi avons déménagé une première fois dans un autre appartement, puis une deuxième chez les grands-parents et finalement (pour le moment du moins) nous vivons ici en France. Il voit son papa sur Skype et, de temps en temps, en Italie pendant les vacances scolaires.
 
Au début de l’année les maîtresses m’ont exprimé leur préoccupation quant au fait qu’Achille ne comprendrait pas beaucoup les consignes, les règles, les explications. Elles me conseillaient de parler français avec lui pour le faire avancer plus vite dans l’apprentissage de la langue. En réalité, par choix, j’ai préféré garder l’italien. Et tout de même, en quelque mois il a appris pas mal de français : évidemment il n’a pas un très grand vocabulaire, étant donné son âge, mais il s’exprime bien dans les deux langues, qu’il sélectionne désormais selon l’interlocuteur. Souvent il corrige ma prononciation très italienne du français, surtout les nasales, la différence entre OU et U et le R pas bien français.


J’ai une formation en médiation culturelle et j’ai travaillé aussi dans le milieu scolaire en Italie. J’ai déjà observé la manière dont l’apprentissage d’une langue seconde, en particulier dans le processus d’immigration dans un pays étranger, est très lié à la sphère des émotions. En réalité les plus récentes méthodes de la didactique des langues étrangères (pour enfants et adultes) tiennent bien compte de cela : l’apprentissage d’une langue étrangère ou langue seconde implique en particulier la partie droite du cerveau et l’amygdale (partie du cerveau qui gère les émotions). De mon point de vue, l’apprentissage de la langue lors de la migration peut être un indicateur de la façon dont l’enfant vit l’inclusion dans la réalité de l’école et de la société, encore avant d’être un moyen pour s’intégrer.
 
En fait, d’éventuels problèmes liés à la double appartenance linguistique et culturelle ne se posent pas avec un simple contact entre deux langues différentes, mais ils peuvent survenir à un niveau psychologique pour plusieurs raisons. Le niveau de compétence linguistique différent, par exemple, peut entraîner une certaine distorsion dans les relations familiales : parler la langue seconde mieux que les parents et avoir plus de contacts sociaux peut rendre ces enfants les interprètes, la « voix », de leurs parents, leur faisant ainsi assurer un rôle déséquilibré au sein de la famille. Si la langue maternelle et la culture des parents sont également ignorées par l’école et dévaluées par la société, la situation empire. Ce sont des situations qu’on peut chercher à comprendre et analyser quand elles se présentent, mais c’est n’est pas en omettant la langue d’origine qu’on peut leur faire face.  La langue maternelle dans la migration, précieuse et fragile, reste tout à fait cruciale pour un développement sain de la personnalité de l’enfant.
 
Bien que, au premier abord, il semble parfois difficile dans une situation d’immigration dans laquelle on voit l’ « urgence », d’apprendre la langue d’origine du pays d’accueil, sur le long terme le développement du bilinguisme est toujours un enrichissement pour la croissance de l’enfant, qui s’ habitue à gérer la communication et à «lire le monde» (chaque langue porte avec elle une vision différente du monde) avec des systèmes linguistiques différents. 
Désormais, j’aime voir qu’Achille non seulement passe d’une langue à l’autre sans soucis particuliers, mais aussi qu’il prend visiblement plaisir à répéter les nouveaux mots, poser des questions, interroger sur les significations et s’amuse en faisant des blagues en utilisant les traductions entre une langue et l’autre.
Cela me fait penser à cette phrase de Giuliano Scabia, dramaturge et écrivain italien : « Le langage est un être vivant qui habite en vous, et si vous le caressez et jouez avec lui il vous donnera le bonheur.».

Retours sur la 12ème Journée de la Non-Violence Éducative

Par Marie et Lise

Nous avions organisé deux événements à l’occasion de la Journée de la Non-Violence Éducative : l’un à Cagnes-sur-Mer et l’autre à Nice.

Le 30 avril, nous étions installés à côté du manège, cours du 11 novembre à Cagnes avec un stand coloré et en compagnie de la Ludochouette de la ville, venue faire un atelier sur le thème de la non-violence. Marie et Emilie nous ont présenté des scénettes de théâtre avec des animaux en marionnette.

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Un reportage a été réalisé par France 3 lors de cette manifestation [http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/emissions/jt-1920-cote-d-azur (à 5’05)].

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Le 3 mai, nous étions cette fois place Garibaldi à Nice avec l’association l’AmorçÂge. Vers 11 heures, autour d’un stand, nous avons affiché plusieurs visuels, panneaux d’informations informant sur le sujet.

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A ce même moment, quatre comédiens-amateurs vêtus de blanc ont proposé une première présentation de théâtre-image, mettant en scène des situations immobiles de violence, qui un bras levé vers un autre se protégeant le visage, qui la bouche grande ouverte pour hurler silencieusement sur un autre se pendant à son bras…

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Les personnes présentes se sont ensuite groupées autour d’un petit repas tiré du sac.

A 14 heures, les personnages sont entrés en scène au centre du rectangle tracé à la craie sur la place et entouré de quelques bancs de bois. Christophe a expliqué au public en quoi consiste le théâtre-forum. Les comédiens allaient jouer une brève scène une première fois. Puis, la même scène serait à nouveau ébauchée, tandis que le public serait invité à lever la main à tout moment pour venir prendre la place de l’un des personnages et, sans modifier trop radicalement son caractère, jouer le rôle à sa façon, afin de tenter une nouvelle manière de se comporter dans la situation, ou d’entraîner un changement dans la réaction des autres personnages.

Un chapeau a circulé parmi le public afin que celui-ci tire au sort l’une après l’autre les situations qui seraient jouées. Ainsi furent mis en scène une mère exaspéré par le comportement de son enfant qui jetait ses jouets tandis qu’elle tapait des messages sur son téléphone si bien qu’elle finissait par l’envoyer au coin, un père qui, ne souhaitant céder à la demande de manège de son fils, l’humiliait verbalement avant de le laisser en larmes sans répondre à sa demande de réconfort, une mère utilisant le chantage pour imposer à son enfant de rester à table et de finir son assiette, un père et une grand-mère employant humiliation et claque pour forcer leur fille à rester assise et silencieuse, et un parent fatigué, entraînant son enfant dans le rythme effréné de sa journée sans entendre les demandes de celui-ci et sans réaliser combien d’efforts faisait en fait son enfant pour le suivre…

Très actif, le public de tous âges, y compris enfantin, nous a rejoint pour proposer des ouvertures à la discussion, des interventions de personnages témoins de la scène, de témoins compatissants envers les divers personnages, des pistes, des remises en questions et des questions tout court.

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Ainsi, nous nous sommes séparés heureux d’avoir réfléchi en commun, et d’avoir échangé sur ce sujet qui nous tenait à cœur, d’avoir ouvert des questionnements et peut-être des fenêtres, partant tous enrichis par cette journée féconde.


Une exposition de l’arbre de la violence avait également été mise en place. Des participants ont pu choisir de déposer des expériences personnelles de violence vécue durant leur enfance. Nous les relayons ici :

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Mes meilleurs achats !

Par Lise

Il m’est arrivé d’entrer dans un magasin de puériculture et d’y observer des futurs parents, qui, accompagnés d’une vendeuse, réalisaient leur liste de naissance. Ils couraient d’un rayon à l’autre, tandis qu’elle leur présentait mille objets, tous absolument indispensables… dont, 2 ans après la naissance de ma fille, je ne vois toujours pas à quoi ils auraient bien pu me servir si je les avais possédés (d’ailleurs, voir à ce sujet l’article de Marie). Enfin, par chance, à l’époque, il ne m’était même pas venu à l’idée de faire une liste de naissance !

Pourtant, il y a bien quelques objets qui nous sont vraiment vraiment utiles, et c’est de ceux-là dont je veux parler ici.


1- Le Manduca ! Depuis que la Loutre a 5 mois (avant, elle était en écharpe), et jusqu’à… certainement encore un moment, il est notre compagnon du quotidien. (oui, j’en ai déjà parlé, et… je n’ai certainement pas fini ! Voir ici)

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2- Le Doomoo : acheté vers mes 3 mois de grossesse, ce coussin d’allaitement moelleux et bien rond enveloppé d’une douce housse ne m’a pas quittée. Je l’ai utilisé pendant toute ma grossesse pour dormir enroulée « presque à plat-ventre », autour de lui coincé entre mes genoux et mes coudes, seule position qui m’était supportable. Pendant mon accouchement, il m’a soutenu la tête, pendant mes premières nuits à la maternité il m’a calé le dos et servi à tenir blotti bébé contre moi quand je m’endormais. Il est alors devenu accessoire indispensable de mon allaitement, servant, aidé de quelques autres coussins, à maintenir mon dos, mes coudes et bébé dans une position stable et confortable. Je l’utilise également pour caler bébé et éviter qu’elle ne roule en dormant lorsqu’elle est près de moi. Lorsqu’elle était toute petite et régurgitait, nous avons utilisé le Doomoo comme nid-cale-bébé pour la maintenir un peu surélevée et lui réserver un espace sûr entre nous lorsque nous nous endormions près d’elle. Elle a appris à se tenir assise dans sa courbure, qui amortissait les basculements intempestifs de son petit corps. Et maintenant, eh ! bien à l’occasion je me rendors autour de lui juste pour le plaisir ou l’utilise pour me blottir pour lire… !

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3- La Gourde à paille : bébé-Loutre n’a jamais eu de biberon. D’abord par absence de nécessité puisqu’elle tétait, et ensuite par absence de nécessité (sic !) puisqu’elle savait boire au verre. Mais en déplacement, le verre, ce n’est pas bien pratique. Nous avons essayé toutes sortes de tasses à bec et autres gobelets, qui, au mieux lui servaient d’arrosoir, au pire se renversaient tout seuls dans mon sac, et qu’elle mordillait sans grand résultat. Puis, vers ses 1 an, nous avons découvert la gourde à paille. Bébé-Loutre a très vite trouvé comment aspirer et a adoré ça. Et puis, enfin, il n’y avait plus de fuites, de t-shirt trempé, de sol flaqué ! Deux ans, et la gourde à paille ne quitte pas le sac pour toutes les sorties. « A bwa ! »

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4- La petite poussette : bébé-Loutre a flashé dessus alors qu’elle se tenait debout mais n’osait pas encore se lâcher. Appuyée sur cet objet pourtant pas si stable que ça, elle a découvert la liberté d’aller où elle le voulait, car la petite-poussette est bien plus légère et maniable que tout autre trotteur « fait pour ». C’est avec sa petite poussette qu’elle a trouvé l’équilibre en toute confiance, sans bien se rendre compte qu’elle s’appuyait de moins en mois dessus, voire la soulevait lorsqu’elle rencontrait un obstacle. Et plusieurs mois plus tard, alors qu’elle court partout, bébé-Loutre (qui, pourtant, n’est elle-même pour ainsi dire jamais promenée en poussette…) aime toujours autant pousser sa petite-poussette avec sa poupée dedans à la maison ou en promenade !

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5- La tente anti-UV : nous en avons essayé plusieurs sortes, mais sur celle-ci nous a plu immédiatement. L’entrée se fait par une large ouverture, qui, lorsqu’elle n’est pas fermée par la moustiquaire, donne à la tente presque une forme d’auvent, ce qui permet même à un adulte (et même à deux plus à un bébé !) de s’allonger avec les pieds qui dépassent. Ainsi, à la plage, nous mettons tous les trois la tête à l’ombre, ou alors je peux faire téter bébé bien à l’abri dans le jardin, et même, en nous pliant un peu, nous tenons toutes les deux dans la tente fermée quand les moustiques arrivent. Mais surtout, cette tente magique sert de lit d’appoint. Moins lourde et moins volumineuse pliée (selon le fameux système pop-up) qu’un lit parapluie classique, elle est très pratique à emmener en voyage et se porte en sac à dos (à noter toutefois qu’une fois dépliée, en revanche, elle prend plus de place qu’un petit lit). Son matelas gonflable est identique à ceux que l’on emmène en camping, et donc plutôt confortable. Bébé-Loutre y est si habituée que c’est comme sa petite cabane, cela semble même lui servir de repère rassurant lorsqu’on n’est pas à la maison, et elle apprécie d’y dormir. Encore une fois, pour les tétées nocturnes, je m’allonge à côté d’elle, et le tour et joué !

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6- Le Tuti MP3 : depuis qu’elle est toute petite, bébé-Loutre aime écouter de la musique (voir article sur Mozart à venir) Pour le Noël de ses 14 mois, elle s’est donc vu offrir un lecteur MP3. Parfois, elle l’emmène en voiture, dans son lit ou le promène dans la maison. Trois boutons très simples permettent de le mettre en marche et de choisir le morceau. Ainsi, quand elle ne trouve pas tout de suite le sommeil pendant sa sieste ou que le trajet se fait long, mademoiselle peut mettre sa musique en route, comme jadis j’activais mon… mange-disques 33 tours (mais que je suis vieille !) A noter toutefois que l’enfant ne peut pas modifier seul le volume sonore ni, surtout changer d’album, ce que je trouve un peu regrettable (le Tuti ayant à la base une sorte de visée éducative, il semble que l’objectif soit que l’enfant soit encouragé au maximum à écouter plusieurs fois les mêmes pistes… Cela dit, l’enfant plus grand ou l’adulte peuvent aisément agir sur ces paramètres…) Toujours est-il que c’est un objet qu’elle apprécie énormément, presque un « doudou musical », employé au quotidien.

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Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés

Par Emilie

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« Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ». Cette expression me vient souvent en tête quand je pense à ce que furent les mois qui suivirent la naissance de mon bébé.

Sage-femme libérale, j’ai choisi de me faire suivre par une collègue, en accompagnement global. Mon mari ne s’oppose pas à l’idée mais a besoin de temps pour cheminer. Ma grossesse se passe parfaitement sur un plan médical mais dans ma tête c’est déjà compliqué : vulnérabilité, fragilité, régression, sentiment d’abandon… Je pleure beaucoup. Mon mari ne comprend pas ce que j’attends de lui, moi qui suis d’habitude si indépendante. La sage-femme m’accompagne, m’écoute, me laisse pleurer et tente d’expliquer mon état d’esprit à mon conjoint.

J’accouche chez moi, avec « ma » sage-femme et une autre collègue. Tout se déroule bien. Un joli bébé avec qui je commence à faire connaissance.

Et puis le lendemain les doutes commencent, cet enfant que je ne comprends pas, qui pleure sans vouloir prendre le sein… Un beau baby blues ! Heureusement la sage-femme nous rend visite et nous rassure. Me réconforte et me redonne confiance en moi. Je me rappelle en souriant de cette phrase « tu as, toi aussi, le droit de faire ton baby blues ».

Les jours passent et tout semble bien se dérouler. C’est l’été, tout le monde est en vacances : ma sage-femme, mes collègues, mes amies. Ma famille aussi et je suis entourée. Je passe beaucoup de temps chez mes parents, il y a du monde, je ne peux pas vraiment me reposer ni être seule avec mon bébé. Et puis comme je suis sage-femme, je suis sensée tout savoir, avoir réponse à tout. Seulement quand il s’agit de moi, impossible de réfléchir, impossible d’avoir la moindre pensée logique ou cohérente. Tout se mélange…

Je suis obligée de reprendre le travail à ses deux mois, à cause de difficultés avec ma remplaçante. Mon bébé est petit, trop petit pour que je le laisse mais j’ai l’impression de ne pas avoir le choix, et puis je ne travaille pas à temps plein, je me dis que ça ira…

Un mois plus tard, je pars trois jours à un congrès de sages-femmes. Seule. Mon mari ne m’accompagne pas. La collègue qui devait m’accompagner est obligée d’annuler. Je suis forte, personne ne semble en douter, j’irai donc seule avec mon bébé et tout ira bien.

C’est ce week-end-là que tout a dégénéré. Un évènement déclencheur. Le premier craquage. Mon bébé qui hurle pendant des heures pour s’endormir un soir, je suis fatiguée, je ne comprends pas, je n’arrive pas à le faire taire, je culpabilise et j’en veux à tout le monde de m’avoir laissé y aller seule. Nous pleurons tous les deux une partie de la nuit. Mon mari au téléphone est impuissant et je suis en colère. Je m’imagine appeler à l’aide une collègue mais n’ose pas…

De retour, le cauchemar continue. Cet enfant hurle pendant des heures, sans que je comprenne, sans que nous parvenions à le calmer. Souvent les nerfs lâchent, plusieurs fois je suis à deux doigts de commettre un geste irréparable. Et à chaque fois, la culpabilité augmente. Comment moi, la sage-femme, qui conseille et rassure toute la journée des mères, des parents, je n’arrive pas à contrôler la situation ? Pourquoi je n’arrive pas à appliquer les conseils que je donne ?!

Puis, la visite chez le pédiatre. Mon bébé n’a quasiment pas grossi depuis le mois dernier. Elle me conseille de compléter avec du lait artificiel. Je me sens dépitée, incapable d’y croire, en proie aux doutes et à la culpabilité. Je ne suis pas capable de nourrir mon bébé. Je n’ai pas compris que mon enfant qui hurle, a faim. Dans un moment de lucidité j’appelle une consultante en lactation. Le rendez-vous est pris trois jours plus tard. Dans cet intervalle, je me résous à donner du lait artificiel mais mon bébé le refuse, il ne veut rien avaler. Les mises au sein deviennent difficiles. Je pleure dès que je suis seule chez moi. J’ai l’impression que personne ne voit à quel point je me sens mal, à quel point c’est difficile. Ni mon mari, ni ma famille, ni mes amies, ni mes collègues, ni la consultante en lactation, ni ma sage-femme… Personne ne m’aide, personne ne cherche à m’écouter, personne ne m’accompagne…

La consultante en lactation diagnostique un frein de langue. Mon bébé a des difficultés à drainer correctement le sein. Pour faciliter la prise au sein nous devons lui faire couper le frein de langue et le frein de lèvre supérieure. Un premier ORL refuse, la consultante nous en conseille un autre qui accepte. Je mise beaucoup sur cette intervention. Je me dis qu’ensuite les tétées se passeront mieux et que mon bébé reprendra du poids. Seulement tout va en dégénérant. Mon bébé a six mois et nous n’arrivons pas à nous réadapter. Il s’énerve, me repousse, pleure dès que j’approche le sein. Il a l’air d’avoir compris que sa mère ne peut pas satisfaire son besoin alors que le biberon y répond mieux.

J’ai du arrêter mon allaitement et je ne m’en remets pas.

Pendant plusieurs mois je n’arrive pas à sortir la tête de l’eau. A l’extérieur, je relativise, je donne le change. A la maison, je m’effondre constamment. Mon mari est sûrement dépassé, il ne fait rien. Je n’arrive pas à appeler à l’aide et personne ne le fait pour moi.

Mon bébé a maintenant neuf mois et je suis totalement épuisée. Physiquement et moralement. Dix jours de vacances me font du bien mais je ne remonte pas totalement. Les crises de larmes, les disputes avec mon conjoint, l’hystérie, la solitude, l’envie de tout abandonner et d’en finir, la culpabilité de laisser mon enfant être témoin des états par lesquels je passe, de ne pouvoir être une bonne mère…

Presque deux ans plus tard, je crois que je vais mieux, mais je n’arrive toujours pas à mettre des mots sur ce que j’ai vécu. Et si je n’avais pas été sage-femme comment cela se serait-il passé ?

Naissance à la maison de Lucie

Par Lauranne

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Mardi 21 janvier

Je suis réveillée très vers 5h30 par une contraction. Cela fait  10 jours que ça travaille, aujourd’hui c’est peut-être le jour J. Élisa se réveille vers 6h. Elle nous rejoint dans notre lit pour téter. Elle finit par un gros câlin  à mon ventre.  Les contractions continuent. Je pense à ce moment-là que c’est pour aujourd’hui. Je réveille Fred et pars prendre mon petit déjeuner. Les contractions s’arrêtent. On prépare Élisa pour l’école.  Fred part l’accompagner. J’ai à nouveau une contraction.

J’ai réglé tout  ce qui ne pouvait pas attendre pour le travail. Fred a récupéré la nouvelle voiture la veille. Ce matin je peux m’occuper de moi, de nous. Je me mets un film. Fin du film. Plus de contractions.  Il fait un temps splendide.  Fred ne travaille pas aujourd’hui.  On décide d’aller se promener sur la Promenade. On se fait une belle ballade, mangeons au milieu un sandwich sur la plage. De temps en temps une contraction arrive. Retour à la maison, je fais une bonne sieste.

16h20, nous partons chercher Élisa à l’école et allons au jardin d’enfants avec elle. Les contractions continuent. Je me dis que ce serait mieux qu’Élisa aille dormir chez mes parents et appelle ma mère pour nous inviter à dîner chez eux le soir même.

Retour du jardin 17h30, les contractions semblent plus nombreuses et  plus douloureuses. Je décide que nous n’irons pas dîner chez mes parents. Fred amène Élisa qui est d’accord d’y aller seule et d’y rester dormir. J’appelle A, notre sage-femme vers 19h pour lui dire que j’ai des contractions assez régulières, que ça a commencé la nuit d’avant mais que là les espaces sont plus courts. Elles sont environ toutes les 8 minutes. Elle me conseille de manger un peu. Je n’ai pas faim mais écoute ce conseil.

Fred est entre temps revenu, mes contractions sont toujours aussi espacées mais un peu plus intenses. Dès que fais autre chose (manger, sortir notre pack naissance, protéger avec Fred le canapé du salon) une contraction saute.

Vers 22h/22h30, la fréquence n’a pas beaucoup évolué mais les contractions deviennent plus difficiles à gérer, je décide de prendre un bain chaud. Entre temps, échange de messages avec A. Elle me conseille d’essayer de me reposer après le bain, je lui dis qu’elle peut dormir, que j’appellerai. On convient que je l’appelle si perte des eaux ou contractions toutes les 2-3 minutes.

J’ai envie de musique, je demande à Fred de me mettre le dernier album de Stromae, le bain m’aide à mieux supporter les contractions, sous l’effet de la chaleur, les contractions s’accélèrent. Je suis le rythme des chansons. Je sors vers 23h30, les contractions sont alors toutes les 4 minutes. Je me réinstalle dans le salon. Depuis le début je sais que je veux accoucher là, à la lumière de la crèche et de la lampe à bulle rouge ainsi qu’à la lumière de la ville, dans l’intimité de la nuit.

Mes contractions sont à nouveau espacées, 10 minutes maintenant !!! Je me demande quand ça va s’accélérer ça fait maintenant plus de 6h que j’ai des contractions régulières, rien ne se passe.

Mercredi 22 janvier

Fred comment à fatiguer, je lui propose de dormir, j’éteins la télé pour me concentrer sur moi-même et essayer de dormir moi aussi. Je me dis qu’heureusement qu’A n’est pas là parce que je n’aurais pas aimé qu’elle soit là à côté pendant ce long travail.

J’essaye d’abord de me mettre couchée, mais les contractions ne sont pas gérables dans cette position bien qu’il n’y en ait que toutes les 10 minutes. Je m’assois en tailleur par terre et m’appuie sur le ballon (comme pendant le travail d’Élisa). Je suis fatiguée et fais des micro-sommeils entre chaque contraction. Petit à petit la fréquence et la puissance des contractions augmente, je continue à somnoler entre chacune, vers 2h ça devient beaucoup plus intense. Je réveille Fred vers 2h15 et lui demande d’appeler A : je n’ai pas rompu la poche des eaux, les contractions sont toutes les 4 minutes mais que je sens que maintenant il faut qu’elle vienne.

Quelques minutes seulement après cet appel, la poche des eaux se fend, les contractions s’accélèrent je me lève et change de position. Je cherche. Je commence à me mettre agenouillée en appui sur le repose-pied puis revient sur le canapé pour m’y agenouiller. Je commence à sentir le bébé descendre, A n’est pas encore là, je commence à entrevoir la possibilité que le bébé naisse avant son arrivée. Je me sens assez faible, heureusement que j’ai mangé un peu (merci A !) et grignoté des amandes tout au long du travail ! Je bois de l’eau. Fred la rappelle, elle se gare, il est 2h50. Je crois qu’elle s’installe, je ne sais pas trop, je suis dans ma bulle. Je prends le ballon, m’appuie dessus à chaque contraction, à 4 pattes sur le canapé. A un moment,  A vient pour écouter le cœur du bébé, dur de trouver quand et comment le faire. Une pause se présente, je m’agenouille pour la laisser faire. Tout va bien.

Une nouvelle contraction se présente, je reprends ma position appuyée sur le ballon. Une partie de mon cerveau cogite : quand est-ce que je vais savoir comment pousser, l’autre partie agit.

Les poussées arrivent, les unes après les autres, naturellement, sans que je n’ai quoique ce soit à penser à faire.

La partie « cogitante » de mon cerveau continue à tout analyser ce que fait mon corps : « c’est vraiment très animal », « mon corps sait quoi faire ».

Le passage de la tête dans le bassin ou je ne sais quoi est assez douloureux, je me demande ce que je fais là, est-ce que tout ce passe normalement ? Le calme d’A et sa présence discrète me rassurent. Mon cerveau arrête de réfléchir et je laisse les choses se faire. Je lâche le ballon, me redresse puis me remets à 4 pattes sur le canapé.

La tête sort, quel soulagement ! Bébé reste en suspension en attendant la prochaine contraction mais ça va déjà mieux, les épaules sortiront sans effort (je gardais un souvenir douloureux de la sortie des épaules pour Élisa), quelque chose glisse entre mes jambes. Je me redresse. Il est 3h20. Mon bébé est là devant moi, tout petit. C’est une fille, enfin je crois, je prends le bébé dans mes bras, après quelques hésitations tellement il me paraît petit. Fille, garçon on s’en fiche, je suis exténuée, heureuse mais exténuée, je n’ai plus envie de bouger mais il va bien falloir car les contractions reprennent pour la délivrance. Je profite de ces quelques minutes de repos, mon bébé contre moi. A et Fred me confirmeront que c’est bien une fille : Lucie.

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Elle est toute calme, sur moi, a juste poussé un cri à sa sortie et plus rien, elle est contre moi, se remet elle aussi de ses émotions. J’arrive à me redresser un peu pour expulser le placenta environ 1/2h plus tard, le papa coupe le cordon, il va ensuite préparer notre lit dans la chambre. Pendant ce temps Lucie a déjà trouvé le sein et tète comme une chef. A vérifie que tout va bien. Lucie ne me quitte pas. Nous nous installons en peau à peau sous la couette dans notre chambre. Quelle sérénité !! Lucie tète, elle ne pleure pas. Fred est tout ému, A s’affaire : papiers, rangements etc. telle une petite souris. Je suis bien ! A restera jusqu’au petit matin pour nous surveiller Lucie et moi.

Tous les « examens » ont été faits à Lucie sur moi, c’est Fred qui l’a posée sur la balance, les jours suivants elle ne connaîtra également que nos bras.

Élisa nous a rejoints vers midi. La rencontre entre les deux sœurs a été très émouvante. Une première co-tétée au cours de laquelle Lucie s’arrêtera pour observer longuement sa sœur. Élisa, elle, voudrait lui faire tout le temps des bisous et des câlins.

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Les jours qui suivent :

Lucie est un bébé qui pleure très peu, on l’entend seulement quand le change de sa couche dure trop longtemps et elle se calme très vite dès qu’elle est à nouveau dans nos bras ou au sein.

J’ai dû rester couchée quelques jours car j’ai eu une petite déchirure (à cause de l’épisiotomie faite pour Élisa) qu’on a choisi de ne pas recoudre pour que ce soit moins douloureux pour moi. A part ça, je me suis très vite remise, j’ai perdu beaucoup moins de sang que pour mon premier accouchement. Ce temps couchée m’a permis de profiter de mon bébé.

A a été présente quand il fallait, sa présence a été discrète, rassurante, je suis restée jusqu’au bout seule actrice de mon accouchement.

Ce choix de donner naissance à notre enfant dans l’intimité de notre foyer nous a fait vivre hors du temps quelques semaines. Les 2 semaines d’attente avant où nous sommes restés suspendus au moindre signe d’annonce de la naissance.  Pendant le travail, aucun élément extérieur n’est venu nous perturber, être dans un environnement connu était très rassurant. Après l’accouchement, nous sommes restés plusieurs jours sur un nuage de « bonheur, calme et volupté ». Tous ces éléments ont fait de cette naissance un moment magique.

Merci A de nous avoir permis de vivre ça !

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Une naissance dans la jungle

(Ou comment je me suis auto-hypnotisée pour accoucher)

Par Lise

[Un (beau !) récit d’accouchement pour commencer la Semaine Mondiale de l’Accouchement Respecté]

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Cette histoire d’autohypnose a commencé par hasard. Bruxelles, début 2012, nous serons bientôt trois, l’univers de la nouveauté infinie s’ouvre à nous.

Pour vous donner une idée, à ce moment-là, tout ce que nous avions lu était un livre grand-public qui racontait au papa que sa femme allait probablement se mettre à l’insulter et à hurler pendant son accouchement, et Futur-papa n’était même pas tout à fait sûr de vouloir être présent à ce moment-là. Quant à moi, eh ! bien, comme beaucoup de monde, j’avais juste une sorte de trouille de l’inconnu qui m’empêchait de seulement penser sérieusement à ce qui m’attendait… sans m’ôter l’envie de trouver un moyen de changer cela.

J’avais par deux fois entendu parler d’haptonomie (1) par des amies nouvellement mamans, et l’idée m’avait enthousiasmée, je suis donc partie naviguer sur Internet à la recherche d’une sage-femme proposant cette technique de préparation à la naissance (2). 6 à 8 séances de préparation en couple sont proposées (mais le coût de ce genre de préparation est toutefois notable).

C’est ainsi que voilà rendez-vous pris dans un cabinet de sages-femmes proposant, outre un suivi pour retour précoce à domicile, portage, accouchement à domicile ou en milieu hospitalier, massages pour femmes enceintes, consultation en allaitement… différents types de préparation à la naissance, tels que haptonomie, préparation globale à la naissance, préparation en milieu aquatique, et… hypnonaissance. De cette dernière, je n’avais jamais entendu parler, et cela ne m’inspirait pas grand-chose (comme tannnnt de choses qui m’ont enthousiasmée depuis), et même, je n’en ai pas parlé à mon scientifique de mari, pensant que le simple nom le ferait fuir.

C’était donc pour une préparation haptonomique que j’ai pris le premier rendez-vous. Je ne vous parlerai pas de celui-ci ici car ce n’est pas le propos, mais juste pour en dire un mot, nous en sommes ressortis enthousiasmés, et cela nous a énormément apporté tout au long de ma grossesse, par la manière nouvelle dont, après cela, nous avons su entrer en contact, ensemble, avec le bébé.

Mais après cela, la seule sage-femme du cabinet (appelons-la Sarah) ayant des disponibilités convenant à nos horaires n’étant pas formée à l’haptonomie mais à l’hypnonaissance, et nous ayant paru sympathique au premier abord, nous avons décidé d’essayer cette dernière.

Elle a commencé par nous expliquer dans le détail la physiologie, les étapes et le déroulement de l’accouchement. Ainsi, nous avons eu accès à des schémas de l’utérus présentant les différents muscles et leur action, à une courbe représentant la durée et la fréquence des contractions de manière à avoir notion de leur caractère non-anarchique et de la possibilité de se reposer entre deux d’entre elles, à un tableau représentant les multiples positions possibles selon les moment du travail, à une description des différentes phases de l’accouchement, à une liste des questions à poser au gynécologue, à des aides pour rédiger un projet de naissance, à une masse de conseils pour le papa sur la manière dont il pourrait aider sa compagne, à des articles  parlant d’épisiotomie, de péridurale… Bref, à une véritable information nous permettant de savoir ce qui nous attendait de manière avisée, confiante et paisible, et d’opérer à des choix.

Durant la deuxième partie des séances, nous avons appris ensemble à respirer efficacement « par le ventre », à nous relaxer profondément, à nous ancrer dans un lieu imaginé. Il a été montré à Futur-papa comment m’aider à accéder à l’ancrage en posant sa main sur mon épaule, à me masser, m’effleurer, m’apaiser, des gestes qui soulagent. Et puis, nous nous sommes vu confier un enregistrement conduisant à la relaxation, que j’ai utilisé jour après jour tout au long de la suite de ma grossesse, trouvant dans cet exercice un repos et un soulagement importants. De plus en plus rapidement, je pouvais, en l’écoutant, m’apaiser, me détendre, souvent m’endormir. Futur-papa, quand il était là, trouvait le même effet. Eh ! non ! Pas de pendule, pas d’yeux qui tournent, pas de murmures étranges… l’hypnonaissance, c’est seulement le fait de se détendre profondément, d’enlever toute tension et toute peur, de se relaxer. Ca marche donc même sur les scientifiques !

Enfin, lors de la troisième partie des séances, nous nous sommes vu offrir des explications sur l’allaitement (avec poupon à l’appui pour tester les différentes positions !) et quelques précisions sur les difficultés possibles. Nous avons eu un cours sur la manière de donner le bain au nourrisson, enveloppé dans un lange, et sur la réalisation de cet enveloppement pour l’apaiser en toutes circonstances, ainsi qu’une démonstration de massages pour soulager les douleurs au ventre du nouveau-né, quelques explications concernant le portage, et même une discussion sur la manière de réagir et de répondre aux pleurs du nouveau-né (eh ! oui, ça pleure un bébé, et se préparer même à cela ôte quelques surprises angoissantes…)

Beaucoup de choses dans notre vision de la parentalité à deux ont changé grâce à ces renseignements concrets. Nous faisions les exercices ensemble, et ensemble nous constations comme cette méthode de relaxation nous apportait de nouvelles sensations… Premièrement, cela nous a rapprochés en tant que couple, deuxièmement cela nous a rassurés en tant que futurs parents. C’est ainsi que ma préparation à l’accouchement nous a également ouvert la porte du parentage proximal…

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Et nous voilà à Nice, fin septembre, le jour de la DPA pile poil, 4 heures du matin. Il fait encore sombre quand je me réveille. Cela fait plusieurs nuits que je ne peux pas dormir à cause de contractions assez fortes et répétées, mais cette fois-ci, elles deviennent rapidement bien plus intenses ; je commence à penser qu’enfin, là, c’est peut-être ça. Je suis très calme. A Bruxelles, Sarah m’avait expliqué que le plus confortable était d’attendre le plus longtemps possible chez soi jusqu’à-ce que les contractions arrivent environ toutes les 3 minutes depuis environ 2 heures. Oui, cette fois, c’est sûr, ce doit être le début de mon accouchement, voilà véritablement les « vagues » que l’on m’avait décrites, leur fréquence et leur intensité continue à croître, croître… Mon souffle devient court, il s’écoule bien moins de 10 minutes entre deux contractions, il est 8 heures déjà, la douleur me fait vomir. Sans bruit, dans la nuit pas encore tout à fait levée, je retourne me coucher et mets en marche le fameux enregistrement sur lequel, depuis plusieurs mois désormais, je m’entraîne à atteindre cet état de relaxation profonde, celui qu’on appelle autohypnose. Peu à peu, tout s’apaise en moi, je regarde les montagnes que j’ai décidé de mettre dans ma tête, hautes, blanches, silencieuses, tranquilles et somptueuses. Je me rendors. Oui, pendant deux heures, à nouveau, je dors. A deux reprises, une contraction plus forte me fait me relever d’un bond, mais je réussis à m’apaiser à nouveau et à entrer dans le sommeil. A 10 heures, j’ai faim, et puis je sais qu’on ne me laissera pas manger ni boire plus tard, à l’hôpital (l’anesthésiste de l’hôpital me l’a dit, même si à Bruxelles, ça aurait été différent). C’est parti pour une platée de coquillettes (que je toucherai à peine, vomirai, et qui restera sur la table pendant plusieurs jours ensuite !) Quand les contractions deviennent insupportables, je vais sous la douche, et l’eau chaude me soulage un peu. Je respire profondément. Il faut songer à partir. Il est midi, cela fait longtemps que les vagues sont fort proches l’une de l’autre. La voiture, ce n’est pas très agréable, attendre dans le garage bondé que futur-papa fasse un parking parfait avec un millimètre de chaque côté de la voiture non plus. Et puis il faut encore marcher, se prêter aux analyses et aux longues questions des infirmières à l’accueil, qui n’ont pas l’air de bien croire que ce soit vraiment « le moment »… Respirer profondément, lentement, que l’air descende en chaque partie douloureuse du corps et la détende, tandis que la douleur se fait plus intense, plus aiguë, plus générale, plus grande que le corps lui-même…

Nous voici en salle de travail. Je donne mon projet de naissance à la sage-femme qui va s’occuper de moi. Je ne la sens pas très enthousiaste, et elle le commente, la moitié de mes requêtes bénéficiant d’un « ça va de soi », l’autre d’un « ce n’est pas possible »… Ce qui est sûr, c’est que j’ai envie qu’on me laisse tranquille, dans le calme, la pénombre et le silence, seule avec Futur-papa, qui, mis à part le temps d’un petit sandwich, sera toujours à mes côtés, et cela sera assez respecté. Nous jouons à regarder la courbe du monitoring, monsieur le scientifique essaye de comprendre comment ça marche (mal, ça marche mal, ça sonne sans arrêt parce que ça s’est déplacé). Je reprends mon enregistrement d’hypnonaissance, et il s’émerveille sur la manière dont les contractions se font aussitôt plus intenses tandis que je deviens calme et que la douleur s’apaise un peu. Je perds les eaux. Libérée du monitoring obligatoire, je vais du ballon aux bras de Futur-papa, d’agenouillée à accroupie, penchée, droite… Je passerai la majeure partie du temps assise sur le ballon, le buste soutenu par Futur-papa, qui me tient, me retient, me soutient, la 7e symphonie de Dvorak nous accompagnant… Je n’ai plus guère de répit entre deux « vagues ». Je meurs de soif, j’ai faim, je commence à trembler, je n’ai plus de forces, je… demande la péridurale. Je suis un peu déçue, j’aurais aimé faire sans, mais son éventualité est comme une bouée de secours. Et puis la sage-femme a dit qu’il y en avait encore pour 5 heures au moins. On m’allonge, on fait sortir Futur-papa, on me palpe le dos, l’anesthésiste me parle musique et voyage, j’ai envie de lui dire « shut, j’accouche, là ! Vous ne voyez pas ? », mais je suis trop bien élevée, et je me contente de fermer les yeux et de contempler mes montagnes. Une sensation nouvelle s’empare de moi. Les contractions vont plus loin encore, mais elles sont différentes. Je le dis. Je crois que le bébé veut sortir. On rappelle la sage-femme, on me dit que oui, c’est peut-être le moment, je réponds que non, la sage-femme m’avait dit qu’il y en avait pour encore longtemps, on me répond que oui, mais non, là, c’est la sage-femme elle-même qui me parle. J’entrouvre un œil : c’est vrai, tiens, c’est elle. Je respire à fond. Je sais que j’entre dans la phase d’expulsion, telle qu’elle m’avait été expliquée par Sarah. Je sais ce qui se passe en moi et ce qui va arriver. Je me sens mieux. Je respire. J’ai repris le contrôle. Je vais y arriver. Je me répète une fois de plus cette idée que, dans 24 heures tout au plus, ce sera fini, et qu’un jour est si bref, par rapport au souvenir à venir, qui me fera sembler ce moment si loin pendant si longtemps. J’annonce que je préfèrerais qu’on ne me fasse pas de péridurale finalement, je suis vraiment, vraiment désolée d’avoir dérangé tout ce monde pour rien, mais… Tout le monde quitte la chambre. Futur-papa revient, ouf ! Nous sommes à nouveau dans la pénombre, lui et moi dans mes montagnes, lui et moi dans le calme, lui et moi, et le bébé qui arrive lentement. Nous remettons mon enregistrement d’hypnonaissance en marche, et soudain, je repars. Loin, là où la douleur n’envahit plus de pointes aigues et brûlantes mon corps et ma tête, là où je peux respirer. Futur-papa m’effleure le bras comme Sarah le lui a enseigné. Toujours il garde un contact physique avec moi. Je suis au bout de l’univers, mais pas seule. Le temps n’a plus d’emprise sur moi. Futur-papa me dira plus tard que la sage-femme et son assistante présente échangent des sourires en entendant mon enregistrement (oui, oui, c’est vrai, ça fait marrer, en fait, les «Libérez votre corps pour qu’il se mélange au vert et sentez-vous complètement en harmonie avec la nature » sur fond de musique New-age, vu de l’extérieur…, et j’avais clairement le sentiment d’être l’allumée de service qui arrive avec son projet de naissance et ne veut rien faire comme tout le monde), mais elles me laissent faire. Jusqu’à l’expulsion. Soudain, c’est le moment. Fini Dvorak, adieu hypnonaissance, je suis brusquement envoyée au milieu d’une compétition sportive, probablement d’escalade, au milieu des huées m’enjoignant de dépasser la fameuse limite des dix mètres, celle au-delà de laquelle je commence habituellement à avoir les jambes qui flageolent, à grand renforts de « Allez-y, allez-y, jusqu’au bout ! On respire, et… on y va, allez, sans s’arrêter, jusqu’au bout, jusqu’au bout ! », et de souffler comme des trains en encourageant Futur-papa à faire de même. Je n’ai pas envie ici de m’attarder sur les autres commentaires stressants et semi-menaces (3), ni même sur mes sensations. Physiquement, j’ai atteint depuis longtemps la limite de ce que les mots savent décrire. Mais dans ma tête, toujours le calme absolu, et ni la pression de la sage-femme ni l’effort intense n’y peuvent rien. Je sais ce qui se passe, je sais que cela marche, et je sais que cela s’arrêtera.

Et en effet, arrive le moment où ELLE est là. Il est 17 heures. Elle est aspirée malgré mes requêtes, et je me tortille pour ne pas la lâcher un instant du regard, « rendez-la-moi… » mais cela ne dure qu’un instant, et elle revient contre moi. Ma toute petite. Les yeux grands ouverts, s’accrochant à mon sein, blottie comme si là toujours avait été sa place, comme si elle avait été moulée au négatif de ma poitrine, tiède, douce, aussi calme et tranquille que moi. Nous nous regardons, tous les trois. Nous avons réussi. Une larme. Le temps ne reprend pas son cours : j’ai déjà l’impression qu’elle est là depuis toujours…

Respectant mon souhait, deux heures plus tard, le personnel me transportera dans ma chambre toujours allongée contre mon bébé, et on me laissera là aussi longtemps que je le souhaiterai. Jusqu’à-ce que son Devenu-papa la prenne à son tour tout contre lui, puis, qu’à regret, nous l’habillions pour la nuit, que nous passerons tous les trois seuls dans notre chambre d’hôpital. Seuls comme une famille toute neuve. Seuls dans notre bulle de bonheur.

Epilogue

Pendant les mois suivants, nous continuâmes à utiliser l’hypnonaissance assez fréquemment. Je continuais à m’endormir en me relaxant en écoutant mon enregistrement, et Bébé-Loutre semblait également apaisée. En ce qui concerne les techniques d’effleurement, d’ancrage et de massage qui avaient été enseignées à Devenu-papa, il les utilisa à bon escient pour me soulager lors de mes débuts douloureux d’allaitement. Pour finir, je ne peux m’empêcher d’être convaincue que toute cette préparation et cette naissance avec l’hypnonaissance ne sont pas tout à fait étrangères à la manière dont notre petite fille est paisible et éveillée… En effet, depuis ses premiers instants, nous l’avons trouvée calme et tranquille, et puis nous l’étions aussi, et je crois que nous nous sommes renvoyés les uns aux autres cette paix rassurante comme un cercle vertueux. (4)

En conclusion, j’ai envie de dire que, plus que tout, il est à mon avis primordial que les femmes, que les couples, soient préparés à la naissance, et cela principalement dans le sens « informés ». Savoir exactement ce qui se passe physiologiquement, ce que cela produit comme sensation, ce qui va suivre. Je pense à quelle panique cela peut causer, que d’aller de surprise en surprise, ne pas savoir si c’est « normal », si « ça va aller », si on va « y arriver », si la douleur va continuer à monter à l’infini sans aucun répit, si… Informés aussi qu’ils peuvent soumettre des projets de naissance, informés que la « voie standard » toujours présentée dans les films et que l’on vous propose d’emblée n’est pas la seule possible, informés qu’ils peuvent demander autre chose, informés que la manière dont on met au monde son enfant est le premier choix que l’on fait pour lui, et pas le moins important… et qu’on devrait avoir le droit de l’effectuer en connaissance de cause.

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1) http://www.haptonomie.org/fr/espace-public/accompagnement-haptonomique-pre-et-postnatal.html

http://www.haptonome.be/haptonomie-grossesse.htm

2) Et en tapant « haptonomie Bruxelles », c’est vrai que l’on tombe sur un nombre de réponses assez important…

3) Je n’avais envie de parler ici que des côtés positifs de cette naissance, mais je ne voudrais pas non plus avoir l’air d’idéaliser tout ce qui s’est passé. J’ai accouché au CHU, peu après notre déménagement dans cette ville que nous ne connaissions pas, loin, donc de la gynécologue et de la sage-femme qui avaient suivi la majeure partie de ma grossesse. Et, puisque nous parlons d’accouchement respecté, force est pourtant de mentionner un extrait de ce que je n’ai pas perçu comme tel (un jour, peut-être, pourrais-je écrire le pendant que j’intitulerais « comment j’ai ressenti mon accouchement comme pas été tout à fait respecté » !). Ainsi, le rendez-vous avec le gynécologue du CHU pour le dernier bilan, alors que je lui parle timidement de projet de naissance : « Autrefois, les parents faisaient des enfants plus jeunes et ne se posaient pas tant de questions. Je ne vois pas pourquoi vous vous compliquez tant que ça la vie. Nous savons faire des accouchements. Et puis, croyez-moi, tout ira bien, les problèmes, vous les aurez pendant les 25 années qui vont suivre. », et, riant : « Ce n’est même pas votre enfant, que vous faîtes naître, mais celui de la société. C’est pour cela qu’il faut d’ores et déjà se plier aux protocoles » (sic !)

En ce qui concerne la salle de naissance, quelques phrases telles que « Votre femme ? elle veut avoir mal, eh ! bien elle a mal ! », ou « Si vous acceptiez l’épisiotomie, votre bébé serait déjà là », « Si vous ne poussez pas plus fort, votre bébé ne va pas bien aller »… n’ont pas été non plus tout à fait dans le sens de ce que j’attends d’un « accouchement respecté ».

Mais l’idée et le souvenir généraux que je veux garder de cette naissance sont tout de même,  grosso modo, ceux d’un beau souvenir paisible. En me laissant partir, c’est d’ailleurs ce qu’a dit la sage-femme : « Vous voyez, j’ai bien respecté votre projet de naissance », et, oui, elle avait fait des efforts, et je suis convaincue que c’est un bon début, dont je veux donner une image globalement positive.

4) Il ne s’agit, une nouvelle fois, pas de tout idéaliser ! Oui, il y a eu des « coliques » provoquant des heures de hurlements le soir, oui, il y a eu des difficultés à mettre l’allaitement en route, oui, des problèmes de santé et une grande fatigue, oui, des tas de questionnements sur que faire et comment le faire… Je veux seulement dire que tout cela n’a pas causé de panique et que, malgré tout, de manière générale, nous avons pu préserver notre « bulle de bonheur » malgré les incidents que nous savions normaux.

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Quelques sources :

http://hypnonaissance.eu/accueil.html

http://www.hypnonaissance.com/

http://douce-naissance.com/philosophie/

Livre : HypnoNaissance, la Méthode Mongan (disponible dans notre bibliothèque) : brève histoire de l’accouchement, préparation, techniques de respiration, techniques de relaxation, descriptions et explications sur l’accouchement. Un livre dont la lecture rassure et donne de bonnes pistes pour un accouchement paisible. A lire avec assez de recul pour ne pas s’arrêter aux affirmations un peu allumées, au ton de supériorité et de critique envers le reste, à la très mauvaise traduction de l’américain…

Livre : Pour une Naissance Heureuse, d’Isabelle Brabant (disponible dans la bibliothèque)

Livre : Préparer son accouchement, aire un projet de naissance, Sophie Gamelin-Lavois (disponible dans l bibliothèque) : une bonne liste d’informations à avoir afin de choisir ce qui nous semble important et d’en informer l’équipe médicale. L’ouvrage ne donne malheureusement pas de conseils de rédaction, mais à venir prochainement ici un article sur le projet de naissance.

 

Se faire opérer du sein en cours d’allaitement ? Oui, c’est possible !

Par Vicky

[Nous sommes très honorées de partager avec vous le témoignage que nous a offert Vicky. C’est un texte très fort et très nécessaire en ce qu’il apporte d’informations, mais aussi de volonté et de persévérance. Un grand merci à elle.]

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Fin avril 2013, alors que j’étais enceinte de 7 mois et demi, je découvre une petite boule sur mon sein gauche. Le cœur battant à toute allure, je file à ma maternité pour voir un gynécologue. Cela n’a pas l’air bien grave mais faites une écho quand même. L’échographie donne quelques indications qui me conduisent à faire une ponction pour effectuer une biopsie. Tumeur phyllode, une tumeur du sein très rare, bénigne à priori, mais qui nécessite une opération dans des délais brefs, car elle a tendance à devenir agressive. Et puis tant qu’on ne l’a pas enlevée et toute biopsiée on ne peut être totalement sûrs que ce n’est pas un cancer.

Tous ces examens se sont passés en dehors de la maternité, c’est une amie gynécologue qui m’a guidée. J’ai transmis les résultats à la maternité et j’ai attendu le verdict. Une médecin m’a appelée. C’était un mercredi. Elle m’a dit : « nous avons discuté de votre cas ce matin et nous vous proposons de vous déclencher la semaine prochaine, on vous opérera un ou deux jours plus tard. Par contre il n’est pas question d’allaiter car si vous avez votre montée de lait, on ne pourra pas opérer. Vous ferez une tétée de bienvenue et après on vous donnera des médicaments pour arrêter la montée de lait. » Je me suis effondrée, je me suis mise à pleurer, au téléphone. « Mais vous savez, allaiter c’est trop important pour moi, ça me tracasse ce que vous me dites ». « Moi ce qui me tracasse c’est votre tumeur madame, vous avez une chance sur trois d’avoir un cancer, on ne peut pas attendre. Prenez un deuxième avis si vous le souhaitez et appelez-nous lundi pour nous donner votre réponse ». Autorité médicale, peut-être la forme d’autorité que je déteste le plus…

Ce n’est pas le moment de pleurer, je prends mon téléphone, je trouve les bons interlocuteurs et j’arrive un choper un rendez-vous pour vendredi avec le super spécialiste du cancer du sein pendant la grossesse à Paris ! Jeudi, la même médecin (à qui l’on n’a pas expliqué que tout n’est pas bon à dire au téléphone) laisse un message sur mon répondeur : « nous avons décidé de vous déclencher lundi finalement parce qu’après on tombera sur le week-end pour votre opération et ce sera plus compliqué. Venez demain matin en discuter avec le chef de service. » Deuxième effondrement.

Le lendemain matin je vais à mon rendez-vous avec mon super spécialiste, avant d’enchaîner avec la maternité. Il est rassurant, il pense que je ne cours aucun danger imminent, que je peux accoucher normalement, quand mon bébé sera prêt, que je pourrai allaiter un mois et refaire une écho. Si la boule a grossi, arrêt de l’allaitement et opération. Sinon je peux prendre encore un petit mois pour allaiter. Et après basta. Je suis heureuse, je pourrai allaiter ! Peut-être un seul mois, ou deux mais c’est mieux que rien, j’en suis ravie. J’explique tout ça à la maternité, pas de problème, on fait comme vous le sentez.

J’accouche, j’ai un beau bébé, un magnifique bébé qui tète très bien, qui grossit comme il faut, même plus. Et la fin prochaine de l’allaitement me travaille, me frustre, ne me laisse pas pleinement en profiter. Ce n’est pas l’opération qui me tracasse, ce n’est pas l’éventualité d’un cancer, c’est la fin de l’allaitement. Je me rends bien compte que ce n’est pas normal mais c’est ainsi que je vivais la chose. Je n’ai pas envie de sevrer mon bébé, du coup je commence à négocier avec mon médecin : « et si je n’arrêtais pas d’allaiter ? » « Ce n’est pas possible, vous ne pourrez pas cicatriser, il y aura du lait qui coulera, vous vous infecterez et on devra vous re-ouvrir. » Oui, mais je n’ai quand même pas envie de m’y plier. En plus je sais que les médecins, aussi compétents soient-ils dans leur domaine, ne s’y connaissent pas bien en lactation et allaitement. Alors je m’adresse aux spécialistes : consultante en lactation, Leche League de ma ville, Docteur Marie Thirion. Oui, vous pouvez sevrer d’un seul sein, c’est possible.

Le premier mois est vite passé, l’heure du verdict est arrivé : la boule a doublé de taille, il faut opérer au plus vite. Je programme l’opération trois semaines plus tard (fin août) pour pouvoir partir en vacances et avoir le temps d’arrêter le lait au sein gauche. Il a eu sa dernière tétée de ce côté-là dans la salle d’attente du cabinet d’échographie.

Ça a été long et un peu compliqué mais ça a marché ! Il y avait toujours un peu de lait qui sortait du sein gauche mais je trouvais que c’était négligeable. Mon chirurgien a été très surpris d’apprendre (juste avant de m’endormir) ce que j’avais mis au point ! Mais il m’a opérée quand même !

Le jour de l’opération j’ai dû tirer mon lait et le jeter pour éliminer les produits anesthésiques. Le soir j’ai allaité mon fils. Il a dix mois aujourd’hui et je l’allaite toujours ! Le chirurgien avait raison sur toute la ligne : du lait a coulé par ma cicatrice pendant deux mois et j’ai eu une infection. Mais elle a été facilement traitée par antibiotiques et, finalement, deux mois et demi plus tard le « petit trou » s’est refermé. Et en plus ce n’était pas un cancer !

Si j’ai souhaité livrer ce témoignage c’est parce que, d’une part, je n’ai réussi à trouver aucune information sur le net pendant la période de mes interrogations sur la possibilité de se faire opérer du sein tout en étant en cours d’allaitement, et, d’autre part, parce que j’ai rencontré énormément de résistance de la part du corps médical et de mon entourage vis-à-vis de mon envie de continuer d’allaiter malgré tout. Les médecins ne voulaient pas prendre de risque et ma famille s’inquiétait. Mais moi j’avais la certitude que c’était possible, il me fallait juste un petit coup d’encouragement par les gens qui sont compétents en allaitement et lactation. Et je l’ai trouvé.

Si je livre ce témoignage c’est pour vous dire : cherchez l’information là où vous pouvez la trouver, ne vous pliez pas à l’autorité médicale, nous avons aujourd’hui énormément de moyens d’information, n’en déplaise aux médecins. Si je les avais écoutés j’aurais allaité un mois au mieux, pas du tout au pire. La question n’est pas « allaiter ou pas », mais disposer de son corps et de sa vie.

Merci beaucoup à Véronique Darmangeat, consultante en lactation dans la région parisienne, à Alice de la Leche League du 92 et au docteur Marie Thirion de m’avoir renseignée, encouragée et soutenue, ainsi qu’à mon fils Aris de m’avoir motivée et confortée dans ce choix.

Je ne frappe pas ma fille

Par Ariane

[Nous accueillons ici le témoignage d’Ariane sur la non-violence éducative. Grandissons est tout à fait réceptive à ce genre de choses : cet espace est aussi une tribune, n’hésitez pas à nous contacter si vous voulez partager vos textes.]

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Je ne frappe pas ma fille parce que je ne vois pas pourquoi je la frapperais. Parce que je ne peux concevoir qu’on aime et qu’on frappe. Parce que je trouve que la violence n’est jamais une solution, et qu’on n’éduque pas avec la violence. Je me trouverais bien bête d’expliquer à ma fille qu’on ne tape pas après lui avoir collé une fessée. Je ne pourrais pas supporter de voir dans ses yeux l’incompréhension, l’injustice, la douleur. Je ne supporterais pas qu’elle ait peur de moi.

Je respecte ma fille. Je pense qu’élever un enfant, ce n’est pas le façonner, le réduire, le maintenir, le diriger. Je conçois la parentalité comme un accompagnement, et le parent comme un guide. Je suis d’abord là pour protéger ma fille. Je ne pense pas que cela soit compatible avec la violence.

On ne frappe pas un animal ou un adulte, pourquoi frapper un enfant qui est vulnérable, qui ne mesure pas ses actes, qui doit passer par quantité d’étapes et de degrés de conscience, et qui a besoin d’affection, de confiance, d’explications, de respect ?

Au-delà de cet aspect-là, de la dimension inique qu’a pour moi la violence « éducative », il y a tout simplement cette réalité-là : elle ne fonctionne pas. Les fessées, gifles et autres défoulements parentaux ou preuves de domination, n’ont pour effet que de susciter un trouble mental chez l’enfant : on peut m’aimer et me frapper. Cela a pour résultat de casser l’empathie, réfréner l’expression saine de ses sentiments et de ses émotions, d’obéir non par raison mais par peur du châtiment, de ne pas respecter mais craindre ses parents, de perdre confiance, de se blinder, et de se détester soi-même puisque les parents ont toujours raison et que s’ils le frappent, c’est bien qu’il est mauvais.

Les enfants qui n’ont pas été victimes de VEO (Violence Educative Ordinaire) n’en feront pas usage avec leurs propres enfants. La VEO est un modèle atavique d’éducation qui n’est reproduit que parce qu’il a pénétré profondément nos habitudes. Pourtant, on peut raisonnablement penser que des siècles de violence n’ont pu qu’être encouragés par l’intégration de la violence dès le plus jeune âge, l’acceptation de cette violence comme expression des émotions, comme punition, comme moyen de communication. Les zones de la planète où on constate le plus de violences, de guerres, de génocides, de guerres fratricides, sont aussi celles où la VEO fait partie du paysage éducatif, où elle est courante, normalisée, et même encouragée.

Je n’ai jamais eu envie de frapper ma fille de deux ans et demi. Je me mets en colère parfois, quand elle me résiste, quand elle ne veut pas mettre ses chaussures ou s’habiller, quand elle renverse dix fois son verre d’eau. Mais quand ça m’arrive, je fais une petite pause et je me rappelle qu’elle a deux ans et demi, qu’elle ne fait pas ça « pour m’embêter », qu’elle est tout simplement trop petite pour en avoir les capacités neurologiques, qu’elle éprouve ses capacités et son univers, que son cerveau est en pleine évolution, qu’il s’y créent plus d’un million de synapses par seconde, que me mettre en colère n’aura absolument aucun effet positif et qu’il vaut mieux lui expliquer calmement pourquoi j’aimerais qu’elle mette ses chaussures/s’habille/se dépêche/arrête de renverser son verre. Je me rappelle que ce n’est pas contre moi qu’elle fait des « bêtises », c’est parce qu’elle n’a pas le choix : elle a deux ans et demi. C’est une enfant. Elle apprend. Si on lui met une gifle, soit elle refera cette bêtise parce que ça fait partie de son développement normal, soit elle ne le fera plus mais par peur de la baffe. Et je remarque tous les jours avec ma fille qu’on peut résoudre les problèmes sans crier et sans violence, mais en expliquant, en négociant, et que les enfants apprennent plus vite et plus simplement quand ils ne se sentent pas menacés. C’est beaucoup plus efficace. N’attendons pas de nos enfants ce qu’ils ne peuvent pas nous donner. Les recherches neurologiques sur le développement de l’enfant nous démontrent qu’étant en évolution constante, ils acquièrent de nouvelles capacités au fur et à mesure, et qu’il y a beaucoup de choses qu’ils sont incapables de faire quand ils sont petits.

On oublie que nos enfants sont exactement cela : des enfants. Pas des adultes en miniatures. Ils n’ont pas le même cadre de référence que nous, la même perception du temps, de l’espace, l’expérience que nous avons.

Je vois des parents gronder leurs enfants parce qu’ils gigotent sur leur siège dans le tram, s’impatientent dans un supermarché, veulent mettre le pull vert au lieu du rouge : mais ça, nous le faisons aussi, et personne ne vient nous engueuler ou nous baisser le pantalon pour nous claquer les fesses. La plupart des parents que j’observe dans les lieux publics crient, stressent leurs enfants, les tirent, les poussent, les grondent, les frappent, les humilient. Leurs enfants ne font jamais rien de bien, jamais « comme il faut », sans la plupart du temps comprendre ce qu’ils ont fait de mal. Les parents leur parlent avec rudesse, mépris, « tu vas t’en prendre une, descends de là tout de suite, reste tranquille, dépêche-toi, bouge de là, tu m’énerves, tu vas y aller oui ?! » J’en ai même entendu dire « arrête de faire l’enfant ». Tout est dit. J’ai envie de leur demander pourquoi ils ont fait des enfants, et leur conseiller la prochaine fois d’adopter directement un adulte qui lui se conduira peut-être comme ils désirent. Ces enfants, stressés en permanence, et qui plus est collés devant des écrans, les yeux plein d’images ultrarapides, les oreilles remplies de sons agressifs, de publicités… Je ne suis pas étonnée une seconde de voir ces enfants devenir des adolescents agressifs, violents et qui ne remettent rien en question dans le monde qui les entoure : on n’a pas écouté ce qu’ils avaient à dire, on ne leur a pas expliqué, on n’a pas respecté leur personne.

On les a modelé-e-s : les garçons d’un côté, les filles de l’autre, ce qui est en soi une forme de violence puisqu’elle consiste à nier la personne, en imposant des activités, des jeux, des habits, et même des caractères et des sentiments à un enfant en fonction de son sexe.

On voudrait que nos enfants soient toujours « sages », qu’ils se laissent faire, qu’ils aillent où on les envoie, au gré de nos envies, et sans jamais rien en dire. Toute expression personnelle de l’enfant est taxée de caprice, un mot fourre-tout qui ne veut rien dire et qui permet de réduire la volonté de l’enfant à une intention de casser les pieds des parents.

Pour beaucoup de parents, éduquer consiste à dompter. Je pense, moi, qu’il suffit d’écouter son enfant, de le reconnaître comme une personne, mais avec des besoins particuliers, de le respecter, pour que l’éducation soit un accompagnement, et que les rapports parents-enfants soient beaucoup plus simples et agréables. Mais il faut pour cela déconstruire un schéma de pensée toxique qui s’impose à nous comme une évidence, comme il en existe tant. Mais je crois que l’évidence est là : si on veut un monde avec moins de violence, moins de stress, plus de respect et de sérénité, il faut commencer par chez soi, et commencer par les adultes de demain : nos enfants.

Caresse la cheville, et le bébé s’endormira !

 Par Andrea

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D’habitude, c’est vrai, c’est plutôt Maman-loutre qui couche bébé-loutre. Une routine prise vers les débuts de bébé, et qui fonctionne trop bien pour être changée volontairement.

Mais il y a des soirs où ma femme n’est pas là… – enfin, des soirs où le sein de ma femme n’est pas là-et où je reste seul avec la petite loutre. Que faire ?

Option 2 : ne jamais rester seul avec bébé qui ne dort pas… mais quel dommage, pensé-je depuis que j’y ai goûté !

Option 1 : attendre que le sein rentre à la maison en gardant bébé éveillée. Mais mon orgueil de père m’encourage à montrer que je peux être aussi celui qui endort !

Mais que fais-je, alors ?

Après lui avoir donné son bain habituel et avoir joué avec elle au bateau (mais pas trop, pour ne pas que nous nous excitions trop avant de dormir), puis lu une petite histoire, nous allons tous les deux dans nos lits, elle le sien et moi le mien, collés l’un à l’autre, et nous nous allongeons. Alors arrive le moment critique où je dis « Stella, maintenant, il faut dormir ! » Alors, elle regarde autour d’elle, elle trouve son doudou, mais… pas son sein. Brusquement, elle commence à pleurer, désespérée.

Doucement, je l’aide à se rallonger et je commence à lui caresser le visage, en chantant ou en lui parlant doucement pour lui dire que je suis près d’elle et que je resterai avec elle jusqu’à-ce qu’elle s’endorme. Peu à peu, je descends,  lui fais de petits cercles sur le ventre, puis les jambes, et jusqu’aux pieds.

Normalement, ses pleurs s’estompent peu à peu, mais à peine j’interromps mes caresses, elle reprend ma main pour que je continue. Puis, ses sanglots cessent, et elle s’endort, ce que l’on remarque à ses ronflements. Je lâche alors sa cheville, et, sur la pointe des pieds et sans bruit, je quitte la chambre – en souhaitant que le chat n’arrive pas en miaulant, ce qui ne manquerait pas de faire recommencer le processus da capo.

Total du temps nécessaire en moyenne : 20-40 minutes, que je passe près d’elle, lui parlant, m’endormant un peu moi aussi. (Mais il faut bien admettre que son temps d’endormissement en tétant n’excède pas 10 mn…)

Morale de l’histoire : endormir ma fille est possible, agréable par l’échange et nous permet de passer un beau moment ensemble, mais… ça prend du temps !

Amélioration possible : me faire installer une paire de seins !