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Pourquoi demander un câlin quand les carottes brûlent

Par Lise

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« Faites attention, elle vous fait du chantage », « elle essaye de vous manipuler »…

Si, si, sérieux, ces phrases m’ont été dites au sujet de ma fille de 15 mois, qui pleurait en arrivant dans un endroit nouveau et me tendait les bras en criant !

Avant de s’emballer, consultons  mon vieil ami Robert, des fois qu’un sens m’ait échappé. Et voici ce qu’il dit : « Chantage : moyen de pression pour obtenir quelque chose de quelqu’un », « Manipuler : influencer habilement un individu pour le faire penser, agir comme on le souhaite. »

Du calme, réfléchissons. De deux choses l’une : je prends les mots au pied de la lettre, et en déduis que, par ses larmes, de son chagrin et de ses craintes, ma fille essaye d’obtenir de moi que je la rassure et que je la console… Mais alors, à quoi dois-je faire « attention » ? Ne suis-je pas sa mère, celle qui, en lui donnant le jour, lui ai promis de lui offrir protection et amour ? Auquel cas il me faut comprendre que ma fille me demande un câlin, parce qu’à ce moment-là, elle en a besoin, et lui concéder parce qu’il est avant tout un plaisir pour moi…

Ou alors, je m’emballe, finalement, et j’entends chaque mot. Oui, mon enfant, cette petite personne blonde qui n’articule pas encore plus de deux syllabes, qui passe son temps à me sourire et à m’embrasser en riant, qui lance des baisers aux gens qui lui sourient dans la rue, et qui est encore si fragile qu’un bruit trop fort suffit à lui faire monter les larmes aux yeux, cette enfant-là calcule que lorsqu’elle entre dans un endroit nouveau qui l’effraye, son intérêt est de feindre la peur, de mimer le chagrin, de sorte à m’extorquer… quoi, en fait ? Malgré toute ma « bonne volonté » (douteriez-vous par hasard de mon impartialité dans cette histoire ?), je n’arrive pas au bout de ce raisonnement. Non, ce n’est pas seulement que je sais ma petite incapable de manipulation, mais surtout que je ne vois pas ni comment, ni pourquoi elle s’y essaierait.

Et pourtant, il est difficile d’être absolument sourd à ce genre de remarques, qui résonnent comme un écho assez souvent malgré tout. Ce doit être une habitude d’adulte : ce qui s’oppose à nos désirs de tranquillité et de liberté est forcément l’œuvre de machiavéliques manipulations fomentées par des personnes malveillantes qui ne cherchent qu’à vous déranger.

Allez, je lance une petite comparaison, parce que j’adore ça : vous êtes en train de vous bagarrer avec le linge à étendre, les carottes qui brûlent, le téléphone qui sonne et votre estomac qui gargouille. Pendant ce temps, votre conjoint(e), confortablement installé(e) sur le canapé, est derrière son ordinateur en train de faire, disons la comptabilité pour dire qu’il/elle œuvre aussi pour la cause commune. Peut-on dire, au moment, où, épuisé(e), agacé(e), larmoyant(e) peut-être, vous vous jetez sur lui/elle en criant « je n’en peux plus, viens m’aider, bouge, et prends-moi dans tes bras tendrement par-dessus le marché ! », que vous êtes en train de l’interrompre volontairement dans son activité, pour l’amener, par la manipulation et le chantage, à faire ce que vous voulez, sans autre but que le déranger ? Votre conjoint, emporté par ce qu’il fait, pourrait peut-être un instant le croire, mais soyons sérieux…

Eh oui, je pense avant tout que les enfants, si petits soient-ils, sont des personnes. Comparer leurs ressentis et même leurs actions avec les nôtres aide, je trouve, extrêmement bien à essayer de comprendre. Et comparer notre relation de couple, notre manière de nous adresser l’un à l’autre, est souvent une bonne clé (qui fonctionne, qui plus est, dans les deux sens !)

Pourtant, j’ajoute encore une nuance : aussi proches des nôtres soient les ressentis, les émotions et les besoins des enfants, je crois qu’ils sont plus forts et plus envahissants dans leurs petites têtes qui n’ont pas encore acquis l’expérience qui permet de relativiser, pas plus que celle qui permet de… manipuler !

Les écharpes de portage, c’est comme les camping-cars

Par Lise

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Quand deux camping-cars se croisent, ils ont souvent pour coutume d’échanger un appel de phare ou un signe de la main, reconnaissance entre conducteurs de machines un peu à part, « coucou, moi aussi, j’en ai une ! »

Les porteurs d’écharpes ou porte-bébés physiologiques, c’est un peu la même chose. Il y a souvent, lorsqu’on se rencontre, ce regard quasi-complice du porteur de tissu un peu à part.

Semblable au premier regard, le porteur de porte-bébé « de base », tenant son bébé face à la route, jambes pendouillantes, dos arqué, qui, à l’instar du chauffeur de  fourgonnette, salue aussi.

Pourtant, le porteur d’écharpe ou de porte-bébé physiologique ne peut souvent s’empêcher de ressentir comme une gêne. Peut-être au moins voudrait-il communiquer ce qu’il sait ?… Mais imaginez la scène : « Non, monsieur, non madame, votre camping-car est trop petit, trop peu puissant, trop peu meublé, vous ne pouvez prétendre à mon salut, attendez, je vais vous expliquer ce qu’il vous faudrait. » Non, cela ne se peut pas, et tout d’abord car cela manquerait d’indulgence et de respect dans l’échange.

Mais pour vous qui lisez ici, je vais développer un peu mon idée. Voici le porte-bébé standard, qui maintient l’enfant à califourchon sur une selle étroite, tout son poids portant sur l’entre-jambe et sa colonne vertébrale encore peu mature. Pire, tourné « vers le monde » (ce qui, en conduite, s’apparenterait à debout sur le capot, dirais-je), sans pare-brise, sans aucune chance de pouvoir se retourner vers un objet familier, doux (vous, quoi !), il se trouve forcé à ingurgiter lavillelesgenslescouleurslessonslemondelesbruitslesmoteursleslumièreslevacarmelesklacsonslesclignotants, tout à la fois, sans que le moindre mouvement de recul lui soit possible.

À l’opposé, voilà le porte-bébé dit « physiologique » ou l’écharpe, dans lequel le petit passager, comme dans la banquette moelleuse et chaude d’un beau camping-car, se trouve lové contre la poitrine ou le dos de son tendre porteur, son propre dos arrondi selon la forme qui lui est naturelle, avec la possibilité de choisir de regarder autour de lui, sur les côtés, et même autour d’un nombre de degrés impressionnant grâce à la souplesse de son jeune cou, ou de serrer son minois dans l’odeur familière de son porteur protecteur et tendre comme un pare-brise anti-choc.

Pour couronner le tout, le porteur lui-même trouvera un confort incomparable pour son propre dos dans le portage physiologique, qui permet de varier les positions (devant, derrière ou côté), et de mieux répartir la charge. Car, clairement, pour transporter cette merveille aussi précieuse qu’encombrante, mieux vaut se sentir bien soi-même !

Oui, comme j’aimerais, souvent, m’approcher et déclarer doucement : « Le dos de nos enfants est encore tout arrondi, regardez comme le tout-petit se montre plus détendu lorsqu’il est maintenu dans cette position. » Et surtout : « La plus belle et la plus importante des stimulations pour le petit enfant est le contact visuel avec d’autres humains et les échanges verbaux. Offrez-lui cela dès à présent. Bien vite il aura le monde face à lui, mais si ce sont ses propres jambes qui le portent, il le dégustera plus commodément. »

Mais je me retiens, m’efforçant de garder à l’idée qu’après tout, nous avons de part et d’autre un beau bébé, l’envie de le tenir contre soi, et de l’amour à revendre, alors autant profiter de l’occasion supplémentaire offerte d’échanger au moins un sourire !

Un sandwich à la tétée

Par Lise

Je ne sais plus très bien quand ni comment j’ai décidé que j’allaiterai mon bébé, cette minuscule chose encore parfaitement inconnue qui se cachait en moi. Disons que l’idée s’est subrepticement glissée d’elle-même, mêlée d’une part des souvenirs de mon enfance, lorsque ma sœur était allaitée, puis que nous donnions le sein à nos poupées, d’autre part de conseils de sages-femmes, puis de lectures disparates. J’allais essayer, et puis je verrais bien. Ce que j’ai vu, c’est que plein de difficultés sont venues m’embêter, mais que plus c’était compliqué, plus j’étais convaincue de vouloir continuer. Comme cela ne fonctionnait pas tout seul, ma volonté s’en est mêlé, appuyée par toutes les informations sur le sujet qu’il m’a fallu chercher pour me soutenir, et là, plus question d’en démordre !

Une des phrases qui m’a le plus frappée fut : « Tu devrais laisser le papa lui donner un biberon de temps en temps pour qu’il participe ! » Alors d’abord, non, je ne crois pas a priori que le papa doive tout faire comme la maman. Chacun créera une relation qui lui est propre avec son tout-petit, et, il se trouve que le papa n’ayant pas la poitrine ad-hoc, le sein de maman risque d’opposer quoi qu’il en soit une concurrence déloyale à son biberon. D’autre part, je ne suis pas sûre que « donner un biberon pour donner un biberon » par défaut soit à la hauteur de ce qui peut être confié à un père.

En revanche, si je ne crois pas que le papa doive chercher à « faire pareil », je trouve formidable qu’il « fasse avec ». C’est ainsi que sont nées nos merveilleuses tétées à trois, papa et maman allongés de part et d’autre, bébé en sandwich au milieu. Cela fonctionne le jour, la nuit, à la sieste, au goûter, et même dans la rue, ni vu ni connu, en version verticale bien sûr ! En été c’est doux, en hiver ça réchauffe, la nuit ça console et le jour ça fait rire. Surtout que depuis qu’elle est capable de le faire, la petite téteuse du milieu ne manque pas de réclamer à cors et à cris la deuxième moitié de son sandwich, qu’elle bisouillera tant et plus entre deux rototos.

Et là, alors, oui, le papa participe, et plus que cela, il tient une place tout entière. Car pour construire un tel nid de tendresse, de douceur, d’amour, un partage si profond, une complicité si fine, des regards si aimants, pas de doute, rien de mieux qu’être trois !

Voeux de naissance

Par Marie

Nous y voici, notre association est créee !

Pour cette nouvelle année sous le signe de cette nouvelle association, je voudrais citer deux auteures : tout d’abord Ariane Mnouchkine dont les vœux (audibles ci-après) résonnent tout particulièrement à nos oreilles aujourd’hui (merci à Lise pour le partage)

 » Je nous souhaite […] un immense chantier »,

« Juste besoin de confiance. De regards. D’écoute. »,

« Expérimentons, nous-mêmes, expérimentons, humblement, joyeusement et sans arrogance. »,

« Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. »‘

Et ensuite Norma Jane Bumgarner, dans « le bambin et l’allaitement » (que je viens tout juste de terminer), sur un sujet qui nous a réunies, Fred, Lise et moi, qui nous incite à grandir nous aussi en tant que mère, en tant que parent :

« Le meilleur moyen, à ma connaissance, d’éviter de chanter ces complaintes du « nid vide » à mesure que vos enfants grandissent consiste à vous engager à fond dans chaque étape de votre croissance comme mère. Suivez votre intuition maternelle avec vos bébés et vos jeunes enfants. Comblez vos besoins de materner, utilisez-les, épuisez-les. Ces besoins ne disparaîtront pas, bien sûr, mais à l’instar de votre enfant, vous deviendrez satisfaite et épanouie. Vous grandirez en même temps que vos enfants, de sorte que le chemin que vous parcourrez entre le moment où vous allaitez et celui où vous serez une grand-maman sera aussi excitant et agréable que celui que vos enfants suivront pendant ce temps. »


Les vœux de l’an 2014 d’Ariane Mnouchkine par Mediapart

« Mes chères concitoyennes, mes chers concitoyens,
À l’aube de cette année 2014, je vous souhaite beaucoup de bonheur.
Une fois dit ça… qu’ai-je dit? Que souhaité-je vraiment ?
Je m’explique :
Je nous souhaite d’abord une fuite périlleuse et ensuite un immense chantier.
D’abord fuir la peste de cette tristesse gluante, que par tombereaux entiers, tous les jours, on déverse sur nous, cette vase venimeuse, faite de haine de soi, de haine de l’autre, de méfiance de tout le monde, de ressentiments passifs et contagieux, d’amertumes stériles, de hargnes persécutoires.
Fuir l’incrédulité ricanante, enflée de sa propre importance, fuir les triomphants prophètes de l’échec inévitable, fuir les pleureurs et vestales d’un passé avorté à jamais et barrant tout futur.
Une fois réussie cette difficile évasion, je nous souhaite un chantier, un chantier colossal, pharaonique, himalayesque, inouï, surhumain parce que justement totalement humain. Le chantier des chantiers.
Ce chantier sur la palissade duquel, dès les élections passées, nos élus s’empressent d’apposer l’écriteau : “Chantier Interdit Au Public“
Je crois que j’ose parler de la démocratie.
Etre consultés de temps à autre ne suffit plus. Plus du tout. Déclarons-nous, tous, responsables de tout.
Entrons sur ce chantier. Pas besoin de violence. De cris, de rage. Pas besoin d’hostilité. Juste besoin de confiance. De regards. D’écoute. De constance.
L’Etat, en l’occurrence, c’est nous.
Ouvrons des laboratoires, ou rejoignons ceux, innombrables déjà, où, à tant de questions et de problèmes, des femmes et des hommes trouvent des réponses, imaginent et proposent des solutions qui ne demandent qu’à être expérimentées et mises en pratique, avec audace et prudence, avec confiance et exigence.
Ajoutons partout, à celles qui existent déjà, des petites zones libres.
Oui, de ces petits exemples courageux qui incitent au courage créatif.
Expérimentons, nous-mêmes, expérimentons, humblement, joyeusement et sans arrogance. Que l’échec soit notre professeur, pas notre censeur. Cent fois sur le métier remettons notre ouvrage. Scrutons nos éprouvettes minuscules ou nos alambics énormes afin de progresser concrètement dans notre recherche d’une meilleure société humaine. Car c’est du minuscule au cosmique que ce travail nous entraînera et entraîne déjà ceux qui s’y confrontent. Comme les poètes qui savent qu’il faut, tantôt écrire une ode à la tomate ou à la soupe de congre, tantôt écrire Les Châtiments. Sauver une herbe médicinale en Amazonie, garantir aux femmes la liberté, l’égalité, la vie souvent.
Et surtout, surtout, disons à nos enfants qu’ils arrivent sur terre quasiment au début d’une histoire et non pas à sa fin désenchantée. Ils en sont encore aux tout premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée dont ils seront, non pas les rouages muets, mais au contraire, les inévitables auteurs.
Il faut qu’ils sachent que, ô merveille, ils ont une œuvre, faite de mille œuvres, à accomplir, ensemble, avec leurs enfants et les enfants de leurs enfants.
Disons-le, haut et fort, car, beaucoup d’entre eux ont entendu le contraire, et je crois, moi, que cela les désespère.
Quel plus riche héritage pouvons-nous léguer à nos enfants que la joie de savoir que la genèse n’est pas encore terminée et qu’elle leur appartient.
Qu’attendons-nous ? L’année 2014 ? La voici. »

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