« J’ai tout essayé ! » : le livre d’Isabelle Filliozat

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Par Marie

jaitoutessaye

Déjà le titre est une manipulation (1)! Bien sûr que non, le livre d’Isabelle Filliozat n’est pas un mode d’emploi ni un manuel où trouver des réponses toutes faites pour éduquer « L’enfant ». Non, c’est plus subtil et le titre est fait pour attirer les parents qui ne savent plus comment faire.

En vérité ce livre est une ouverture sur ce que l’on appelle « l’éducation bienveillante » où l’on essaye de comprendre ce qui se passe pour l’enfant, notamment au cours du développement de ses capacités et de son cerveau, et d’agir en conséquence.

Il permet de voir les choses sous un angle différent. « Et si il s’agissait de mon conjoint au lieu de mon enfant, oserais-je lui parler ainsi ? » Cela parle du respect de l’enfant en tant que personne humaine.

Anouk Dubois y a réalisé des dessins qui permettent tout au long de l’ouvrage d’illustrer les situations décrites. Je dois dire que cela amène une facilité de lecture qui séduira les amateurs de BD dont je fais partie et même les plus réticents aux livres, mettant véritablement ce livre à la portée de tous.

J’aime aussi le choix délibéré d’alterner les pronoms il et elle lorsqu’on parle des enfants. J’ai trouvé cela très utile, à la fois pour ne pas croire à « L’enfant » (un modèle d’enfant qui n’existe pas) et pour pouvoir facilement reconnaître son propre enfant. En bonus, cela nous permet de ne pas être tentés de considérer certains comportements comme étant particulier à un sexe donné.

Isabelle Filliozat s’appuie sur les dernières recherches scientifiques des sciences de l’éducation et du développement des enfants. S’il existe de véritables choix éducatifs, elle nous éclaire également sur les « non-choix », telle que la violence éducative (claques, fessées, punitions, soi-disant employées à titre éducatif) qui n’a jamais été une méthode valable pour apprendre quoique ce soit aux enfants. (2)(3)

Ne pas en arriver là est tout le propos du livre : si l’auteur nous exhorte dès l’introduction à ne pas la croire (4) « Ce livre ne vous présente pas la vérité. A chacun d’observer, de sentir, d’expérimenter. », elle présente tout de même un certain nombre d’options auxquelles on ne pense pas forcément (en particulier lors de la crise) et qui s’avèrent tout à fait valables.

« Certaines attitudes proposées de parentalité positive vous paraîtront simplistes, idéalistes. Nous sommes si accoutumés aux conflits familiaux qu’ils nous paraissent naturels, si habitués à  ce que nos enfants ne coopèrent pas, que nous hésitons à croire que ce puisse être possible et de plus, si aisément. Quand on s’est arc-boutés pour pousser une porte, il peut être déconcertant de découvrir qu’il suffisait de la tirer pour qu’elle s’ouvre. Là est un peu le propos de cet ouvrage, analyser le sens d’ouverture plutôt qu’y aller en force. »

« Nombre de réactions incompréhensibles de nos enfants sont en fait liées à des malentendus. Parce que son cerveau est en développement, l’enfant ne voit pas, ne comprends pas les choses tout à fait comme nous. Méconnaître cela est source de nombre de conflits, de punitions inutiles et d’exaspération parentale. »

« J’ai tout essayé » est organisé en chapitres décrivant différents comportements classiques (et généralement incompréhensibles pour les parents) selon l’âge des enfants : par exemple, la période entre 18 et 24 mois (au hasard…) étant définie comme celle du « non » des enfants. S’en suit une brève description des particularités de cet âge puis des exemples de situations pouvant donner lieu à des crises, ou tout au moins des incompréhensions, entre le parent et son enfant. Au sujet de ces phases d’oppositions, j’ai trouvé très intéressant d’apprendre qu’à ce moment-là, l’enfant a besoin de sentir qu’il existe en tant qu’individu, indépendant de sa mère, et que « la phase du NON systématique peut ne durer qu’une semaine, juste le temps de vérifier « je ne suis pas toi, j’ai le droit d’être moi ». L’opposition ne s’installe que si le parent refuse la différenciation. L’enfant doit alors protéger sa toute nouvelle et encore fragile identité. »

J’y ai trouvé des pistes de réflexion dans mon métier de parent (j’aime bien qu’on me permette de voir les choses d’un autre point de vue) et aussi, peut-être surtout, des pistes d’action. Par exemple, j’essaye désormais de dire ce que je voudrais que mon enfant fasse (rester sur le trottoir) plutôt que ce qu’il ne faut pas faire (aller sur la rue) : cela simplifie le discours et permet à l’enfant de ne pas se focaliser sur l’action interdite.

A la fin du livre, un protocole de résolution de conflit est proposé et l’auteur insiste sur l’importance de privilégier la relation avec son enfant sur toute autre chose. Car c’est effectivement cela qui compte et nous ne devons pas oublier de profiter chaque jour de la vie avec notre enfant.



conference-isabelle-filliozat

L’association Bébé en Conscience organise le samedi 5 avril 2014 à 15h – Palais des Congrès de St Raphaël (83) une conférence d’Isabelle Filliozat – « J’ai tout essayé, il continue ». Renseignement et réservations : http://www.bebeenconscience.com/conference-isabelle-filliozat.htm

(moi j’ai déjà ma place !)


En bas de la page, des notes :

(0) Pour les adhérents, nous avons ce livre dans notre bibliothèque !

(1) Voir à ce sujet le très bon article de Lise « pourquoi demander un câlin quand les carottes brûlent« .

Quant à Isabelle Filliozat, voici ce qu’elle pense des caprices  : « l’enfant ne cherche ni à tendre un piège à ses parents, ni à les tester. Il n’en a tout simplement pas les capacités intellectuelles. Les caprices […] sont en réalité des réponses du cerveau de l’enfant à des situations trop complexes pour lui. »

(2) Il est démontré aujourd’hui que l’emploi de la violence est non seulement contre-productif mais qu’il conduit à de véritables dommages physiques sur les enfants. En particulier, l’augmentation de cortisol au niveau du cerveau (l’hormone de stress) a un effet très négatif sur le développement cérébral.

(3) Voir aussi, bien sûr, le site de l’Observatoire de la Violence Educative Ordinaire.

(4) A la manière dont André Gide dans « les nourritures terrestres » nous demande de jeter le livre pour aller vivre notre vie…

{ Un commentaire ? }

  1. giraud

    Oui j’adooore !!!!! j’en veux encore!

  2. najmeddin

    Assez déçue de ce livre en fait…
    J ai lu ce livre car j avais entendu parler de l éducation non violente, évidemment de par le titre je pouvais deviner ce que c etait, mais je voulais savoir de quoi il en retournait vraiment.
    Avec mon enfant j ai l habitude de parlementer avec lui, d essayer de lui proposer des solutions quand je vois qu il n est pas content, mais au bout d un moment lorsque ca me semble trop, je stoppe et je me montre ferme. Assez parlementé! C est moi qui decide!
    Mais dans certaines situations c est l impasse, alors je me suis dis que comme je ne suis pas du genre a donner des claques, il devait y avoir d autres solutions… d où l emprunt du livre.
    J ai foncé sur le chapitre qui me pose éventuellement problème avec mon enfant, a savoir le repas.
    En general il mange tres bien mais j ai quand meme des refus de manger de temps en temps. Que faire et pourquoi ce refus?
    Le livre propose quelques pistes qui m ont semblées evidentes et que j avais déjà essayées sans succès. Tres sommaires, on reste sur sa faim sans solution.
    En fait en lisant ce livre j ai eu l impression qu on me disait que les enfants sont des anges et que si il y a des crises c est que c est moi qui ait mal compris l enfant et non pas moi qui aurait éventuellement raison d agir comme je le fais. L impression qu a chaque situation ilfaut parlementer avec son enfant 3 heures pour essayer de bien vouloir comprendre ce qu il se passe. J ai trouvé que, trop c est trop.

    On apprend tout de même quelques points au niveau du fonctionnement de l enfant

    Exemple qui m a marqué: quand l’enfant fait une crise, qu il ne se laisse pas habillé (24-36 mois) ce n est pas forcément qu ‘il ne veut pas et qu ‘il fait un caprice , c est juste que pour lui c ‘est mieux de mettre les chaussettes avant le pantalon par exemple.
    Voila qui amène a penser différemment au sujet de certains comportement des enfants. Ne pensons pas en tant que nous, adultes, à nos ages, mais essayons de comprendre cette ce qu il peut se passer dans la tete d un enfant a ce moment là. Oui, pour cela ce livre m a fait réfléchir.
    C est le seul point que je retiens. Pour le reste je l ai trouvé too much et trop « les enfants sont merveilleux et c est à nous parents de nous remettre en question tout le temps  » . je pense que quand on a des valeurs il faut les suivre.
    Tout cela fait partit du domaine du ressenti et c’est assez difficile à expliquer dans un commentaire….

  3. najmeddin

    Par valeurs à suivre, je veux dire qu’il est bon de suivre ce qui nous paraît important dans l’éducation de nos enfants.
    Ex: il est important pour l’équilibre de mon enfant qu’il se couche à 21h maxi , ou encore dans un autre registre, pour moi, cela n’a pas d’importance que mon enfant aille sauter dans les flaques et plonger les mains dans la boue car il découvre un nouvel élément, il s’épanouit, peu importe si il se salit.
    Mon propos est lié à la notion de caprice abordée dans ce livre. Par rapport à nos valeurs, est ce que le comportement de notre enfant à un moment donné est un caprice, ou non? Pour certains parents ça le sera, pour d’autres, non. Car nous n’avons pas les mêmes valeurs, les mêmes principes d’éducation. Je ne sais pas si j’arrive à être claire?
    D’ailleurs pour l’auteure, l’enfant de moins de 4 ans ne peut pas, n’est pas capable (au niveau développpement du cerveau) de faire un caprice. Point sur lequel je ne suis pas d’accord non plus, mais il y a là un vaste sujet sur lequel discuter.
    Pour la question du repas, il serait interessant de lire ce livre que tu me conseilles, et très interessant d’en parler car pour finir, j’ai réglé le soucis par rapport à ces fameuses « valeurs », et avec le temps et l’âge de l’enfant qui aident aussi heureusement.

    Merci pour ce site et ces échanges qui font réfléchir

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