Compte-rendu de la conférence d’Isabelle Filliozat

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Par Marie

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Grandissons était partie le  5 Avril 2014 à St Raphaël voir la conférence d’Isabelle Filliozat organisée par l’association Bébé En Conscience (que l’on remercie (1) au passage pour cette très bonne idée). On vous avait promis un résumé, le voici !


Les questions du public, voici bien une des choses ennuyeuses dans les conférences. : si c’est pendant, ça peut vite être le bazar, si c’est après, peu de personnes peuvent s’exprimer… Pour remédier à ce problème, Isabelle Filliozat nous propose de nous mettre par groupes de six et de produire une question par groupe. Elle tirera ensuite trois questions générées par le public et construira son intervention autour de celles-ci.

 

Première question : « Que faire lorsque l’enfant réagit négativement à une contrainte ? »

Elle interroge sur la réelle nécessité de poser des contraintes. Il s’agit de faire la différence entre une chose essentielle pour la santé (par exemple se laver ou se brosser les dents) et une demande du type « ranger les jouets » qui n’ont pas la même importance. Nos enfants ne sont pas particulièrement en désaccord avec ce que nous leur demandons, c’est plus souvent la forme qui leur déplaît. L’enfant a besoin, comme l’adulte, de se sentir avoir une prise sur les choses, et de faire fonctionner son libre-arbitre : « Je vais vous dire un scoop : un enfant de deux ans et demi, c’est déjà un humain ! ».

Isabelle Filliozat nous décrit une situation type : « On sait que certaines choses ne fonctionnent pas, on le fait quand même… On lui dit « mets tes bottes », il dit non et pourtant, la fois suivante, on lui redit « mets tes bottes ». […] L’enfant ne refuse pas véritablement de mettre ses bottes, il a juste envie de le décider par lui-même. » Elle suggère de dire un seul mot. Ici : « bottes ». L’enfant va mettre en marche une réflexion qui va l’amener à se dire en lui-même « tiens, oui, il faut que je mette mes bottes », ce qui le rend sujet et non objet de la situation. Elle illustre son propos en parlant de son fils adolescent qui est ainsi beaucoup plus réceptif à ce genre de demande : par exemple, l’envoi d’un SMS « douche » fonctionne bien ! [rires dans la salle]

Isabelle Filliozat nous demande ensuite quand est « l’âge du non ». Elle fait référence au chapitre sur « le non des parents » dans son livre J’ai tout essayé ! (vers les 1 ans de l’enfant) et à l’intérêt d’employer le mot stop plutôt que non.

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Deuxième question : « Un enfant de 4 ans et son petit frère de 2 ans : pourquoi le grand continue t’il de taper alors qu’il parle et qu’il est capable d’exprimer ses émotions ? »

Est-ce un problème de limites non posées ? Si l’on écoute les conseils de la voisine (ou de certains psy cathodHics), il est essentiel de « poser des limites ». Selon Isabelle Filliozat, poser des limites, en particulier au moment de la crise elle-même revient à vouloir poser un couvercle sur une casserole de lait qui bout. Or, il vaut mieux éteindre le gaz…

L’enfant a besoin d’avoir son réservoir d’amour plein. En donnant de l’attention spécifique à un enfant, on remplit son réservoir. Il n’est pas question d’amour conditionnel. Elle fait le parallèle avec une voiture : « Si tu me conduis à bon port, je mettrai de l’essence dans ton réservoir. « Non, ça ne marche pas comme cela ! » »

Isabelle Filliozat nous parle des trois types de réaction au stress : agression, fuite ou figement. L’agression est donc un moyen pour l’enfant d’exprimer son stress [elle mime l’amygdale de l’enfant stressé avec beaucoup de conviction]. L’amour et le contact donnent des moyens de gérer ce stress, en particulier lorsqu’ils sont prodigués par la figure d’attachement de l’enfant. Elle cite la pédopsychiatre Nicole Guédeney (2) qui a grandement participé à faire connaître en France la théorie de l’attachement que l’on doit à John Bowlby (2). La mère est comme un porte-avion et l’enfant est l’avion qui peut explorer le monde tant qu’il peut revenir dès qu’il en ressent le besoin vers sa figure d’attachement. Isabelle Filliozat donne l’exemple de la femme qui profite d’un temps de jeu de son enfant pour appeler une amie au téléphone. De manière quasi certaine, l’enfant va vouloir attirer à nouveau l’attention de sa mère, même s’il semblait s’en désintéresser quelques secondes auparavant. Il s’agit là de ce qui s’appelle un « comportement d’attachement ».

Voici le film qu’elle nous montre à cette occasion et qui permet de se familiariser avec les notions d’attachement (John Bowlby) et d’empreinte (Konrad Lorenz) :

On a pu voir sur le film suivant l’expérience dite « du visage impassible », qui illustre le déclenchement du comportement d’attachement lorsque le parent est non disponible (bien que physiquement présent).

Ainsi, pour répondre à la question initiale, et malgré le fait que cela soit totalement contre-intuitif pour nous, Isabelle Filliozat suggère de faire un câlin à l’enfant de 4 ans qui vient de taper son frère, parce que ça remplit son réservoir d’amour (qui est manifestement vide) et que cela répond au comportement d’attachement.

Une des raisons qui peut pousser un enfant à être agressif envers un plus petit (comme par exemple son petit frère) est la présence de neurones miroirs dans son cerveau (3). Ils permettent l’empathie, de se mettre à la place de l’autre et même de savoir ce que ressent l’autre. Ceci induit chez le plus grand une tentation de régression et il déteste ça…

La troisième question concerne l’autorité : « comment se faire respecter par 3 enfants (des garçons) ? »

Une interrogation (qui reste ici sans plus de développement mais qui est très intéressante), puisque le genre des enfants est précisé : y’a-t’il un rapport différent des garçons et des filles à l’autorité ?

Nous avons en tant que parent « l’autorité fonctionnelle ». Il n’est pas nécessaire d’utiliser une autre autorité : nos enfants savent que nous savons nous débrouiller dans la vie. « L’autorité, est-ce donner des ordres, poser des interdits, donner des punitions ? » Et d’ailleurs, le comportement parental est-il véritablement toujours irréprochable ? Isabelle Filliozat nous décrit une situation dans laquelle un enfant de 8 ans dit à son père en rentrant de l’école « de toutes façons, toi, tu es nul ! ». La réponse bienveillante serait de dire « ouhlà ! On dirait que tu as passé une mauvaise journée, est-ce que tu veux en parler ? ». Mais on est parfois complètement débordé par ses propres réactions de stress : cela peut par exemple renvoyer à des choses de notre propre enfance. Le cerveau des parents ayant reçu étant enfant tout l’amour et l’attachement nécessaire est capable de prendre soin de son enfant. Il en retire même du plaisir (intervention de l’ocytocine (4)). Si non, si l’on a vécu des comportements de mépris, de rejet, voire des maltraitances, on peut, une fois devenu parent à son tour, manquer de ressources : on sera stressé par les demandes de nos enfants (et aura des réactions de fuite, agression ou figement). De la même manière qu’en cas de dépressurisation, il faut mettre son masque à oxygène avant de vouloir aider son voisin, il est nécessaire de réussir à se calmer avant de tenter de calmer son enfant.

Isabelle Filliozat évoque ensuite l’idée reçue selon laquelle les enfants testent nos limites. Elle insiste sur le fait que ce n’est jamais le cas. Elle nous raconte la situation de l’enfant parti à la crèche avec son réservoir d’amour à vide, qui a été charmant toute la journée (a retenu beaucoup de stress) et explose lorsque sa mère vient le chercher parce qu’elle n’a pas pris le bon paquet de gâteau. Le problème ne vient bien sûr pas du choix des gâteaux, ce n’est pas non plus un caprice. L’enfant, retrouvant enfin sa figure d’attachement, peut se permettre de vider son sac !

Elle nous parle ensuite des pères. Elle cite le fait que statistiquement, pendant la première année de leur enfant, les pères restent au travail en moyenne une demi-heure de plus. Lorsque son conjoint rentre, plutôt que lui demander un câlin (ce dont on a réellement besoin), on a tendance à lui faire des reproches : l’enfant fait pareil !

Isabelle Filliozat [décidément très douée pour nous figurer les situations] nous expose la « technique du voilà » (c’est le « câlin pour les nuls » à l’attention des conjoints qui doivent se contenter de prendre leur femme dans leurs bras et lui tapoter le dos en disant « voilà »).

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Quelques dernières choses à rajouter avant de terminer : 

Isabelle Filliozat fait passer une sucette sur laquelle il y a écrit un texte… Lecture des ingrédients, notamment des divers colorants et conservateurs contenus dans la sucette, ainsi que la mention : « Peuvent avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention des enfants ». D’après le site http://www.les-additifs-alimentaires.com/ :

 Les fabricants dont les produits contiennent l’un des colorants suivant: E102 (tartrazine)E104 (jaune de quinoléine)E110 (jaune orangé)E122 (carmoisine)E124 (Ponceau 4R) et E129 (rouge allura) doivent ajouter la mention « Peuvent avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention des enfants ». (5)

Elle évoque des notions de psycho-nutrition (6) et le fait que l’on consomme énormément de sucres. Il est avéré qu’ils ont une influence sur les comportements (elle cite un certain nombre d’études qui étayent cela).

En répondant à ces trois questions, elle nous a donné les éléments pour pouvoir répondre aux autres questions : est-ce un problème lié à l’âge de l’enfant, au fait que son libre-arbitre a été contraint, est-ce un problème de réservoir d’amour ou est-ce un conflit entre deux enfants ? Elle fait d’ailleurs repasser les papiers pour qu’on puisse le vérifier nous-mêmes.

Conclusion

Voilà une intervention qui remotive ! Et bien sûr, il y a ce côté très agréable de pouvoir rencontrer une personne dont vous appréciez les écrits, même de loin, même deux minutes (j’aime beaucoup ce que vous faites !).

Je lui ai dit en lui faisant signer quelques livres que nous étions une jeune association nommée Grandissons et qu’on serait très heureuse de l’accueillir dans quelques années.  « Quand vous aurez grandi ? »

Voilà 🙂


Quelques notes mises (en) bas :

(1) Un grand merci également à Florence pour le trajet !

(2) Je vous reparlerai de l’attachement et des personnes citées très prochainement.

(3)  Ecouter, pour aller plus loin, l’excellente émission « sur les épaules de Darwin » de Jean-Claude Ameisen que France Inter consacrée à ce sujet : http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-le-lien-qui-nous-rattache-aux-autres

(4) On aura l’occasion de reparler de cette hormone magique.

(5) Vous pouvez aller voir cet article pour creuser le sujet : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140673607613063/abstract

(6) Isabelle Filliozat a elle-même publié un livre sur la nourriture : http://www.amazon.fr/Bien-dans-cuisine-Isabelle-Filliozat/dp/2709638347/ref=cm_cr_pr_pb_t

{ Un commentaire ? }

  1. Rébecca

    Magnifique! Bravo! J’ai également été à une conférence d’Isabelle Filliozat, en Suisse, c’était un cadeau! J’ai adoré l’histoire du porte avion, c’est tellement ça!

    Merci pour ce très beau résumé!!!
    Belle journée

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